
E.Macron répète depuis plusieurs semaines qu’il va appeler V.Poutine au téléphone…
Le téléphone ne répond plus – depuis mai – entre Paris et Moscou.
Début Aout 2022, Le Kremlin a reconnu que Vladimir Poutine et Emmanuel Macron n’ont pas eu d’entretien depuis deux mois, car la France est un pays « inamical« . Raison pour laquelle les discussions ne sont actuellement pas « nécessaires » entre les présidents français et russe.
Ils s’étaient parlé à plusieurs reprises au début de l’année, E.Macron pesant – en marge de la position des pays membres de l’OTAN – qu’il provoquerait la paix.
MISE À JOUR 16/12
Macron veut appeler Poutine pour demander un arrêt « des bombardements et des attaques par drone » ÉCRIT LE MONDE
« Le président français Emmanuel Macron a déclaré jeudi qu’il comptait appeler son homologue russe Vladimir Poutine pour évoquer les bombardements et attaques de drones russes en Ukraine ainsi qu’un accord sur la sécurité de la centrale nucléaire de Zaporijia. »
La nouvelle intention – conservant le statut de l’annonces répétée
s’inscrit-elle dans une tentative renouvelée de faire cavalier seul, en espérant qu’en cas de cheminement vers la paix – comme l’a dévoilé son entourage – le Nobel saurait couronner ce bel œuvre.
Des échanges nombreux et un déplacement analysé comme solitaires et infructueux, voire contre-productifs.
Le dernier échange officiel entre les deux hommes remonte au 28 mai, quand les deux dirigeants avaient notamment évoqué au téléphone, avec le chancelier allemand Olaf Scholz, le sort de soldats ukrainiens faits prisonniers par l’armée russe.
Auparavant, Emmanuel Macron avait eu des entretiens téléphoniques avec Vladimir Poutine début mai, début mars et à cinq reprises en février, en pleine montée des tensions jusqu’à l’offensive du Kremlin en Ukraine, le 24 février. Il s’était aussi rendu en personne à Moscou, le 7 février, pour rencontrer l’hôte du Kremlin.
« Guerre en Ukraine : le cavalier seul diplomatique d’Emmanuel Macron »
TITRE LE MONDE 12 12 22 Ariane Chemin et Philippe Ricard
« …Bien des diplomates et des partenaires européens sont déconcertés, voire agacés, par une partition jugée « solitaire »
« Ce jour-là, ( 23 octobre ) donc, devant une assemblée de politiques et d’ambassadeurs, Emmanuel Macron exhume diverses anecdotes sur son passage au Mouvement des citoyens. Il exalte aussi cet esprit libre qui, de « Belfort à Moscou », a porté au plus haut les valeurs de la République et assure que ceux pour qui Chevènement « aime un peu trop la Russie (…) méconnaissent [les] méandres » de l’homme. Au-delà de l’hommage personnel, cette matrice chevénementiste serait-elle l’une des clés pour comprendre la déroutante diplomatie d’Emmanuel Macron depuis le début du conflit engagé par la Russie en Ukraine, il y a bientôt dix mois ?
« Son « en même temps » diplomatique est un mystère. Il trouble les diplomates du Quai d’Orsay et déconcerte ses partenaires européens et américains.
« La guerre est de retour en Europe, et l’obstination du président français à parler aussi bien à son homologue ukrainien, Volodymyr Zelensky, qu’à Vladimir Poutine braque une partie des capitales du continent, notamment Varsovie, Tallin, Riga, Vilnius, Helsinki et Stockholm.
« A intervalles réguliers, Emmanuel Macron met à mal les relations étroites construites avec M. Zelensky, donnant des sueurs froides aux diplomates ukrainiens chargés, à Paris, de dissiper chaque nouveau malentendu.
« Le 7 février 2022, avant même le déclenchement de l’offensive russe et alors que les services de renseignement américains prévoient une attaque imminente, M. Macron avait surpris son monde en se rendant à Moscou pour une tentative de médiation désespérée.
« Offense : il préfère ne passer que le lendemain seulement par l’Ukraine, où sa visite était pourtant espérée de longue date. Dans le vol entre Moscou et Kiev, il détaille les engagements que M. Poutine aurait pris devant lui la veille : ne pas attaquer l’Ukraine, retirer les troupes stationnées en Biélorussie pour ce que le Kremlin présente encore comme des « exercices »…
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Emmanuel Macron et la Russie : « Machiavel ou Gribouille ? »
Par Jacques Julliard. 16/12/2022 MARIANNE
Machiavel ou Gribouille ? Si les remarques étranges d’Emmanuel Macron sont le résultat de ses longues heures de conversation avec Vladimir Poutine – au fait, on n’en a jamais connu d’autres –, on incline, malgré une légère inflexion de son discours sur les « garanties », vers la seconde hypothèse.
