
ARTICLE : Les attentes des jeunes au travail ne sont pas si différentes de celles de leurs aînés
Hélène Bourelle — Édité par Diane Francès — 16 novembre 2023 SLATE
La gen Z n’en finit plus de faire couler de l’encre, parfois à tort et à travers.
Depuis plusieurs années, les entreprises font face à des difficultés de recrutement, particulièrement sur les profils juniors. Selon le baromètre carrière 2023-2024 établi par JobTeaser et Kantar, 61% des recruteurs considèrent que l’embauche des jeunes est difficile, en raison notamment de leurs multiples exigences et de leurs attentes du monde professionnel.
D’après une étude réalisée en 2023 par OpinionWay pour Indeed auprès d’un panel de salariés plus âgés, 61% des sondés trouvent que leurs collègues appartenant à la génération Z, soit les individus nés entre 1997 et 2010, ont trop confiance en eux. 56% les perçoivent comme paresseux et la moitié des répondants estiment qu’ils manquent de respect aux entreprises.
Mais les jeunes travailleurs s’inscrivent-ils vraiment en totale contradiction par rapport aux générations précédentes? Le clash générationnel a-t-il lieu d’être? Pas si sûr.
Le sens au travail, un impératif
«Les considérations sur le sens au travail ne sont pas nouvelles, mais la crise sanitaire les a nettement renforcées. Même si la définition qu’on met derrière la notion de sens diffère selon les individus et la nature du métier exercé, c’est une préoccupation majeure, et pas que chez les jeunes», explique Marc Loriol, sociologue et directeur de recherche au CNRS et à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, auteur de L’Addiction au travail – De la pathologie individuelle à la gestion collective de l’engagement (2023).
Au sein de la gen Z, c’est essentiellement les enjeux sociaux et environnementaux qui entrent en ligne de compte. D’après le baromètre JobTeaser/Kantar, 80% des jeunes considèrent que les valeurs d’une entreprise déterminent son attractivité et 68% choisissent leur employeur sur la base de son engagement environnemental.
«Je crois qu’on essaie de réparer quelque chose en mettant notre travail au service d’une cause qui nous anime vraiment.»
Aaron, 26 ans, commercial dans le secteur de l’environnement
«Pour mes parents, le travail était vu comme un moyen d’émancipation qui permettait d’améliorer ses conditions de vie et d’offrir un avenir meilleur à sa famille. À l’inverse, notre génération intègre le monde professionnel à l’heure où le niveau de vie se dégrade et où on nous retire peu à peu nos droits sociaux», expose Aaron, 26 ans, commercial dans le secteur de l’environnement.
Face à l’augmentation des inégalités et à la libéralisation de nos sociétés, mettre sa force de travail au service d’une cause qui sert le bien commun apparaît donc comme le principal levier de motivation: «Faire un travail utile pour la société, c’est essentiel pour moi. Contrairement à la génération de nos parents qui ont exercé toute leur vie des métiers pour lesquels ils n’avaient pas forcément d’intérêt particulier, je crois qu’on essaie de réparer quelque chose en mettant notre travail au service d’une cause qui nous anime vraiment.»
Ne plus perdre sa vie à la gagner
Derrière ce refus d’exercer des métiersauxquels on ne trouve pas d’intérêt se cache aussi le nouvel eldorado des travailleurs: l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle.
C’est en tous cas ce qu’a pu noter Marc Loriol lors de ses enquêtes auprès d’individus de tous les âges: «À leur arrivée dans le monde professionnel, les jeunes travailleurs cherchent souvent un travail qui a du sens à leurs yeux. Mais au bout de trois-cinq ans, c’est finalement le besoin de flexibilité et de plus de temps pour soi qui est revendiqué.» Et chez les moins de 30 ans, le temps où l’on faisait passer sa carrièreavant sa vie personnelle semble révolu.

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Carolina, 25 ans, créatrice de contenus dans le secteur du conseil en innovation, abonde dans ce sens. «Jamais je ne consacrerai une minute de mon temps libre pour mon travail. Quand je vois des collègues qui travaillent tard le soir ou le week-end, ou qui paniquent face à la hiérarchie, je me dis qu’on est vraiment en décalage. Pour moi, le monde du travail, vu le niveau de frustrations qu’il génère, les modes de management encore ultra verticaux qu’il engendre et le peu de reconnaissance qu’on en retire, ne vaut absolument pas qu’on lui sacrifie notre bien-être mental, ni la moindre parcelle de notre vie en dehors des heures de bureau.»
Si ce besoin des jeunes travailleurs de redonner la part belle à leur vie personnelle est pleinement revendiqué, il n’efface pas pour autant les angoisses liées à leur avenir professionnel, dans un contexte d’inflation où les taux pour les prêts bancaires, notamment, explosent.
D’après le baromètre, 48% des répondants ont peur de ne pas réussir à financer leur vie, une angoisse que connaît Carolina: «Depuis toujours, on m’a inculqué un schéma selon lequel en faisant des études, j’aurais un travail qui me plairait et me permettrait de bien gagner ma vie. Résultat: je passe ma journée sur des tâches peu valorisantes et je ne suis pas tellement à l’aise financièrement. Je me demande à quoi vont ressembler les prochaines années, car je ne me vois pas vivre comme ça très longtemps.»
