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VIVRE EN LITTÉRATURE ET POÉSIE : COLETTE, UNE PIONNIÈRE

ARTICLE 1.

« Colette, une femme libre », sur France Culture : une nuit de plaisir avec l’autrice à la plume acérée et à la langue bien pendue

La chaîne de radio consacre sept heures d’hommage à la prolifique romancière, à l’occasion des 150 ans de sa naissance, avec des entretiens, des lectures ou des adaptations puisés dans les archives. 

Par Mouna El Mokhtari. Le Monde 29 janvier 2023

FRANCE CULTURE – SAMEDI 28 JANVIER À 00 H 00 – PODCAST

Il y a cent cinquante ans, le 28 janvier 1873, naissait dans un village bourguignon Sidonie-Gabrielle Colette, morte en 1954. France Culture lui rend hommage en dix épisodes à travers une série d’archives concoctée par Albane Penaranda. « Sept heures, c’est trop court pour rendre hommage à Colette », nous explique la productrice.

Pour ouvrir la fête, on retracera d’abord la vie de l’écrivaine grâce à l’émission « Relecture », d’Hubert Juin, diffusée en 1978. On s’intéressera ensuite à ce qui a été une constante dans sa vie et dans son œuvre, le mouvement, à travers la visite du quartier du Palais-Royal, à Paris, où elle vécut de 1926 à 1930, et la lecture de Trois… Six… Neuf… (1944), recueil de ses multiples déménagements.

Pionnière de l’autofiction

Suivront trois des six précieux entretiens fleuves réalisés au soir de sa vie et diffusés en 1950, avec l’incontournable critique d’art André Parinaud. On ne boudera pas notre plaisir à écouter l’une des pionnières de l’autofiction, avec ses jolis « r » roulés, repousser, en paraphrasant son œuvre, les assauts toujours plus insistants de l’intervieweur à lui faire admettre que tout dans la série des Claudine est « vrai », « autobiographique » ou « important ». « Où la chèvre est attachée, il faut qu’elle broute », dit-elle de sa relation avec le premier de ses trois maris, l’infidèle Henry Gauthier-Villars (1859-1931), alias Willy, épousé à l’âge de 20 ans. Elle accède aux salons littéraires et musicaux par son entremise et écrit d’abord pour lui, comme prête-plume.

La musique « était [s]a véritable vocation », affirme celle qui fut artiste de music-hall, dont les pantomimes dénudées – et le baiser lesbien donné à son amante Mathilde de Morny (1863-1944), marquise de Belbeuf – ont fait scandale au début du XXe siècle. « Heureusement, j’y ai renoncé. » Elle ne renoncera pas, en revanche, à sa modernité : elle aime femmes comme hommes, le monde vivant, porte pantalons et cheveux courts et fait courir la plume pour signer des œuvres lumineuses de sensualité, telles que Chéri (1920), La Naissance du jour (1928) ou La Chatte (1933) – dont l’adaptation radiophonique de 1959 avec les (alors) jeunes Annie Girardot et Jean-Louis Trintignant sera diffusée à 04 h 45.

« Je m’étonnais encore que l’on m’appelât écrivain, qu’un éditeur et un public me traitassent en écrivain, et j’attribuais ces coïncidences renouvelées à un hasard complaisant », écrit celle qui deviendra la deuxième femme – après Judith Gautier en 1910, la fille de Théophile Gautier – à entrer à l’académie Goncourt (1945) et la première à recevoir des funérailles nationales. L’invitation à lire et à relire cette œuvre à la volupté revigorante se terminera avec une lecture à plusieurs voix de son roman Le Blé en herbe (1923).Lire aussi :  « Colette journaliste » : l’œil tactile de Colette

Le plaisir de passer un moment en compagnie de Colette sera prolongé dans les prochaines « Nuits de France Culture » : du 29 janvier au 12 février, elles s’ouvriront par une série de lectures de la correspondance de la romancière avec sa très chère amie l’actrice Marguerite Moreno (1871-1948). Une pépite redécouverte par Albane Penaranda et restaurée, puis numérisée par les équipes de l’Institut national de l’audiovisuel. On pourra y entendre le quotidien de l’autrice, notamment pendant l’Occupation, à Paris, avec les témoignages notables de son dernier mari, Maurice Goudeket (1889-1977), et de sa fille, Colette (1913-1981).

