
INTRODUCTION
Inflation, réforme des retraites, concerts de casseroles… Mais Emmanuel MACRON N’EST PAS – À CE JOUR – LE PR LE PLUS IMPOPULAIRE
Inflation, réforme des retraites, concerts de casseroles… Les Français expriment leur mécontentement envers Emmanuel Macron, un an après sa réélection. Selon plusieurs sondages, seulement 25 % d’entre eux ont une opinion favorable du chef de l’État. Est-il pour autant le président le plus impopulaire de la Vᵉ République ? Décryptage avec Stéphane Rozès, politologue et maître de conférences à Sciences Po Paris.
En 2022, Emmanuel Macron a été réélu président de la République avec 58,54 % des voix face à Marine Le Pen (41,46 %). Il y a un an, presque jour pour jour, ces résultats étaient annoncés à la télévision. Depuis, « sept Français sur dix estiment que la réélection du chef d’État a été une mauvaise chose pour le pays », rapporte une nouvelle enquête « L’Opinion en direct », menée par l’institut Elabe, pour la chaîne de télévision BFMTV.
Inflation, réforme des retraites, concerts de casseroles à chacun de ses déplacements… En ce mois d’avril 2023, le président réélu est vraiment loin de faire l’unanimité. Sa cote de popularité ne fait que baisser et s’approche de son pire niveau : selon le baromètre YouGov du site The Huffington Post, l’évaluation la plus pessimiste estime à 22 % le pourcentage d’opinion favorable envers le chef de l’État, tandis que celui-ci s’élève à 26 % selon un sondage de la société BVA réalisé pour la radio RTL.
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Dans les deux cas, le président atteint là son plus bas niveau depuis 2017 et rejoint le même palier que durant la crise des Gilets jaunes démarrée à l’automne 2018. « On n’avait jamais eu un Président qui décroche autant, aussi tôt après sa réélection », confirmait dans nos colonnes Frédéric Dabi, directeur général opinion du groupe Ifop (Institut français d’opinion publique). Pour autant, Emmanuel Macron est-il le président le plus impopulaire de la Ve République ? Éléments de réponse avec Stéphane Rozès, politologue, enseignant à Sciences Po Paris et auteur de Chaos – essai sur les imaginaires des peuples, publié en 2022 aux Éditions du Cerf.

ENTRETIEN
Emmanuel Macron est-il vraiment le plus impopulaire des présidents de la Vᵉ République ?
Propos recueillis par Eva LERAY
Malgré son impopularité dans les sondages (22 % selon le HuffPost), Emmanuel Macron n’a pas dépassé le record de son prédécesseur, établi à 13 % d’opinions favorables. François Hollande, président jusqu’en 2017, était-il alors plus impopulaire auprès des Français que l’actuel chef de l’État ?
Avec François Hollande, les Français trouvaient que le Président n’était pas à la hauteur de la fonction. Là, c’est très différent. Une partie d’entre eux estime qu’Emmanuel Macron utilise sa fonction pour se retourner contre la nation. Au travers de la séquence politique liée à la réforme des retraites, ils ont le sentiment que le sommet de l’État – dont le Président est l’incarnation – se retourne contre le pays. Il y a toujours eu des recours au 49-3 mais ils étaient vécus jusque-là comme des facilités de l’exécutif pour faire avancer des réformes dans un consentement minimal du pays. Là, le 49-3 a été ressenti comme une arme se retournant contre la nation.
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En 2010, le magazine Marianne titre une de ses éditions « Voyou de la République », faisant référence au président de l’époque Nicolas Sarkozy. Emmanuel Macron pourrait-il être affublé du même titre ?
Beaucoup des opposants à Nicolas Sarkozy estimaient que celui-ci abaissait la fonction présidentielle par ses façons d’être et de faire. [En 2023], on reproche plutôt au chef de l’État d’utiliser sa fonction pour passer en force. Autre différence : Nicolas Sarkozy suscitait soit l’adoration, soit la détestation. Le problème d’Emmanuel Macron c’est qu’il ne provoque pas – même chez ceux qui l’apprécient – d’adoration. Certains l’admirent, ce n’est pas pareil.
Dans l’histoire de la Ve République, a-t-on déjà observé une telle impopularité un an seulement après une élection ?
Non, la fracture est importante. Pour se faire élire, Emmanuel Macron fait des promesses à la nation mais une fois arrivé au sommet de l’État il est obligé de se tenir compte des contraintes économiques. Il faut à peu près un an pour que le Président se conforme à la gouvernance néolibérale de l’État. Le débat sur les retraites en est un exemple. Il aurait été préférable de définir d’abord ce que nous souhaitions mettre en place pour l’organisation du monde du travail. Au lieu de ça, la réforme a été imposée au nom de réalités économiques.
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Emmanuel Macron a annoncé être « en CDD [contrat à durée déterminée] jusqu’à 2027 ». Dans un climat aussi hostile envers lui, peut-il continuer de gouverner de cette manière ?
Dès qu’Emmanuel Macron et ses ministres posent un pied sur le sol français, ils sont chahutés. Cette ambiance de tension installée dans le pays ne peut pas durer longtemps. Le Président ne peut pas tenir de cette façon sans revenir vers les Français soit par une dissolution de l’Assemblée nationale soit par un référendum sur la réforme des retraites. Le président Macron est le président de la Ve République dont la fracture avec les Français est la plus profonde.
Les huit présidents français les plus impopulaires
Depuis le début de la Ve République, l’Ifop a réalisé des enquêtes d’opinion pour connaître le niveau de satisfaction des Français envers leurs présidents. Voici le classement (provisoire, tant que le mandat d’Emmanuel Macron n’est pas terminé) des chefs d’État français les moins populaires.
1er. François Hollande : avec un niveau de mécontentement de la part des Français de 33 % au début de son mandat en 2012 – le plus haut de la Ve République pour commencer – François Hollande arrive en tête des présidents les moins appréciés. À la fin de son mandat, ce chiffre a triplé pour atteindre 77 % de Français mécontents.
2ᵉ. Emmanuel Macron : au début de son premier mandat en 2017, Emmanuel Macron était désapprouvé par 31 % des Français. Cinq ans plus tard, ils sont 58 %. En avril 2023, un an après sa réélection, ce pourcentage s’élève à 72 %.
3ᵉ. Nicolas Sarkozy : en cinq ans, le pourcentage de Français mécontents envers Nicolas Sarkozy est passé de 31 % en 2007 à 64 % en 2012.
4ᵉ. Jacques Chirac : lors du dernier septennat de la Ve République en 1995, 22 % des Français étaient mécontents de Jacques Chirac. Sept ans plus tard, en 2007, ce nombre a doublé à 52 %.
5ᵉ. François Mitterrand : en 1981, François Mitterrand débute son premier mandat avec seulement 16 % d’opinions défavorables. Quatorze ans après, en 1995, son score a plus que triplé et atteint 49 % de mécontents.
6ᵉ. Valéry Giscard d’Estaing : en 1974, 24 % des Français étaient mécontents de Valéry Giscard d’Estaing. Sept ans plus tard, ils étaient 46 %.
7ᵉ. Georges Pompidou : le taux de mécontentement envers le président Georges Pompidou s’est presque stabilisé pendant son septennat inachevé. Il est passé de 31 % en 1969 à 37 % en 1974.
8ᵉ. Charles de Gaulle : le pourcentage de mécontents a quasiment triplé durant ses deux mandats, passant de 12 % en 1958 à 33 % en 1969.