
Pouvons-nous sortir de l’hiver démocratique ?
C’est en tout cas ce à quoi Gaël Giraud et René Dosière souhaitent contribuer en rassemblant dans cet ouvrage les propositions les plus innovantes pour repenser notre exercice de la démocratie.
Ils réunissent autour d’eux soixante-dix personnalités engagées dans le débat public qui livrent chacune leur grande proposition pour réveiller notre démocratie. Droit d’amendement citoyen, planification écologique, déontologue du gouvernement, égalité femmes-hommes, jugement majoritaire, démocratisation de l’entreprise, constitutionnalisation des communs, frontière public-privé, déprofessionnalisation de la politique, conventions citoyennes : nombre de ces propositions ne manqueront pas de faire date.
Tandis que chaque nouvelle élection bat des records d’abstention, cet ouvrage pose des jalons essentiels pour contribuer à la refondation de notre démocratie.
1. « « Réveiller la démocratie » pour affronter les crises écologiques et sociales »
Titre Le Monde qui poursuit :
« L’Institut Rousseau et l’Observatoire de l’éthique publique proposent un riche éventail d’idées pour répondre à la défiance qui mine notre système démocratique et garantir davantage d’autonomie vis-à-vis de l’Etat.
« Voilà un ouvrage qui tombe à pic pour nourrir l’indispensable débat sur l’avenir de notre démocratie. Comment redonner à notre système politique l’élan nécessaire pour répondre à la crise de défiance qui le mine, élection après élection ? Comment le renforcer afin d’affronter ensemble les crises écologiques et sociales qui appellent des changements profonds ?
« L’Institut Rousseau et l’Observatoire de l’éthique publique, deux think tanks qui travaillent, chacun dans leur domaine, sur les pratiques politiques, ont demandé à 70 chercheurs et acteurs de terrain à la sensibilité plutôt de gauche – parmi lesquels Gaël Giraud, Dominique Méda ou Maxime de Rostolan – quelle serait pour chacun leur « grande idée » pour « réveiller la démocratie ». Réforme des institutions, transparence et déontologie, régulation des réseaux sociaux, éducation… L’ouvrage offre un riche éventail de pistes qui rend compte d’une effervescence démocratique bienvenue.
« La première partie s’attache à la volonté de réformer la démocratie représentative. On y retrouve des propositions assez classiques pour rééquilibrer les pouvoirs – inversion du calendrier électoral, scrutin proportionnel, revalorisation du rôle et des moyens des parlementaires… – et des idées qui le sont beaucoup moins, tels le scrutin majoritaire, testé lors de la Primaire populaire, ou l’élection d’une équipe gouvernementale plutôt que celle d’un président de la République. L’accent est mis sur la transparence, un sujet sur lequel « beaucoup reste à faire », estime l’ancien député René Dosière. La professeure de droit Elina Lemaire appelle à repenser la nomination des membres du Conseil constitutionnel ; l’économiste Laurence Scialom veut en finir avec la porosité entre administration publique et agences de conseil privées.
« Engager le débat
« A l’heure des conventions citoyennes, l’articulation des dispositifs participatifs et délibératifs avec la démocratie représentative reste à penser. Pour éviter que les premiers ne soient perçus comme un « simulacre instrumentalisé »,le politiste Rémi Lefebvre appelle à une « grande loi » prévoyant des garanties procédurales et un fonds national de la participation, pour plus d’autonomie à l’égard de la puissance publique.
« Parce que la démocratie s’apprend dès le plus jeune âge, un volet est consacré à l’éducation, que ce soit à la citoyenneté, à la ville, ou au vivant. L’intérêt de l’ouvrage est aussi qu’il accorde une large place à la démocratie économique, environnementale ou numérique, autour de propositions qui replacent le citoyen au cœur des décisions. »
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2. Sommaire de l’ouvrage
Préface de René Dosière et Gaël Giraud.
Partie 1 – LE RÉVEIL PAR LA DÉMOCRATIE REPRÉSENTATIVE.
Introduction.
Exécutif.
1 – Présider autrement (Matthieu Caron).
2 – Inverser le calendrier des élections législatives et des présidentielles ? (Benjamin Morel).
3 – Inventer une nouvelle forme de pouvoir exécutif (Capucine Lemaire).
4 – Renouer avec la responsabilité politique du pouvoir.
Exécutif (Lucie Sponchiado).
Législatif.
5 – Repensons la fonction de représentation en revalorisant le rôle du parlementaire (Audrey Bachert-Perettu et Chloë Geynet-Dussauze).
6 – Finissons-en avec le parlementarisme rationalisé (Vincent Bréhier).
