
ARTICLE
«Pas de planification écologique sans démocratie».
Par Patrice Vergriete 16 septembre 2022 L’OPINION
«Il n’y aura pas de transformation réelle sans un débat démocratique abouti et une éducation populaire à l’écologie et à ses enjeux. », écrit le maire de Dunkerque et président de l’association France ville durable
Évoquant un « grand bouleversement » et la « fin de l’abondance », le président de la République a récemment appelé à dorénavant « nommer les choses ». Alors disons-le clairement : il n’est plus temps d’une transition écologique en douceur, fondée sur des mesures ponctuelles pour préserver l’avenir des générations futures… Il est l’heure d’un changement radical de trajectoire. C’est notre modèle de société, de nos grands repères à nos habitudes les plus ancrées, qui est responsable des bouleversements en cours. Et si le dérèglement climatique est au centre des attentions, il n’est qu’une des conséquences de l’anthropocène : effondrement de la biodiversité, destruction des écosystèmes, artificialisation des sols, perturbation du cycle de l’eau, pollutions chimiques…
Nommer vraiment les choses, c’est expliquer que le monde est fait de limites physiques dont le franchissement menace la vie des humains sur Terre. Comment opérer cette bifurcation pour freiner ce que nous avons déclenché et nous adapter ? Une fois n’est pas coutume, ce changement structurel doit se faire dans l’urgence. Cela implique un « grand bouleversement » politique et démocratique : un nouveau pacte social est essentiel.
Politique, en premier lieu : la puissance publique doit révolutionner ses pratiques. Il n’est plus possible de voter à l’été une loi sur le pouvoir d’achat et de renvoyer à l’automne l’examen de textes sur le climat et l’énergie. Chaque décision doit dorénavant systématiquement tenir compte des limites physiques de la planète.
Les contrats de relance et de transition écologique (CRTE) déployés partout, les plans pluriannuels d’investissement (PPI) et des plans locaux d’urbanisme (PLU) en discussion ou mis en œuvre en ce moment dans les collectivités concourent-ils vraiment à la mutation écologique et énergétique des territoires ? A la stratégie nationale bas carbone ? Au plan national biodiversité ? Selon quelle métrique et quels indicateurs ? Il est en premier lieu urgent de former les personnes en responsabilité : parlementaires, élus locaux, hauts fonctionnaires, responsables d’entreprises. Chaque politique publique doit désormais garantir la qualité de vie quotidienne des habitants et préserver notre avenir sur la planète.
La France est jusqu’ici le seul pays européen à ne pas atteindre ses objectifs en matière de déploiement des énergies renouvelables
Démocratique, ensuite, car les injonctions imposées par le « haut », au niveau national ou local, ne fonctionnent pas. Pour preuve, la France est jusqu’ici le seul pays européen à ne pas atteindre ses objectifs en matière de déploiement des énergies renouvelables. Nous devons faire mieux et aller plus vite. Cela nécessite davantage de cohésion entre ambition nationale et mise en œuvre locale, ainsi qu’une juste répartition des efforts et des bénéfices face aux enjeux écologiques. Les territoires ont leurs spécificités, et chaque habitant a sa propre perception des changements prioritaires à conduire.
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Autrement dit, il n’y aura pas de transformation réelle sans un débat démocratique abouti et une éducation populaire à l’écologie et à ses enjeux. Ce débat doit être précédé d’une information massive de la population sur les causes, les conséquences et les enjeux liés aux bouleversements à l’œuvre. Partager enfin ce qui fait depuis un moment déjà l’objet d’un consensus scientifique est le préalable incontournable à l’acceptation des changements à accomplir.
Il est urgent de tordre le cou à l’idée selon laquelle fin du monde et fin du mois s’opposent. Un sondage BVA commandé par France ville durable est à ce titre éclairant. Il révèle qu’avant même les dramatiques événements de l’été, 64% des Français considéraient urgent que chacun transforme son mode de vie ! Mais que 64% estimaient en même temps cette transformation difficile, en premier lieu à cause de son coût économique supposé.
Il n’y aura pas de conversion écologique sans justice sociale. Ce sont les plus fortunés qui sont les premiers responsables des bouleversements environnementaux, tandis que les plus modestes en sont les premières victimes. Ce constat vaut autant entre Etats qu’au sein d’un pays comme la France. La politique des chèques ponctuels n’est pas à la hauteur pour limiter les dépenses contraintes et vitales des ménages et accompagner le changement de leur quotidien. Il revient pourtant à l’Etat, aux collectivités et aux entreprises de rendre possible la rénovation thermique des logements, les solutions alternatives aux transports carbonés, l’accès à une eau de qualité et à une alimentation saine de proximité.
Seul un « grand débat » décentralisé peut permettre la refondation de notre société autour de nouvelles solidarités.
Seul un « grand débat » décentralisé, alliant cette fois-ci la parfaite information de la population et la prise en compte de son expression, peut permettre la refondation de notre société autour de nouvelles solidarités. Comment préserver et répartir équitablement l’eau qui vient à manquer ? Comment partager la terre alors que l’artificialisation des sols n’est plus envisageable ? Comment accompagner la reconversion des emplois issus des filières non soutenables sur le plan écologique ? Comment conjuguer l’incontournable sobriété et la satisfaction des besoins quotidiens ? Comment nous accorder sur ce qui semblait essentiel mais auquel il faudra renoncer ?
Partageons sans tarder les données disponibles pour objectiver les choix à effectuer. Débattons démocratiquement de la trajectoire et des modalités de la transformation écologique, et non pas projet par projet, car il y aura toujours toutes les raisons pour ne pas avancer. Et décidons des changements prioritaires à accomplir ensemble. L’association France ville durable, qui réunit l’Etat, des collectivités, des entreprises et des experts, est prête à apporter tout son concours à ce rendez-vous essentiel.
Patrice Vergriete est maire de Dunkerque et président de sa communauté urbaine. Il est également président de l’association France ville durable.
Et si l’écologie abandonnait ses dogmes et acceptait le débat, alors bien des évolutions seraient possibles car ce n’est pas la raison et l’argumentation qui fait adhérer, mais la contribution car elle permet l’appropriation. N’y a-t-il pas de psychologues sociaux dans cette société ?Bien amicalementJean-Marc
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Pour une véritable démocratie : comprendre et apprendre à traiter la complexité, co-construire pour faire émerger le véritable intelligence collective qui sert de base à l’excellence décisionnelle !
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