
Les Sages de la galerie Montpensier censurent les prolongations de détention provisoire, alors que se mettent en place des nouvelles contraintes et protections.
ARTICLE
Libertés publiques : le Conseil constitutionnel recadre une nouvelle fois le gouvernement
Paule Gonzalès 29/01/2021 LE FIGARO
En ces temps de reconfinement annoncé, la décision du Conseil constitutionnel, vendredi matin, sonne comme un avertissement au gouvernement. Pour la deuxième fois en quinze jours, les Sages de la rue Montpensier ont jugé inconstitutionnel, à travers une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), une mesure figurant dans les ordonnances du gouvernement, du 25 mars et du 11 mai. En l’occurrence la possibilité, pendant l’état d’urgence sanitaire, de prolonger les détentions provisoires de trois mois pour les délits, et de six mois pour les crimes, sans avoir recours à un juge «à bref délai». Le 15 janvier dernier, c’est le recours à l’audience en visioconférence sans l’accord des parties qui avait été censurée, au nom du respect des libertés publiques.
Dans sa décision du 29 janvier, le juge constitutionnel réaffirme le principe de l’article 66 de la constitution qui exige que «nul ne peut être arbitrairement détenu. L’autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi».
Pour faire prévaloir cet «habeas corpus» sur tout autre principe constitutionnel, la décision rappelle que ces prolongations étaient automatiques quoique concernant des cas de détention provisoire ayant «atteint sa durée maximale ou que son éventuelle prolongation nécessitait une nouvelle décision du juge». D’autre part, elles ne prévoyaient «aucune intervention systématique du juge judiciaire».
Réparation financière
À cette époque troublée, le gouvernement avait certes souhaité par cette mesure éviter que soient relâchés dans la nature des auteurs d’infractions parfois graves au motif que les renouvellements de détention provisoire n’auraient pas été décidés dans les délais légaux qui enserrent la détention provisoire. À l’époque, c’est au nom d’un autre principe constitutionnel que le gouvernement s’était prononcé, celui de la protection de l’ordre public et de recherche des auteurs d’infraction.
Un usage disproportionné, selon le juge constitutionnel, qui rejoint par cette décision celles rendues par la Cour de cassation. Le 27 mai 2020, cette dernière, au nom de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales estimée que «le système ainsi institué dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire n’est compatible avec la Convention qu’à la condition qu’un juge judiciaire examine à bref délai, s’il ne l’a déjà fait, la nécessité de la détention en cause».
Si le Conseil constitutionnel ne permet pas, dans sa décision, d’engager des recours à titre rétroactif contre ces mesures, en revanche rien n’interdit aux détenus dont les détentions provisoires avaient été alors automatiquement prolongées, de poursuivre l’État en responsabilité pour obtenir une éventuelle réparation financière.
Le Conseil Constitutionnel ne vit-il pas hors du temps et des contraintes gouvernementales ?
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