
« l’Assemblée nationale termine l’examen de la réforme dans la confusion la plus totale »
TITRE LE MONDE QUI POURSUIT :
« Que restera-t-il de ces dix jours où la réforme des retraites a fait vaciller le Palais-Bourbon ? Les débats à l’Assemblée nationale se sont achevés, dans la confusion la plus totale, vendredi 17 février à minuit, sans vote sur le projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale ni même sur l’article 7, qui prévoit le report de l’âge légal de départ à la retraite de 62 à 64 ans.
« Sous les huées de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes), le ministre du travail, Olivier Dussopt, a mis un terme aux discussions, conformément à l’article 47 alinéa 1 de la Constitution qui permet au gouvernement de limiter les débats à vingt jours à l’Assemblée nationale en première lecture. Le choix de cette méthode imposera aux sénateurs d’examiner à leur tour ce texte en quinze jours, dès le 28 février. Une commission mixte paritaire sera ensuite convoquée à la mi-mars pour trouver un accord bicaméral, alors que la date limite d’examen au Parlement est fixée au 26 mars. » …/…
ARTICLE EXTRAIT – LIBÉRATION
La réforme des retraites mérite mieux que cette faillite démocratique
Si chaque groupe politique a ses torts dans le fiasco parlementaire autour du projet de réforme des retraites, le Président porte lui aussi une grande part de responsabilité.
par Paul Quinio. publié le 17 février 2023. LIBÉRATION
La consternation ou la colère. Ou les deux. En tout cas, la faillite démocratique à laquelle nous assistons à l’occasion de l’examen de la réforme des retraites à tout pour inquiéter sur l’état de santé politique du pays. Résumons : le système des retraites, au cœur du pacte social français depuis l’après-guerre, est en passe d’être modifié sans même que la représentation nationale ait pu débattre de son article majeur, celui concernant le report de l’âge de départ à 64 ans. Et, plus globalement, sans que la réforme fasse l’objet d’un vote des députés. Ce simple constat donne le vertige et devrait alarmer quiconque continue de croire que la démocratie est le pire des régimes, à l’exception de tous les autres.
Pire, ce non-vote a été précédé par des débats qui n’auront fait que creuser un peu plus le fossé qui ne cesse d’éloigner les Français de la politique. La faute à qui ? A tout le monde. La majorité a choisi d’escamoter la durée des débats et a multiplié les demi-mensonges, erreurs, approximations qui ont contribué à la dégradation générale de l’exigence requise sur une réforme de cette importance. En rajoutant la violence à sa stratégie d’obstruction parlementaire, la gauche n’a certainement pas haussé le niveau,
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Quitte, c’est un comble, à contrarier le plan de bataille pourtant rondement mené des syndicats. La droite, elle, n’a jamais assumé sa position de fond (plutôt favorable à la réforme) et d’allié de la majorité. Le RN n’a rien dit, normal, puisqu’il n’a rien de crédible à dire sur le sujet. Tous coupables donc.
Sauf que la majorité, tout simplement parce qu’elle est la majorité, est de facto plus responsable que d’autres du fiasco actuel. Les racines de cette responsabilité remontent à l’élection d’Emmanuel Macron et à la majorité relative issue des législatives. Il ne s’agit en aucun cas de remettre sa réélection en cause. Mais force est de constater que le chef de l’Etat a oublié que les Français, en barrant la route à l’extrême droite, ont lors du second tour de la dernière présidentielle fait preuve de maturité politique.
Depuis, Emmanuel Macron fait lui semblant d’avoir été élu «normalement», sur son programme (donc la réforme des retraites) ou sa personne. A la maturité politique, il n’a répondu que par le mépris d’une partie non négligeable de ses électeurs. Tourner ainsi le dos à l’esprit de sa réélection (et des promesses de sa campagne de second tour) est d’autant plus une faute qu’il n’en a pas politiquement les moyens, assis qu’il est sur une majorité relative. Qu’il affaiblisse ce faisant sa majorité, qu’il s’affaiblisse lui-même n’a guère d’importance. Qu’il dresse par ses choix les Français les uns contre les autres, au risque de fragiliser davantage les ressorts démocratiques qui lui ont permis de rempiler, est beaucoup plus grave.