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MANIFESTATION D’EXTRÊME DROITE AUTORISÉE ET FACILITÉE PAR L’ÉTAT – MISE À JOUR 2

DEUX POIDS DEUX MESURES ?

Cagoulés, tenants des drapeaux noirs ornés de croix celtiques, des centaines de militants d’ultradroite ont défilé ce samedi à Paris.

Dans un communiqué, la préfecture de police de Paris assure que rien ne l’autorisait à interdire l’événement du Comité du 9 mai.

Nul doute que le sujet a été traité au plus haut niveau de l’Etat qui n’hésite pas à interdire et empêcher des manifestations par des arrêtés censurés – aussitôt ou après – par la justice.

Sarah Durocher, présidente du Planning familial, interpelle elle aussi Gérald Darmanin, émue qu’une telle manifestation puisse être autorisée. « Une manifestation néofasciste autorisée et protégée ce samedi à Paris ? ! Pour rappel, féministes ou encore associations telles que le Planning familial sommes les cibles régulières d’attaques de ces mouvements. En autorisant celle-ci, quel message doit -on entendre ? »

MISE À JOUR : EN MÊME TEMPS,

Élisabeth Borne a déploré – suelques plus tard et après les protestations – des images «choquantes» après la manifestation d’ultradroite, samedi 6 mai, dans les rues de Paris. Le cortège de militants s’était réuni pour rendre hommage à un jeune nationaliste mort il y a 29 ans.

ET RÉTROPÉDALAGE ?

Gérald Darmanin demande aux préfets d’interdire toutes les manifestations d’ultradroite

L’annonce du ministre de l’intérieur survient après la polémique suscitée par la manifestation du Comité du 9-mai à Paris, samedi, qui n’avait pas été interdite.

« Interdire les manifestations d’ultradroite : «Une réaction politique au mépris du droit» »

TITRE LIBÉRATION ( par Maxime Macé et Pierre Plottu 9 mai 2023 €

« Pour le juriste Olivier Cahn, la mesure d’interdiction demandée par Gérald Darmanin aux préfets est juridiquement fragile et porte atteinte aux libertés.

« Après la polémique déclenchée par l’importante manifestation néofasciste samedi à Paris, Gérald Darmanin a annoncé qu’il donnerait instruction aux préfets d’interdire toute manifestationorganisée par «l’ultradroite ou l’extrême droite». Olivier Cahn, professeur de droit pénal à l’université de Cergy et spécialiste du maintien de l’ordre, revient sur la déclaration du ministre de l’Intérieur qu’il considère comme un effet d’annonce.

« La mesure annoncée par Gérald Darmanin est-elle légale ?

« C’est vraiment une réaction politique au mépris du droit. Ce qui est légal, c’est la liberté de manifester, consacrée par le Conseil constitutionnel en 1985. Elle est soumise à un certain nombre de conditions mais le fait d’être d’extrême droite ou d’appartenir à une organisation relevant de cette classification n’est pas une raison pour interdire une manifestation. On est dans une inversion du droit.

« Pour interdire une manifestation, il faut qu’elle présente des risques de troubles graves à l’ordre public, comme l’a rappelé assez justement le préfet de police Laurent Nuñez, ou l’impossibilité pour l’autorité administrative, sans disproportionnalité, de maintenir l’ordre avec les moyens dont elle dispose. »

…/…

CURIEUSE CONCEPTION DE L’ÉTAT DE DROIT

LAISSER LA JUSTICE AUTORISER LES MANIFESTIONS D’EXTREME DROITE

Darmanin a annoncé avoir donné de nouvelles instructions aux préfets : «Tout militant d’ultradroite ou d’extrême droite ou toute association ou collectif, à Paris comme partout sur le territoire national, qui déposera des manifestations dans le sens que vous avez décrit, [verra] les préfets [prendre] des arrêtés d’interdiction et nous laisserons les tribunaux juger de savoir si la jurisprudence permettra de tenir ces manifestations», a asséné le patron de la Place Beauvau.

MISE À JOUR 2: ajout de l’article 1.

1. ARTICLE

Les manifestants d’ultradroite avaient-ils le droit de défiler masqués ?

Le défilé de groupes néofascistes le 6 mai à Paris n’a pas été interdit en amont, et aucun participant n’a été interpellé, alors que de nombreux manifestants dissimulaient leur visage, ce que la loi, en théorie, interdit. 

Par William Audureau 11 mai 2023 LE MONDE 

Près de 600 membres de groupes néofascistes ont défilé dans les rues de Paris samedi 6 mai, suscitant émoi et inquiétude. Alors que le gouvernement a été accusé de complaisance, la première ministre Elisabeth Borne a évoqué des images « choquantes », mais rappelé la légalité de cette manifestation, qui a lieu chaque année.

D’un point de vue juridique, un fait a interrogé de nombreux observateurs : le port massif de masques ou de cagoules par les participants, en violation apparente des différentes dispositions législatives visant à empêcher les manifestants de se cacher le visage.

