ÉMISSION
Réforme des institutions : l’éternel retour
Vendredi 3 février 2023 FRANCE INTER YAËL GOOSZ
Un chantier sous les radars : les institutions. Enième tentative d’Emmanuel Macron pour relancer la réforme… Depuis 2017, c’est le grand immobilisme, mais cette fois, y aurait-il une fenêtre de tir ?
L’agenda d’Emmanuel Macron est plein de rendez-vous qui montrent qu’il entend bien accélérer sur le sujet. Il y a ce déjeuner, tout à l’heure, avec François Hollande, un autre avec Nicolas Sarkozy la semaine prochaine. Il consulte les « ex » pour mettre sur pied cette fameuse commission transpartisane, qui aurait déjà dû être lancée avant Noël.
Et j’avoue qu’il y a de quoi être sceptique, tellement le Président a fait du surplace sur le sujet. Rappelez-vous ce discours de juillet 2017, à Versailles, dans lequel il voulait, en un an, « changer » les institutions, « trancher avec les années immobiles (Hollande) et les années agitées (Sarkozy) ».
L’agitation, les crises, on les a eues… Mais l’immobilisme aussi, au niveau institutionnel ! Alors qu’on croule sous les rapports qui nous disent ce qu’il faudrait faire pour revivifier la démocratie : comité Balladur 2007, commission Jospin 2012, groupe de travail Bartolone Winock 2015, leçons tirées par Emmanuel Macron lui-même après les Gilets jaunes.
Sa première campagne était riche de promesses : moins de parlementaires, la proportionnelle, des mandats limités dans le temps. On connaît la suite. L’été Benalla et un Sénat qui bloque. Les torts du statu quo sont partagés.
Le Président veut donc tout reprendre à zéro ?
Oui, mais en changeant de méthode. Chat échaudé craint l’eau froide. Il veut d’abord toucher l’eau avant de plonger. Si c’est trop froid, s’il n’y a pas de consensus possible, alors Emmanuel Macron ne fera rien. C’est tout ou rien.
Et dans le tout, il y a une proposition qui fera forcément du bruit : la décentralisation revue et corrigée. Aujourd’hui, chaque Français a 4 niveaux de collectivités au-dessus de sa tête, le Président n’en voudrait plus que 2 : la commune, et au-dessus, un échelon renforcé, hybride, entre département et région, avec plus de pouvoirs et les responsabilités qui vont avec… Pour en finir avec la complainte du « c’est pas de ma faute, c’es la faute de l’Etat ». Une souveraineté populaire renforcée localement… Ce n’est qu’une ébauche de réflexion.
Et les autres chantiers : septennat, réduction du nombre de parlementaires, sont-ils toujours d’actualité ?
Oui ! Y compris la dose de proportionnelle. On a maintenant 9 mois de recul sur l’Assemblée version puzzle, en majorité relative. A l’image du pays, parfaitement représentative. Ce qui est aussi une soupape (on le voit sur les retraites), quand il y a de la contestation dans le pays.
Mais il manque le déclic supplémentaire : la proportionnelle pour pousser encore cette culture du compromis, rendre plus naturelles les alliances, ponctuelles, réversibles. On voit les contorsions chez LR pour ne pas dire qu’ils sont globalement d’accord avec la réforme des retraites… Et leur gourmandise à vouloir torpiller la loi immigration. Vieux système, vieux réflexes.
Mais un mode de scrutin ne change pas tout
« Exécutif fort, Parlement fort », disait Emmanuel Macron dans la campagne. Pas sûr que le PLFFSR, la voie étroite et contestable, choisie pour réformer les retraites, fasse grandir les députés ! Il faudra en reparler dans la commission transpartisane, si elle voit le jour.
Enfin, dernière remarque : ce qui s’est passé au Sénat sur l’IVG montre des voies de compromis possibles… Un chemin éventuel pour aller en Congrès à Versailles et modifier la Constitution avec une majorité des 3/5e. Pourquoi ne pas imaginer un paquet élargi pour insérer d’autres évolutions institutionnelles ? Réussir en 2023 ce que Nicolas Sarkozy a su faire en 2008.
Président échaudé craint l’eau froide, et si finalement l’eau était tiède ?
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