Avec le respect que je dois au président de la République, je trouve, je le confesse, chez Emmanuel Macron, cet homme au visage clair et ouvert, quelque chose dans son esprit de versatile, de tortueux, de chimérique, qui ne laissera jamais de m’étonner. Témoin sa politique en Ukraine. Elle est de nature à ne satisfaire ni les Ukrainiens, ni les Russes, ni les Français. Quelque chose m’échappe et nous échappe… Ainsi, aux mois de mai et juin, alors que le sort des armes est très incertain, il déclare à deux reprises – ce n’est donc pas un lapsus – qu’« il ne faut pas humilier la Russie » (4 juin). Tiens donc ! Ne pas humilier l’agresseur est une idée étrange, baroque, qui a laissé pantoises la plupart des chancelleries, ou encore Hillary Clinton, qui ne manque pas d’expérience. Imaginons, mutatis mutandis, que le général de Gaulle déclare vers 1942, au micro de Radio Londres, que la France libre est tout entière du côté des Alliés, mais qu’enfin il ne faut pas humilier l’Allemagne nazie… Du jour au lendemain, son prestige eût été réduit à néant.
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ARTICLE
À quoi joue Macron avec Poutine?
Elie Guckert — Édité par Sophie Gindensperger — 9 décembre 2022 SLATE
La sortie du président français sur les «garanties de sécurité» qu’il faudrait fournir à Moscou s’ajoute à une liste déjà longue de déclarations controversées sur la conduite à tenir face au président russe.
Les médias russes n’ont pas attendu longtemps pour reprendre la déclaration du président de la République française sur TF1, samedi 3 décembre 2022. «La future architecture de sécurité européenne doit inclure des garanties de sécurité pour la Russie –Macron», a titré l’agence de presse officielle russe Tass, dès le lendemain, sans mentionner le fait qu’Emmanuel Macron a aussi promis que la France allait «livrer des armes supplémentaires» à Kiev.
Volonté de dialogue avec le Kremlin
Le président français a par ailleurs ajouté: «Un des points essentiels, ce que le président Poutine a toujours dit, c’est la peur que l’OTAN vienne jusqu’à ses portes, c’est le déploiement d’armes qui peuvent menacer la Russie. Ce sujet fera partie des sujets pour la paix.» Il semblait ainsi reprendre à son compte les accusations de Vladimir Poutine selon lesquelles l’invasion de l’Ukraine serait due à de supposées menaces de l’alliance militaire transatlantique à ses frontières.
Ces derniers mois, Emmanuel Macron a multiplié les propos polémiques en voulant afficher une volonté de dialogue avec le Kremlin. Il y a eu sa remarque sur les«peuples frères» russe et ukrainien, en réponse aux accusations de «génocide» du président américain Joe Biden alors que l’Ukraine découvrait les horreurs de Boutcha. Puis son appel à «ne jamais céder à la tentation ni de l’humiliation, ni de l’esprit de revanche» face à la Russie. Ou encore sa déclaration sur le fait que la France pourrait ne pas répliquer à une frappe nucléaire russe sur l’Ukraine, vite corrigée.
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Macron a balayé les critiques d’un revers de main en affirmant qu’il ne faudrait pas «essayer de voir des polémiques là où il n’y en a pas». Sa déclaration lui a pourtant valu une nouvelle volée de bois vert. «De la part de qui la Russie doit-elle recevoir des garanties de sécurité, selon le président français?», s’est demandé le vice-ministre polonais des Affaires étrangères Marcin Przydacz, qui a jugé que Macron avait commis «une erreur».
Indignations à l’Est
Le vice-Premier ministre letton Artis Pabriks l’a accusé de «tomber dans le piège du récit de Poutine selon lequel l’Occident et l’Ukraine sont responsables de la guerre, tandis que la Russie serait une victime innocente». La Première ministre estonienne Kaja Kallas a répondu pour sa part qu’elle «n’offrirait rien à la Russie», ajoutant que la Russie «pouvait toujours retourner à ses frontières».
La déclaration d’Emmanuel Macron a aussi déclenché de vives réactions en Ukraine. «Davantage que des garanties pour la Russie, le monde a besoin de garanties pour la sécurité contre les intentions barbares de la Russie de Vladimir Poutine», a tancé Mykhaïlo Podoliak, conseiller du président ukrainien Volodymyr Zelensky. Le secrétaire du Conseil de défense et de sécurité nationale d’Ukraine, Oleksiy Danilov, a quant à lui fustigé une «diplomatie de carpette», qualifiant la Russie d’État «terroriste» et «meurtrier».
«Dans cette interview, le président dit aussi que la France soutiendra les Ukrainiens jusqu’à ce qu’ils récupèrent l’intégralité de leurs territoires. Il a fait le parallèle entre la Crimée et l’Alsace-Lorraine, ce qui est quand même une comparaison assez puissante», tient à rappeler le député Benjamin Haddad, porte-parole du groupe Renaissance, qui vient d’obtenir la présidence du groupe d’amitié France-Ukraine à l’Assemblée nationale.
