
ARTICLE – Retour du clivage droite-gauche : quid des ambidextres et des challengés du sens de l’orientation ?
Si la politique se re-latéralise, une définition stable des termes « droite » et « gauche » validée par l’Académie serait la bienvenue.
Hugues Serraf est journaliste et écrivain. ATLANTICO 7 9 24
Il a dirigé le pôle de presse automobile du groupe Bertelsmann Information Professionnelle, avant de développer les sites Internet de l’hebdomadaire spécialisé L’argus et de lancer l’hebdomadaire pour tablettes de Slate.fr.
Il est notamment l’auteur du Petit dictionnaire (modérément) amoureux de Marseille(Gaussen, 2018), de Les docks de Marseille(L’Aube, 2017), de Ils sont fous ces juifs(Éditions du Moment, 2012), de L’anti-manuel du cycliste urbain (Berg, 2010) et de Petites exceptions françaises (Albin Michel, 2008).
Maintenant que la parenthèse « en-même-temps-tiste » se referme, et que l’arrivée de Michel Barnier à Matignon officialise le grand retour de la « droite » et de la « gauche », peut-être faudrait-il militer pour une définition stable de ces deux notions.
Je veux dire, un truc sérieux, concret, inattaquable — validé par l’Académie dans l’idéal…
Après tout, droite et gauche, à l’origine, c’était juste un moyen pratique de distinguer les partisans des opposants au « veto absolu » du roi lors de la Constituante d’octobre 1789 et en fonction de l’emplacement de leur strapontin au Jeu de paume. On ne s’y écharpait ni sur le SMIC à 1 600 deniers, ni sur le taux d’exécution des OQTF d’aristocrates contre-révolutionnaires, et encore moins sur le creusement de méga-bassines permettant aux jardins de Versailles de traverser la saison sèche sans encombre… C’était purement descriptif.
Et les radicaux des deux bords ne s’asseyaient d’ailleurs pas spécialement en bout de rangée : comme leurs homologues modérés, ils restaient debout pour la plupart. Et c’était même un peu le foutoir façon AG estudiantine pour dire la vérité…
Mais bon, il y a des bancs en velours rouge pour tout le monde au Palais Bourbon, de nos jours. Les députés sont convenablement rangés dans des groupes relativement identifiés. Mais ça n’informe toujours pas vraiment sur le contenu exact de leurs philosophies respectives.
On peine à s’identifier.
Car enfin, est-ce que « gauche », désormais, correspond à une vision du monde dont le mètre étalon serait, pour le dire vite, une sorte de mélenchono-wokisme attrape-tout ? Un corpus idéologique anti-capitaliste, allergique à la laïcité, prônant la fin des frontières et la distribution de bloqueurs de puberté à la cantoche des écoles primaires, dont on ne s’écarterait, oh, même subtilement, qu’au risque d’être expulsé (argh !) vers la « droite » ?
Et la « droite », de son côté, serait-elle tout entière contenue dans un bréviaire pro-business, raciste, xénophobe, nationaliste, allergique à l’impôt, écoeuré par la CAF, et dont tout déviationnisme, même le plus timide, vous renverrait immédiatement au camp d’en face ?
Avec le « en-même-temps-tisme », au moins, on pouvait être vaguement ambidextre, nuancé, et même aller randonner en forêt en dépit d’un sens de l’orientation hésitant. On avait droit aux 50 nuances de rouge et au GPS. On n’avait pas besoin d’être convaincu que la clim était de droite et le chauffage de gauche pour aller dans un bureau de vote. Le monde était comme une pompe à chaleur réversible, quoi… A tout hasard, prévoyez une petite laine pour le retour à l’ancien monde.