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«Face au grand retour de l’idéologie, il faut reconquérir le réel»

PRESENTATION

Le déni s’est substitué à la bonne foi, l’idéologie s’est détachée des faits, et l’émotion a pris le pas sur le droit, regrette Rémi Tell qui appelle à retrouver un esprit critique pour préserver la démocratie.

Nous vous proposons un article du 26 juin 2020, Le Figaro. Rémi Tell est consultant indépendant chez Marianne Conseil.

Article de Remi Tell déjà présenté sur notre site: «Le politique s’est replié sur une logique économiciste et individualiste»

https://metahodos.fr/2020/07/31/crise-democratique-le-recroquevillement-du-politique-sur-leconomie-et-lindividu/

ARTICLE

«Face au grand retour de l’idéologie, il faut reconquérir le réel»

Les vérités simples deviennent d’âpres combats. Inquiétant monde écrasé par le poids des imaginaires et délesté de l’exigence du réel.

Procès en «négrophobie d’État», «discriminations systémiques» et «violences policières» à la suite de l’affaire Traoré, dans laquelle la médecine légale a reconnu par trois fois l’absence de responsabilité des forces de l’ordre ; accusations de «transphobie» contre la romancière J. K. Rowling après qu’elle a rappelé l’existence de la dualité sexuelle au sein de l’espèce humaine ; mensonges répétés au sommet de l’État face à la pénurie d’équipements de protection lors de l’épidémie de coronavirus…

Il ne suffit plus de voir pour croire et les apparences sont a priori tenues pour suspectes.

L’actualité passe, l’amour de la vérité à sa suite. Ainsi nous en devenons coutumiers: chaque jour fleurissent réalités fantasmées ou tordues, habillées de mots ronflants leur donnant figure de faits établis. Si les fausses nouvelles naissent souvent parmi le peuple, le terreau de ces vérités en carton-pâte est assurément politique, universitaire et médiatique. Plus forte est la léthalité de leur poison, maquillé par l’autorité et la pseudo-science. Sur lui jusqu’ici collé, le langage se désagrafe du sensible sous nos yeux. Victoire du contenant sur le contenu, du préjugé sur l’expérience, du désir sur l’Être.

La déréalisation à l’œuvre est le produit d’un mouvement paradoxal. D’un côté, le doute cartésien parvenu à son paroxysme: il ne suffit plus de voir pour croire et les apparences sont a priori tenues pour suspectes. De l’autre, un réenchantement du monde qui confine parfois à la pensée magique. Il s’agit-là de tendance lourdes, quasi anthropologiques qui ne sauraient être observées avec dédain, ne serait-ce que parce qu’elles constituent la manifestation et la critique d’un rationalisme en clair-obscur, égal auteur du progrès et du déclin.

À ce jeu nous avons tout à perdre, pour si peu à gagner: du temps sans doute, sur les adversaires que le mensonge aura sidérés. Un soupçon de persuasion auprès de la foule, avant que ses affects ne soient manipulés par d’autres. Mais quoi de plus? Sommes-nous véritablement prêts à sacrifier la paix civile à de si piètres effets?

Nos débats ne sont qu’éructations, subjectivités enfermées et rageuses, prêtes à bondir au moindre mot.

Car plus encore que de manquer aux contraintes terrestres, lot de toute vie d’homme, ce phénomène compromet notre chance, à terme, de donner à l’autre et de recevoir de lui. Regardons nos débats: ils ne sont qu’éructations, subjectivités enfermées et rageuses, prêtes à bondir au moindre mot. Et pour cause: si la raison critique n’a ni le pouvoir ni la vocation de produire du consensus, elle seule permet de nous entendre quant à nos désaccords en croisant le fer sur un terrain commun. Mais lorsque le déni se substitue à la bonne foi, que l’idéologie s’abstrait des faits ou que l’émotion prend le pas sur le droit, le dialogue n’est plus possible et la violence guette.

Puisque nulle référence partagée ne permet plus de convaincre, voici venir la tentation d’imposer par la force. Ce désir anime tout autant le militant que le technocrate, l’un s’essayant à la cancel culture, l’autre aux courts-circuits démocratiques. De la démocratie athénienne aux Lumières, en passant par la disputatio du Moyen-Age, la contradiction a pourtant traversé notre Histoire comme le témoignage d’une civilisation étincelante et féconde. Goguenards, nous assistons à sa relégation au rang de provocation, quand elle n’est pas condamnée à l’infâmie.

La reconquête du réel doit être la mère des batailles. Sans elle, nos erreurs deviendront des fautes et nos succès d’heureux accidents. Le réel ne nous mettra pas d’accord, et c’est tant mieux ainsi. Souvent, nous continuerons d’être sincèrement déçus par lui. Mais par là-même, nous trouverons des points d’accroche où le transformer vraiment, et sauver ce qui peut encore l’être. À ce projet, notre démocratie ne connaît pas d’alternative crédible

1 réponse »

  1. Cette approche me semble décollée du réel justement. Il n’y a pas plus de retour d’idéologie que de richesse chez les pauvres. Il ne s’agit pas non plus de repli politique mais de l’installation sans conteste du néolibéralisme comme culture universelle (post modernité) à laquelle résiste une « alternance culturelle »Â pragmatique et en réseau, intemporelle, focalisée sur l’œuvre. Je l’ai développée dans quelques articles, notemment dans « Le temps d’après » (https://jmsauret-managerconseil.blogspot.com/search/label/L%27%C3%A8re%20quantique )Il n’y a pas non plus de suspicion des apparences, mais une construction de la réalité tant sur la culture que sur la nécessité, tout ceci dans un imaginaire structurant. J’en ai aussi plusieurs fois traité, comme dans cet article « On ne voit que ce que l’on croit… et pas l’inverse »Â https://jmsauret-managerconseil.blogspot.com/search/label/On%20ne%20voit%20que%20ce%20que%20l%27on%20croit%20%21%20…et%20pas%20l%27inverse

    A bientôt de vous lire,Bien cordialement  Jean-Marc SAURETSociologue clinicien77000 Melun Senart06 80 65 74 70Un Blog ouvert à tous, de trucs, astuces et réflexions autour du management des personnes et des projets. http://jmsauret-managerconseil.blogspot.fr/

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