Accusé de complaisance
«Ce qui est surprenant, c’est de faire la comparaison avec le discours d’Emmanuel Macron aux Nations unies en septembre dernier», remarque néanmoins Michel Duclos, ancien diplomate, conseiller spécial à l’Institut Montaigne et auteur d’un article intitulé «La guerre en Ukraine: comment la Russie a perdu l’Occident», publié cet automne par la revue Commentaire.
Dans ce discours, alors considéré comme une clarification bienvenue de sa position après de précédentes critiques, le président français s’en était pris aux États dits «non alignés», qui refusent de condamner l’agression russe. «Ceux qui se taisent aujourd’hui servent malgré eux, ou secrètement avec une certaine complicité, la cause d’un nouvel impérialisme, d’un cynisme contemporain qui désagrège notre ordre international sans lequel la paix n’est pas possible», leur avait-il lancé.
«Davantage que des garanties pour la Russie, le monde a besoin de garanties pour la sécurité contre les intentions barbares de la Russie.»
Mykhaïlo Podoliak, conseiller du président ukrainien Volodymyr Zelensky
«Il reproche aux pays du Sud exactement ce que les Européens lui reprochent de faire lui-même: être complaisant vis-à-vis de la Russie», constate Michel Duclos. «Les déclarations de Macron sont souvent prises en dehors de leur contexte», juge pour sa part Benjamin Haddad. «Mais il faut en effet que l’on soit conscients dans notre communication stratégique de la façon dont ces propos peuvent être mal interprétés, tirés de leur contexte et utilisés pour nous faire dire l’inverse de ce qu’on veut dire», admet-il. Le député souligne que la France est malgré tout présente sur le flanc est de l’OTAN avec le commandement d’une mission en Roumanie et des troupes déployées en Estonie.
Une position ancienne
«Emmanuel Macron dit depuis longtemps que la Russie va rester sur le continent européen et qu’il faudra bien construire un dialogue de sécurité avec les Russes, et donc prendre en compte leurs impératifs de sécurité. On ne pourra pas y couper», assure Benjamin Haddad.
Déjà en août 2019, alors qu’il recevait Vladimir Poutine au fort de Brégançon, le président français avait en effet souhaité«réinventer une architecture de sécurité et de confiance entre l’Union européenne et la Russie», allant jusqu’à affirmer que «la Russie est une grande puissance des Lumières. […] Elle a sa place dans l’Europe des valeurs auxquelles nous croyons.»
Quelques jours plus tard, il avait imputé l’échec de ce rapprochement à «des États profonds de part et d’autre», reprenant ainsi à son compte un concept complotiste selon lequel les dirigeants élus ne sont pas ceux qui seraient réellement aux manettes.
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Dès 2017, Emmanuel Macron annonçait aussi sa volonté de coopérer avec la Russie pour combattre le terrorisme en Syrie, remettant sur la table une idée qui a déjà fait long feu, Poutine étant plus pressé de s’en prendre aux groupes rebelles opposés à Bachar el-Assad qu’aux djihadistes. «Est-ce qu’il cherche notre affaiblissement ou notre disparition? Je ne le crois pas», avait alors affirmé Macron au sujet de son homologue russe. En 2020, la ministre des Armées Florence Parly avait admis que ces tentatives de rapprochement n’avaient pas produit de résultats tangibles.
Pour Michel Duclos, avec cette énième récidive du président français, «c’est bien la nature de la menace russe qui est en cause. Le point de vue des pays d’Europe centrale, c’est qu’il y a une menace russe structurelle, qu’ils avaient mieux identifiée que les Français, et que la seule garantie de sécurité que veut la Russie, c’est en quelque sorte une garantie d’insécurité pour les Européens. La Russie voudrait qu’on lui octroie un droit de sujétion sur ses voisins dans ce qu’elle considère comme sa zone d’influence.»
Vision de long terme
Dans le cadre de sa rencontre avec le président des États-Unis Joe Biden le 1erdécembre, Emmanuel Macron a réaffirmé qu’il souhaitait s’entretenir prochainement avec Vladimir Poutine. Son homologue américain a pour sa part déclaré être «prêt à parler à Poutine» si ce dernier «cherche un moyen de mettre fin à la guerre. Il ne l’a pas encore fait.»
Pour Benjamin Haddad, le président français se positionne sur le long terme. «Son analyse de la sécurité européenne, c’est que les Américains se replient sur eux-mêmes et pivotent vers la Chine, et qu’on doit donc se prendre en charge et apprendre à vivre avec la Russie. Ce qui ne veut pas dire pour autant céder à l’impérialisme russe», poursuit-il.
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«Le problème, c’est que le président français ne respecte pas les priorités. Pour l’instant, la priorité, c’est de soutenir l’Ukraine. Macron aime se projeter dans l’avenir, en visionnaire. Peut-être qu’un jour, il aura raison. Mais en attendant, il prend des risques en matière de crédibilité», juge pour sa part Michel Duclos.