7 – N’ayons plus peur de la grande méchante proportionnelle (Benjamin Morel).
8 – Mettons davantage de moyens humains et matériels à la disposition de nos parlementaires (Matthieu Caron).
9 – Suivons l’activité de nos parlementaires avec une approche plus qualitative (Olivier Costa et Awenig Marié) Juges.
10 – Pour un délibéré public des Cours suprêmes (Arnaud Iss).
11 – Faisons entrer la déontologie au Conseil constitutionnel (Élina Lemaire).
Collectivités territoriales et démocratie.
12 – Propositions pour une rénovation de la démocratie locale (Jean-François Kerléo et Aurore Granero).
13 – Propositions pour remettre la décentralisation au service de la démocratie (Benjamin Morel).
14 – Propositions pour une révolution démocratique intercommunale (Sébastien Bénetullière).
Droit électoral et représentativité.
15 – Droit électoral français : et si on passait enfin du XIXe siècle au XXIe siècle ? (Romain Rambaud).
16 – Instaurons le jugement majoritaire (Chloé Ridel).
17 – Déprofessionnalisons la politique (Rémi Lefebvre).
18 – Réguler le micro-ciblage des réseaux sociaux lors des campagnes électorales (Anasthasia Magat).
Transparence et déontologie de la vie publique.
19 – Transparence de la vie publique : beaucoup reste à faire (Observatoire de l’éthique publique).
20 – Pour un déontologue du Gouvernement (Observatoire de l’éthique publique).
21 – Remettons en cause la capture de l’intérêt général par les groupes d’intérêt privés (Laurence Scialom).
22 – La frontière public-privé comme « commun » de nos démocraties (Antoine Vauchez).
23 – Pour un ministère de l’anticorruption (Jean-François Kerléo).
Conclusion de la partie.
24 – Oui au réveil démocratique mais évitons la gueule de bois (Éric Thiers).
25 – Pour un choc de démocratie (Rémi Lefebvre).
Partie 2 – LE RÉVEIL PAR LA DÉMOCRATIE PARTICIPATIVE ET LA DÉMOCRATIE DIRECTE.
Introduction.
Démocratie participative.
1 – Trois exigences pour une démocratie participative à l’échelle des enjeux (Axel Dauchez).
2 – La convention citoyenne pour le climat a permis de mesurer à quel point la démocratie est un exercice exigeant (Cyril Dion).
3 – Pour une convention citoyenne du renouveau démocratique (Fanette Bardin).
4 – Pour une assemblée citoyenne du futur (Loïc Blondiaux).
5 – Pour le droit d’amendement citoyen (Beverley Toudic).
6 – Agathe et le tirage au sort (Armel le Corz).
7 – Le vote électronique à distance : pratiquer (enfin) la démocratie directe ? (Vanessa Barbé).
8 – Donner aux citoyens le droit de changer le monde grâce au droit de pétition en ligne (Sarah Durieux).
9 – Une plateforme numérique pour l’information et la participation citoyenne (Monge et alii).
Démocraties directe et semi-directe.
10 – Le référendum d’initiative populaire : et si on cessait d’avoir peur ? (Romain Rambaud).
11 – Vive le référendum local d’initiative citoyenne (Aurore Granero).
12 – Vive le référendum intercommunal (Raphaël Maurel).
Éducation et démocratie.
13 – Encapaciter la jeunesse, pour notre bien (commun) ! (Elsa Grangier).
14 – Instaurer une éducation citoyenne tout au long de la vie (Nicolas Dufrêne).
15 – Créer un enseignement obligatoire à l’éveil démocratique (Julien Padovani et alii).
16 – Faisons entrer le débat-philo à l’école pour éveiller à la démocratie (Julien Caron).
17 – L’éducation à la préservation de la nature pour tous (Fanny Agostini).
18 – Daniel Auteuil à Boulogne-sur-Mer (Agnès Louis- Bayrou).
19 – Pour une véritable éducation populaire à la ville (Thibault Tellier).
20 – Créons un festival national de la démocratie (Matthieu Abgrall).
Partie 3 – L’ÉVEIL DE LA DÉMOCRATIE ECONOMIQUE, SOCIALE ET ENVIRONNEMENTALE.
Introduction.
Démocratie économique et sociale.
1 – Affronter l’oligarchie économique (Paul Magnette).
2 – Pour une démocratie économique (François Morin).
3 – Comment démocratiser l’économie ? (Dominique Méda).
4 – Mendès France et la planification démocratique de l’économie : une source d’inspiration ? (Frédéric Potier).
5 – Penser l’éthique des affaires pour repenser le paradigme et le récit de l’entreprise (Collectif OEP).
