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VIVRE EN POÍĒSIS. René de Obaldia est décédé ce jour, à l’âge de 103 ans

Le poète, auteur dramatique et académicien, est mort ce jeudi à l’âge de 103 ans.

« Chers lecteurs, je vais bientôt me quitter »,

avait annoncé le doyen de l’Académie française en 2017 dans Perles de vie (Grasset). Ce recueil de maximes, qu’on peut lire comme un épitomé de sa longue existence, est précédé d’un avertissement qui s’ouvre par une exquise obaldiablerie : « Chers lecteurs, je vais bientôt me quitter. »

« J’ai toujours eu en moi ce côté dérisoire, qui m’a permis de mettre certaines choses à distance »

D’inspiration proche de Raymond Queneau ou de Jacques Audiberti, le poète René de Obaldia pratiquait une poésie dont le caractère naturel et humoristique qui pouvait dérouter. Citons parmi ses publication Innocentines (« Poèmes pour enfants et quelques adultes »), Sur le ventre des veuves (en 1996) La jument du capitaine, Fantasmes de demoiselles, femmes faites ou défaites cherchant l’âme sœur.

Ce poème est représentatif du recueil « Les Innocentines » :

« Le plus beau vers de la langue française »


« Le geai gélatineux geignait dans le jasmin »
Voici, mes zinfints
Sans en avoir l’air
Le plus beau vers
De la langue française.
Ai, eu, ai, in
Le geai gélatineux geignait dans le jasmin…
Le poite aurait pu dire
Tout à son aise :
« Le geai volumineux picorait des pois fins »
Eh bien ! non, mes infints
Le poite qui a du génie
Jusque dans son délire
D’une main moite
A écrit :
« C’était l’heure divine où, sous le ciel gamin,
LE GEAI GÉLATINEUX GEIGNAIT DANS LE JASMIN. »

Gé, gé, gé, les gé expirent dans le ji.
Là, le geai est agi
Par le génie du poite
Du poite qui s’identifie
À l’oiseau sorti de son nid
Sorti de sa ouate.
Quel galop !
Quel train dans le soupir !
Quel élan souterrain!
Quand vous serez grinds
Mes zinfints
Et que vous aurez une petite amie anglaise
Vous pourrez murmurer
À son oreille dénaturée
Ce vers, le plus beau de la langue française
Et qui vient tout droit du gallo-romain:
« Le geai gélatineux geignait dans le jasmin. »
Admirez comme
Voyelles et consonnes sont étroitement liées
Les zunes zappuyant les zuns de leurs zailes.
Admirez aussi, mes zinfints,
Ces gé à vif,
Ces gé sans fin

René de Obaldia (« Innocentines »)

Article

L’écrivain et académicien René de Obaldia est mort à l’âge de 103 ans

France Info

Né en 1918 à Hong Kong, il était poète et dramaturge, et avait publié peu avant d’atteindre ses 100 ans « Perles de vie » (éditions Grasset), où il relevait le proverbe: « Pour devenir centenaire, il faut commencer jeune ».

 L’académicien, dramaturge, poete et romancier, René de Obaldia, lors de sa fête d’anniversaire pour ses 100 ans au théâtre de la Bruyère à Paris (DELALANDE RAYMOND/SIPA)

L’écrivain René de Obaldia est mort à l’âge de 103 ans, a annoncé jeudi à l’AFP l’Académie française, dont il était membre depuis 1999.

Né le 22 octobre 1918 à Hong-Kong d’un père panaméen (José Clemente de Obaldia), alors consul du Panama dans cette ancienne colonie britannique, et d’une mère française (Madeleine Peuvrel).

Élevé en France dès son plus jeune âge. Études au lycée Condorcet. Mobilisé en 1940, quand survient la Seconde Guerre mondiale. Fait prisonnier, il est envoyé dans un camp, le Stalag VIII C en Pologne (Silésie). Rapatrié comme grand malade au Val-de-Grâce en 1944.

Il collaborera à de nombreuses revues littéraires avant de publier, en 1952, Les Richesses naturelles, suite de « récits éclairs » dont la singularité attire sur lui l’attention de la critique.

Romancier et auteur dramatique

Secrétaire général au Centre culturel international de Royaumont de 1952 à 1954. Puis, après un court passage comme directeur littéraire aux Éditions Pierre Horay, Obaldia publie son premier roman Tamerlan des cœurs (1956) avec une introduction de Jean Cassou (à la réédition dans le Livre de poche 10-18 – Édition Christian Bourgois – Maurice Nadeau en écrira la postface). Suivront deux récits : Fugue à Waterloo et La Passion d’Émile (1956, Grand prix de l’Humour noir) et un second roman, Le Centenaire, « épopée de la mémoire » (1960, prix Combat).

C’est peu après que commence sa carrière dramatique grâce à Jean Vilar, qui donne au T.N.P. Génousie, « comédie onirique ». Beaucoup d’autres pièces parmi lesquelles Sept Impromptus à loisir, Le Général inconnu, Monsieur Klebs et Rozalie, Du vent dans les branches de sassafras (où Michel Simon fit une rentrée fracassante), La Baby-sitter, Les Bons Bourgeois, assureront à Obaldia une audience internationale. 

Récompensé par la critique 

De nombreux prix ont couronné la carrière de René de Obaldia. Parmi ceux-ci : prix de la Critique dramatique pour Génousie (1960), Grand prix du disque de l’Académie Charles Cros, Éditions Ades – Textes dits par Madeleine Renaud et Michel Bouquet (1978), Grand prix du théâtre de l’Académie française (1985), Grand prix de la poésie de la SACEM pour Les Innocentines (1988), Grand prix de la Société des auteurs dramatiques (1989), Grand prix de la littérature décerné par la Ville de Paris (1991), prix du Pen Club français (1992), Molière d’honneur et Molière du meilleur auteur (1993), prix Marcel Proust et prix Novembre pour son livre de mémoires : Exobiographie (1993), prix de la langue de France (1996).

Une médaille avait éditée par la Monnaie de Paris à son effigie en 1997. René Obaldia avai été elu à l’Académie française le 24 juin 1999, au fauteuil de Julien Green (22e fauteuil), et reçu le 15 juin 2000 par Bertrand Poirot-Delpech.

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