Le salaire reste le premier critère
Sans grande surprise donc, en dépit des aspirations précédemment citées, le salairecaracole en tête des considérations des jeunes travailleurs. Pour Emre, graphiste de 23 ans, «le plus important, c’est de vivre convenablement. Je veux que mon travail me permette de me faire plaisir ainsi qu’à ma famille. À mes yeux, c’est le meilleur moyen de faire honneur à mes parents, qui exercent des métiers difficiles et n’ont pas compté leurs efforts pour nous offrir une vie meilleure que la leur.»
«Rien d’étonnant à ce que le salaire soit leur priorité, comme il l’était pour les générations précédentes.»
Marc Loriol, sociologue
D’après Marc Loriol, «pour la majorité des jeunes, le travail reste l’unique moyen d’effectuer une insertion sociale, et cela passe bien sûr par le niveau de rémunération, qui détermine si on pourra louer un logement ou devenir propriétaire». Ces fortes attentes en matière de rémunération sont renforcées par les offres de formations privées, qui pullulent et promettent monts et merveilles aux jeunes.
Nombre d’entre eux sont prêts à débourser de coquettes sommes en vue d’obtenir un diplôme, quitte à souscrire de très lourds prêts étudiants, avant d’être rattrapés par la réalité des bas salaires réservés aux jeunes recrues lors de leur arrivée dans leur monde du travail: «Cette américanisation de notre système d’éducation supérieure met une pression financière supplémentaire sur les épaules des jeunes diplômés. Rien d’étonnant, donc, à ce que le salaire soit leur priorité, comme il l’était pour les générations précédentes», observe le sociologue.
Les générations précédentes ont été jeunes aussi
En fait, la gen Z est loin d’être la première à bousculer ses aînés au travail: «L’ironie, c’est que la génération des baby-boomers a été confrontée au même phénomène au moment de son arrivée dans la vie professionnelle. À l’époque, les jeunes issus des classes populaires et de la petite classe moyenne ont dû batailler pour faire comprendre à leurs parents qu’ils ne voulaient pas faire de métiers manuels comme eux. Ce qu’ils voulaient, c’était plus de liberté, de confort et moins de contraintes, grâce à l’obtention de diplômes pour exercer un métier de bureau.»
À l’époque, ces nouveaux cols blancs ont eux aussi essuyé les reproches des générations précédentes: «Indociles, exigeants… On leur prêtait des traits de caractère similaires à ceux qu’on attribue aux actuels jeunes travailleurs.» Pour Marc Loriol, il n’y a donc pas de secret, les jeunes d’aujourd’hui ressemblent aux jeunes d’hier: «Dire qu’ils sont particulièrement difficiles à intégrer au monde du travail reflète simplement les différences d’âge et donc de préoccupations entre individus à l’instant T.»

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Pour Nicolas, chimiste de 31 ans, manager d’une équipe de techniciens, tout est une question de perspective: «C’est vrai que les très jeunes sont plus difficiles à fidéliser et moins carriéristes. Mais je trouve injustes les critiques adressées à cette génération qui se débat avec un contexte économique particulièrement difficile. Et puis, c’est impossible de mettre tout le monde dans le même panier. Certains sont de très gros bosseurs, d’autres un peu moins.»
Une génération en quête de lien social
La génération Z a tout de même une particularité: elle est la première à être digital native, c’est-à-dire à être née pendant la révolution numérique. Considérée comme hyper connectée par ses aînés, biberonnée à l’instantanéité d’un scroll ou d’un swipe, elle rêve pourtant de lien social: 47% des répondants au baromètre souhaitent avant tout pouvoir entretenir de bonnes relations avec leurs collègues et trouver un environnement de travail bienveillant.
«Je m’épanouis grâce au travail d’équipe, au fait de prendre le temps de s’écouter entre collègues, de s’entraider, de trouver des solutions ensemble aux problèmes qu’on peut rencontrer. Sans ça, travailler serait une épreuve», témoigne Hélène, avocate de 27 ans.
Selon Marc Loriol, pour la gen Z comme pour toutes les autres, «la priorité est de rendre au travail sa dimension collaborative et redonner le sens du collectif, ce qui repose en partie sur des liens intergénérationnels. Quels que soient l’âge, l’expérience, le niveau de responsabilité… Il est temps de réapprendre à se parler et à s’entraider pour pouvoir faire ensemble un travail où chacun peut se reconnaître.»
ll faudra un jour arrêter d’être stupides au point d’empiler toutes ces générations adossées à une lettre. L’origine est un article californien parlant de ces jeunes rentrés de la guerre et qui se posaaient bien des questions. On les appelait la « Y Generation » qui se prononce en anglais la « Why Génération », celle qui se demande « pourquoi », qui a perdu le sens d’être là en société… Un consultant aussi idiot qu’inculte ramena le concept en France qui fit flores. Les français gourmands de classifications ont exploité le filon sans connaitre ni savoir…Voilà , c’est dit. Ce genre de dérapage devrait avoir une fin…Bien cordialement Jean-Marc SAURET Sociologue clinicien (Sorbonne, EHESS)Montdoumerc (Lot) http://jmsauret-managerconseil.blogspot.fr/
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