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Sûreté: le Conseil constitutionnel censure le texte soutenu par Eric Dupond-Moretti

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BILLET

« M. Dupond-Moretti a été bien mal inspiré de renoncer à ce qu’il défendait auparavant pour les besoins de sa nouvelle cause ministérielle »

…a déclaré Jean-Pierre Sueur, qui avait demandé et obtenu l’audition du nouveau ministre de la Justice Éric Dupond-Moretti par la commission des lois du Sénat dont il est le vice-président.

Les Sages ont rendu leur décision ce vendredi 7 août : la loi de sûreté antiterroriste, a été jugée en grande partie inconstitutionnelle

La décision est tombée. Le Conseil constitutionnel a censuré ce vendredi l’essentiel de la loi LREM prévoyant des « mesures de sûreté » pour les détenus terroristes sortant de prison, jugeant que nombre des dispositions prévues par le texte « portent atteinte » à plusieurs libertés fondamentales.

Dans leur décision, les Sages estiment que ces mesures, qui devaient être prononcées en fonction de la « particulière dangerosité » d’un détenu, « portent atteinte à la liberté d’aller et de venir, au droit au respect de la vie privée et au droit de mener une vie familiale normale ».

Vérifier que le texte respecte « des libertés constitutionnellement garanties »

Le Parlement avait adopté définitivement la semaine dernière, par un ultime vote à main levée de l’Assemblée, une proposition de loi LREM controversée prévoyant des « mesures de sûreté » pour les condamnés pour terrorisme, à l’issue de leur peine.

Le président de l’Assemblée nationale Richard Ferrand (LREM) avait aussitôt annoncé qu’il saisissait le Conseil constitutionnel de ce texte pour vérifier la « conciliation » entre « prévention des atteintes à l’ordre public » et respect « des libertés constitutionnellement garanties », selon un communiqué.

Pour Paul Cassia, professeur de droit à Paris 1 Panthéon-Sorbonne,…

…cette décision du Conseil constitutionnel, «pire qu’une claque», est un «véritable coup de massue» pour la majorité : «C’est en vérité le second coup de gourdin après que le Conseil constitutionnel a largement retoqué le 18 juin la loi Avia contre la haine en ligne, dit-il à Libération. Et là, encore une fois, le Conseil constitutionnel a atomisé un texte venant de la majorité. Ce sont des centaines d’heures de débats parlementaires qui sont perdues, alors que le pays méritait que des urgences supérieures soient traitées.» 

Définitivement adopté le 27 juillet par l’Assemblée nationale, le texte avait pour but d’imposer des mesures restrictives de liberté à des personnes sortant de prison et condamnées pour terrorisme à une peine de privation de liberté d’une durée d’au moins cinq ans, ou en cas de récidive légale d’au moins trois ans. C’est en fonction de leur particulière dangerosité caractérisée par une probabilité très élevée de récidive et par une adhésion persistante à une idéologie ou à des thèses incitant à la commission d’actes de terrorisme que ces mesures devaient s’appliquer.

La présidente de la commission des lois de l’Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet (LREM) et le député de la majorité de Saône-et-Loire Raphaël Gauvain avaient pourtant reçu le soutien prononcé du gouvernement. La proposition de loi avait été défendue au Palais-Bourbon en juin par Nicole Belloubet avant qu’elle ne laisse la place à son successeur Eric Dupond-Moretti.

Le ministre pénaliste avait changer de position

Le pénaliste, fraîchement nommé ministre de la Justice, avait soutenu le texte, assurant qu’il était «équilibré» alors même qu’il s’était opposé en 2008 à la loi sur la rétention de sûreté. «Au lieu de rester sur ses positions d’avocat, il a épousé celle de la majorité parlementaire et s’est grillé, commente Paul Cassia. « Cette affaire entache une crédibilité déjà largement entamée. C’est un amateur dans un gouvernement d’amateurs. Des amateurs qui prennent des dispositions contraires à la Constitution. Or, on a besoin de professionnels du droit.»

Une « peine dans la peine » pour le Sénat

Les sénateurs socialistes ont estimé qu’il s’agit là d’une sorte de « peine dans la peine », soit la possibilité de rajouter une peine à une personne l’ayant déjà purgée. Ils visaient en particulier l’article 1 de cette loi.

« La décision du Conseil constitutionnel donne entièrement raison aux arguments défendus par le groupe socialiste au Sénat, et défendu dans le recours déposé devant le Conseil », réagit le sénateur PS Jean-Pierre Sueur.

« Le Conseil considère que si la lutte contre le terrorisme est un objectif de valeur constitutionnelle, les mesures de sûreté figurant dans l’article 1 sont contraires à la Constitution. En effet, l’ensemble de ces mesures s’apparentent à des peines après la peine. Ce qui est différent des dispositifs qui peuvent être décidées par le juge lors du prononcé de la peine. »

« IL FAUT FAIRE APPEL À D’AUTRES DISPOSITIFS POUR LUTTER CONTRE LE TERRORISME ET LA RADICALISATION » Jean-Pierre Sueur

Pour le groupe socialiste, « il faut faire appel à d’autres dispositifs pour lutter contre le terrorisme et la radicalisation », poursuit le sénateur du Loiret. « Le groupe socialiste a donc eu raison d’être vigilant en s’opposant à ce texte. »

Jean-Pierre Sueur, qui avait demandé et obtenu l’audition du nouveau ministre de la Justice Éric Dupond-Moretti par la commission des lois du Sénat dont il est le vice-président, conclut :

« M. Dupond-Moretti a été bien mal inspiré de renoncer à ce qu’il défendait auparavant pour les besoins de sa nouvelle cause ministérielle. »

Jean DUPORT

1 réponse »

  1. J’ai l’impression que la fonction ministérielle rend médiocre, qu’elle altère la réflexion au point de rendre servile ! ☹
    Quelle déception de constater qu’un grand homme de droit comme Monsieur Éric Dupond-Moretti a oublié ses convictions antérieures depuis qu’il est entré au Gouvernement !
    Si le Conseil constitutionnel n’avait pas censuré cette loi, elle aurait constitué ce qu’on appelle en droit pénal américain le « Double Jeopardy », c’est-à-dire une double peine pour le même motif…
    Heureusement que Monsieur Richard Ferrand a fait preuve de bon sens en saisissant le Conseil constitutionnel conformément à l’article 61 de la Constitution de 1958.
    Mesdames et Messieurs les membres du Gouvernement, au lieu de vous comporter en courtisans, respectez en toute objectivité vos attributions. Il vous appartient de veiller quotidiennement au bon fonctionnement et à la continuité des services publics, etc.
    Mesdames et Messieurs les députés, avant de faire une proposition de loi ou d’adopter une loi, souvenez-vous que la Constitution demeure au-dessus de la hiérarchie des normes dans notre système juridique.
    Excellent week-end ☀️🌞😃
    Anne BRUNET

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