ARTICLE 2

« Colette journaliste » : l’œil tactile de Colette

« Colette journaliste », édité par Gérard Bonal et Frédéric Maget.

La romancière sulfureuse fait son véritable apprentissage en 1910, au « Matin », sous la houlette de son deuxième mari, qui est aussi son rédacteur en chef : Henry de Jouvenel. 

Par Christine Rousseau Publié le 23 janvier 2023 LE MONDE

A un journaliste qui l’interrogeait sur le nombre de publications auxquelles elle avait collaboré, Colette (1873-1954) répondait vers 1930 : « Je suis incapable de vous donner des dates, il y en a trop. » Dès lors, on imagine le travail déployé par Gérard Bonal, auteur d’un remarquable Colette intime (Phébus, 2004), et Frédéric Maget, qui édita Lettres à Missy(Flammarion, 2009), pour élaborer ce recueil de 132 articles (la plupart inédits) et ainsi réparer une lacune. Car jusqu’alors, peu de personnes s’étaient intéressées à cette partie de l’œuvre de Colette qui écrivit en un demi-siècle (1883-1941) « plus de 1 260 articles – sans compter ceux qui n’ont peut-être pas été retrouvés ». Preuve de la fascination qu’exerça sur la romancière ce métier de journaliste auquel elle semblait prédestinée.

Après avoir passé son enfance au milieu des livres et des journaux – son père est un lecteur assidu du Temps – et une partie de sa jeunesse à Bruxelles, près de son oncle qui travaille à L’Office de la publicité, Colette a 20 ans quand on lui présente Henri Gauthier-Villars. Plus connu sous le nom de Willy, celui-ci tient une chronique, « La Lettre de l’ouvreuse », à L’Echo de Paris. C’est tout naturellement sous son ombre tutélaire que la jeune femme fait ses premiers pas en 1893. Mais la romancière sulfureuse fait son véritable apprentissage en 1910, au Matin, sous la houlette de son deuxième mari, qui est aussi son rédacteur en chef : Henry de Jouvenel. Reporter, chroniqueuse judiciaire, billettiste, critique théâtrale… Colette endosse tous les rôles, mais surtout impose un style, un ton, une manière de retranscrire l’événement. Noyée dans la masse de badauds qui se pressent pour assister à l’arrestation de la bande à Bonnot, elle note en 1912 ses « impressions de foule ». De cette expérience marquante, elle gardera pour règle : « Voir et non inventer, palper et non imaginer. »

Dans l’art de la « chose vue », Colette excelle. Que ce soit lors de procès (tel celui du tueur en série Eugen Weidmann) ou des reportages. Notamment à l’occasion de la première traversée de l’Atlantique du Normandie, en 1935, à l’issue de laquelle elle tombe sous le charme de New York. « Passé le premier choc (…) dès le port nous voilà familiarisés avec l’harmonie de ses jeux d’orgue, de ses gradins, de ses géantes termitières percées d’yeux miroitants. »

Peu de politique chez Colette mais un journalisme à hauteur d’hommes et de femmes. Les portraits d’anonymes croisent ceux d’artistes et de têtes couronnées comme la reine Marie de Roumanie qui l’accueille d’un « Que faites-vous là au lieu d’écrire des romans ? » Du journalisme avec délectation… Friande de mets (voir ses articles sur les bonbons ou le chocolat) et de mots, Colette virevolte d’un sujet à l’autre. Des enfants à ses chers animaux, des « niaiseries » de la mode (cheveux courts et régimes qu’elle fustige) aux beautés de la neige, et des prostituées du Palais Royal aux primeurs des Halles. La vie palpite constamment sous le trait vif, drôle, incisif, direct de cette fine observatrice qui, de bout en bout, nous enchante autant qu’elle nous émeut.

Christine Rousseau

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