Que disent les textes de loi ?

Trois dispositions ont été adoptées dans les dernières années.

  • Le « décret anti-cagoule » de 2009

Après des débordements en marge d’un sommet de l’OTAN à Strasbourg en 2009, la ministre de l’intérieur Michèle Alliot-Marie avait signé un décret dit « anti-cagoule ». Depuis, l’article R645-14 du code pénal prévoit une amende de 1 500 euros pour toute personne dissimulant son visage lors d’une manifestation. Pour tomber sous le coup de cette disposition, plusieurs conditions doivent être réunies :

  • se situer dans la manifestation ou aux abords immédiats de celle-ci ;
  • dissimuler son visage de manière volontaire pour ne pas être identifiable ;
  • les circonstances doivent faire craindre des atteintes à l’ordre public ;

Le code pénal reconnaît des exceptions, comme des « usages locaux » (par exemple lors d’un carnaval) ou des motifs légitimes, comme un impératif de santé.

  • La loi « anti-burqa » de 2010

Un an plus tard, sous l’impulsion du ministre de l’intérieur Brice Hortefeux, une autre loi est promulguée, qui vise cette fois indirectement, sans les citer, les signes religieux dans la rue, et particulièrement les vêtements féminins islamiques (burqa, niqab).

La loi no 2010-1192 du 11 octobre 2010 dispose que « nul ne peut, dans l’espace public, porter une tenue destinée à dissimuler son visage. » Elle reconnaît néanmoins des exceptions, comme des « raisons de santé ou des motifs professionnels, ou si elle s’inscrit dans le cadre de pratiques sportives, de fêtes ou de manifestations artistiques ou traditionnelles ».

  • La « loi anticasseurs »

En avril 2019, après les dégradations de biens observées lors de certaines manifestations de « gilets jaunes », une nouvelle loi, plus sévère que celle de 2009, est promulguée. L’article 431-9-1, punit désormais d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende le fait de dissimuler volontairement tout ou partie du visage « sans motif légitime ». dans le cadre d’une manifestation « au cours ou à l’issue de laquelle des troubles à l’ordre public sont commis ou risquent d’être commis ».

« Il n’y a quasiment aucune différence entre cette loi et celle de 2009, remarque Audrey Darsonville, professeure de droit pénal à Lille-2. Le seul intérêt était d’en faire un délit, et donc de permettre de placer des gens en garde à vue et les sortir des manifestations.  »

Les manifestations sont désormais visées. Néanmoins, un arrêt de la cour d’appel de Rennes de septembre 2021 a confirmé que le seul fait de se dissimuler le visage n’était pas suffisant pour que le délit soit caractérisé, l’usage d’un masque à gaz aux abords d’une manifestation pour se protéger des lacrymogènes constituant un motif légitime.

Qu’en est-il de la manifestation néofasciste du 6 mai ?

Si les trois textes sont en théorie applicables, dans le détail, aucun n’est spécifiquement conçu pour répondre à cette situation. Les trois juristes que Le Monde a interrogés estiment que les militants masqués étaient en infraction, sans toutefois interpréter la législation de la même façon.

  • Des interprétations divergentes

Pour Jean-Paul Markus, professeur de droit public à l’université Paris-Saclay, la législation est largement suffisante. « Le fait de se cagouler lors d’une manifestation est passible d’une amende, le fait de se cagouler sur la voie publique est passible d’une amende. Ces trois articles sont applicables. » A ses yeux, l’article anti-burqa est le plus facile à invoquer, d’autant qu’il est très clair : se cacher le visage sur la voie publique est illégal, sauf exceptions dont ne font pas partie les manifestations politiques.

Mais, objecte Alexis Baudelin, avocat au barreau de Paris, cette loi n’a justement pas été conçue pour s’appliquer à des manifestations politiques et ne peut s’y appliquer. « Elles relèvent de la liberté d’expression, qui est très encadrée par le droit européen. La seule chose qui peut la restreindre, c’est l’atteinte à l’ordre public. » Plus encore que la loi « anti-cagoule » de 2009, en désuétude, c’est la loi « anticasseurs » de 2019 qui serait la plus pertinente, car pensée pour le cas de manifestations marquées par un trouble à l’ordre public.

Toutefois, nuance Audrey Darsonville, la loi de 2019 a été conçue pour faciliter les interpellations le jour même, et non pas après coup. « On est dans une démarche préventiveLe législateur pense que se cacher le visage, c’est déjà en prévision d’une infraction. L’intérêt [de l’article de loi] était de permettre aux policiers de récupérer des possibles fauteurs de troubles en début de manifestation pour les en sortir. Mais alors que la manifestation est finie, quel serait l’intérêt d’employer cet article ? ».