6 – Pour une véritable égalité femmes-hommes au sein des Conseil d’administration des entreprises (Sophie Harnay et Antoine Rébérioux).
7 – L’économie sociale et solidaire au service de la démocratie (Jérôme Saddier).
8 – Investir dans les associations pour accélérer la transition vers l’altercroissance (Régis Juanico et Matthieu Caron).
9 – Pour un revenu universel entrepreneur (Eva Sadoun et Matthieu Caron).
10 – Quelle place pour les syndicats dans la démocratie du XXIème siècle ? (Jean Grosset).
11 – De la nécessité de (re)-démocratiser la Sécurité sociale (Hadrien Clouet).
Démocratie environnementale.
12 – Pour une démocratie environnementale (Corinne Lepage).
13 – Sensibiliser les citoyens aux enjeux climatiques et à la transition énergétique (Cédric Ringenbach).
14 – Démocratie et souveraineté alimentaire (Maxime de Rostolan).
15 – Pour une planification écologique au moyen des Commissions de transition (Riwan Driouich).
16 – Instaurer dans les entreprises un délégué à la protection de l’environnement (Raphael Maurel).
17 – Inventons la green card pour démocratiser l’accès à la nourriture bio pour tous (Pierre Meurisse).
Démocratie et questions de société.
3. ARTICLE
LECTURE : “RÉVEILLER LA DÉMOCRATIE”, MODE D’EMPLOI ?
6 octobre 2022 Auteur : Jean-Paul Markus, professeur de droit public, Université Paris-Saclay LES SURLIGNEURS Secrétariat de rédaction : Loïc Héreng et Emma Cacciamani
Ouvrage à mettre entre toutes les mains, près de soixante-dix contributeurs d’horizons divers lancent les pistes parfois inattendues, parfois peu étayées, souvent de bon sens, d’un grand chantier incontestablement urgent : ré-enchanter notre démocratie et la réconcilier avec le citoyen.
Les Surligneurs vous livrent une recension de l’ouvrage Réveiller la démocratie, par R. Dosière et G. Giraud (dir.), Les éditions de l’Atelier, 2022.
On aurait pu titrer cet ouvrage “Secouer la démocratie “ tant certaines idées sont rafraîchissantes et tendent à réconcilier nos citoyens avec la République. Le désintérêt des Français pour les urnes relève, il faut bien le dire, du caprice d’enfant gâté quand dans d’autres pays on risque la prison en prononçant le mot “guerre”, et quand certains États membres de l’Union européenne virent à la “démocrature”. Il ne s’agit plus dans ces pays de “Réveiller la démocratie”, mais plutôt de la ressusciter, ce qui évidemment ne relève pas du même exercice.
Il n’en demeure pas moins que même les régimes les plus démocratiques s’usent. Près de soixante-dix contributeurs, juristes mais aussi économistes, politistes, philosophes, écrivains, acteurs associatifs, proposent en quelques pages des remèdes pour notre démocratie malade de son demos, sous la direction de l’ancien député René Dosière et de l’économiste Gaël Giraud. Nous ne citerons pas les contributeurs car l’équité serait impossible. Très accessible, l’ouvrage interroge tous les acteurs de notre démocratie.
L’exécutif en prend pour son grade : “Présider autrement ” écrit l’un, prônant le “slow politique” en lieu et place du “show politique “, tandis que d’autres regrettent que les élections législatives suivent celles présidentielles, ou imaginent l’élection d’une “équipe”gouvernementale et pas d’un homme providentiel. Pourquoi le gouvernement est-il seul, avec la présidence, à ne pas se doter d’un déontologue ?
Notre Parlement n’est pas en reste : pas assez de pouvoirs notamment à l’égard de l’exécutif (à bas le parlementarisme rationalisé), insuffisamment représentatif (vive la proportionnelle), absence d’intérêt pour l’application effective de la loi une fois votée, le travail des députés et sénateurs mal évalué et valorisé, souvent stigmatisé, trop peu de moyens financiers et humains pour approfondir les dossiers et peser face à l’exécutif : un collègue propose une enveloppe pour que les parlementaires s’entourent d’équipes d’enseignants-chercheurs au lieu de faire appel aux cabinets de conseils ou encore à leurs conjoints(es) ou enfant(s) (c’est nous qui ajoutons).
L’autorité judiciaire française cultive de son côté le secret sur la manière dont les juges délibèrent, au contraire de grandes juridictions étrangères ou internationales, qui publient les “opinions dissidentes” en leur sein. Quant au Conseil constitutionnel, il y a beaucoup à redire sur sa propre déontologie, tant il est“politisé” de par sa composition.