  • Le « trouble à l’ordre public », une notion mouvante

La menace d’une atteinte à l’ordre public est donc indispensable pour que la dissimulation du visage en manifestation soit illégale, mais que recouvre exactement ce terme ? « Il n’y a pas de définition et il ne peut pas y en avoir, c’est une notion qui offre de la souplesse aux forces de police, estime Jean-Paul Markus, qui insiste sur sa dimension culturelle et changeante. Ce qui était un trouble il y a trente ans n’en est plus aujourd’hui, et inversement. »

Dans l’esprit, il recouvre aujourd’hui surtout les violences contre des personnes et les dégradations de biens publics. Or, le défilé néofasciste du 6 mai ne rentre pas dans ces catégories. Cela a d’ailleurs été l’appréciation – critiquée – de la préfecture pour ne pas interdire la manifestationInterrogé par BFM-TV, le préfet de police de Paris, Laurent Nuñez, a lié l’ultradroite à « la subversion violente » et au « terrorisme »mais a jugé que, jusqu’à présent, « cette commémoration n’[avait] jamais entraîné de troubles à l’ordre public ».

On peut objecter que les saluts nazis constituent un trouble à l’ordre public. « Dans une manifestation, tout ou presque peut être une atteinte à l’ordre public, rappelle Audrey Darsonville. Cela peut être des dégradations comme des propos. Or, les incitations à la haine raciale sont des atteintes à l’ordre public », même si elles sont moins matérielles et spectaculaires que des voitures ou des poubelles brûlées.

Il existe des décisions de justice dans ce sens. « On peut interdire des réunions pour le risque de trouble à l’ordre public lié au message qui est véhiculé, explique Alexis Baudelin. C’est la jurisprudence Dieudonné, qui a permis d’interdire des spectacles. »

Mardi 9 mai, le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, a appelé les préfets à interdire les prochaines manifestations de l’ultradroite, en laissant les tribunaux juger du bien-fondé juridique de ces interdictions.

2. ARTICLE

Manifestation d’extrême droite en plein Paris : la préfecture se justifie sur l’autorisation

08/05/2023 HUFFPOST Par Romain Herreros

Un défilé de drapeaux noirs et de croix celtiques qui a du mal à passer. Après la manifestation organisée par le Comité du 9 mai ce samedi 6 mai à Paris, l’inquiétude est toujours vive dans le monde politique, puisque celle-ci a réuni ce que l’extrême droite a de plus groupusculaire et radical en rayon.

Ces manifestants vêtus de noir (et pour certains cagoulés ou adeptes du bras tendu) rendaient hommage à Sébastien Deyzieu, un militant du groupe pétainiste l’Œuvre française décédé en mai 1994 en voulant fuir la police en marge d’une manifestation interdite. Les images du rassemblement, abondamment relayées sur les réseaux sociaux, ont d’abord provoqué la colère de la gauche.

Mais l’incompréhension a fini par gagner le camp présidentiel. « Ces images de manifestations hier de néonazis masqués dans les rues de Paris sont aussi terrifiantes qu’elles sont scandaleuses », s’est indignée sur Twitter la députée Renaissance de Paris, Astrid Panosyan-Bouvet. Face aux nombreuses indignations, la préfecture de police de Paris a réagi ce lundi 8 mai dans un communiqué, en expliquant que rien légalement ne l’autorisait à interdire l’événement.

Une interdiction précédente cassée par la Justice

« Dans la mesure où cette manifestation n’avait occasionné, les années précédentes, aucun débordement ou trouble à l’ordre public, le préfet de police n’était pas fondé à prendre un arrêté d’interdiction à son encontre », justifient les services de Laurent Nuñez.

« Le préfet de police rappelle que le juge administratif exerce un contrôle attentif au respect de la proportionnalité des mesures prises par le représentant de l’État pour encadrer les manifestations présentant un risque de troubles à l’ordre public », poursuit le communiqué, en citant l’interdiction d’une manifestation d’extrême droite début janvier à Paris, finalement autorisée par le tribunal administratif.

Une justification qui peut interroger, puisque la Préfecture a ces derniers temps pris des interdictions sans forcément se soucier de leurs viabilités juridiques, à l’image des rassemblements contre la réforme des retraites prévus aux abords du Stade de France pour la Coupe de France,finalement autorisés par la Justice.

La préfecture de Police de Paris assure aussi que la manifestation de samedi « a fait l’objet d’un encadrement adapté par les forces de l’ordre » et que « tout fait délictuel constaté lors de cette manifestation ou que l’exploitation postérieure des images permettrait d’identifier fera l’objet d’un signalement à l’autorité judiciaire ».

En conclusion, la préfecture se dit « pleinement engagée dans la lutte contre tous les phénomènes de subversion violente » et affirme que son service de renseignement a notamment contribué à fonder la dissolution du groupuscule néonazi des Zouaves Paris. Une dissolution qui, de fait, n’a pas empêché les adeptes de ces mouvances de se retrouver sous d’autres bannières, comme c’était le cas ce samedi à l’initiative du Comité du 9 mai.

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