À l’égard des élus, l’ouvrage n’est pas non plus tendre : il faut les “déprofessionnaliser”, mieux les former, mieux contrôler leurs rémunérations, supprimer les “zones d’ombre concernant le train de vie” des élus locaux.
La démocratie, ce sont aussi des méthodes. Selon un des contributeurs, notre système électoral n’est toujours pas passé au XXIe siècle, tant il lui manque une instance de contrôle indépendante comme il en existe dans bien d’autres démocraties modernes, et tant il a conservé des modes de scrutin laissant trop peu de place aux courants minoritaires. De même, la communication électorale doit se moderniser et mieux exploiter les réseaux sociaux. Autre méthode prônée bien sûr, la démocratie participative, avec diverses solutions pour “impliquer très largement la population” et vaincre le “sentiment de ne plus avoir d’impact”. La Convention citoyenne a déçu par ses résultats, notamment en raison d’un “travail de sape” du monde économique : il convient donc de parfaire la méthode, notamment par une plus grande transparence des travaux, aller vers une “assemblée citoyenne” remplaçant l’antique Sénat et l’inutile Conseil économique, social et environnemental.
Dans la même veine, il est proposé de replacer le citoyen au-dessus des intérêts économiques, “affronter l’oligarchie économique”, d’établir une “démocratie économique”. Sur le plan économique, environnemental et sociétal, bien des contributeurs regrettent la “capture de l’intérêt général par des groupes d’intérêts privés”, autrement dit la gestion des services publics par des entreprises à but lucratif, et l’emprise du secteur privé sur la décision publique, notamment à travers le pantouflage et les allers-retours de certains agents publics entre administration et secteur privé. Un réveil passe notamment par une réforme profonde des structures dirigeantes des entreprises avec un “bicaméralisme”patronat/salariat ou toute autre forme d’association effective des salariés à la stratégie entrepreneuriale, et aussi en arrivant à une véritable égalité femme-homme.
Il faudrait également renouer avec la planification économique et inventer une “planification écologique”, et donc penser les politiques sur le long terme (on retrouve la “slow politique”). Cela implique une “éthique des affaires”, en poussant plus loin encore les outils juridiques existants tels que la protection du lanceur d’alerte ou l’entreprise de mission, et en imaginant d’autres modes de management, ce qui suppose aussi de revoir le dialogue patronat/syndicats. Et comme ces deux derniers ne sont pas toujours soucieux de l’environnement, instaurons aussi une personne “déléguée à la protection de l’environnement” dans chaque entreprise, à l’image du DPO (délégué à la protection des données). En somme, restaurons l’idée de “communs “, ces biens à usage partagé, qu’il faudrait protéger en les inscrivant à la Constitution même.
C’est aussi le citoyen qu’il faut impliquer dans le processus démocratique, en lui conférant un “droit d’amendement citoyen” sur les textes en discussion, en lui permettant de voter à distance, et aussi en l’écoutant : il ne suffit pas d’ouvrir des plateformes gouvernementales de consultation citoyenne, dont nul ne sait qui les lit, sauf à créer une seule plateforme centralisant l’ensemble des projets. Vient ensuite le référendum d’initiative citoyenne dont il faut “cesser d’avoir peur”, que ce soit au niveau national ou local, avec un référendum local qui pourrait être étendu au niveau intercommunal. Reste qu’un citoyen, cela se forme dès l’école : “encapacitons la jeunesse !”, s’écrie une contributrice. Cela se forme ensuite tout au long de la vie, tant les enjeux évoluent, notamment en matière environnementale : ressortons “l’éducation populaire” des placards, et expliquons les “choix technologiques favorisant le bien commun”. Allons jusqu’à créer un “festival national de la démocratie”(après tout, il existe bien une fête de la musique et même une nuit du droit). Le citoyen agit aussi à travers les associations agissant pour une “démocratie sociale et solidaire”, une “altercroissance”. Il est également proposé de récupérer une maîtrise démocratique de notre monnaie et du crédit (donc sortir de l’euro, mais sans dire pourquoi faire).
La démocratie est aussi affaire locale, avec l’écoute du citoyen par de nouveaux procédés de concertation. Notre décentralisation massive depuis 1982 serait “pervertie” car menée au pas de charge, oubliant l’objectif initial de création d’une démocratie de proximité, au profit d’une course aux compétences et d’un millefeuille institutionnel complexe “boudé” par les Français. Dans la même veine, un des auteurs entend démocratiser et mettre en avant les intercommunalités, dont les responsables pourraient, collectivement, remplacer le conseil départemental.
Et au beau milieu de l’ouvrage, une opinion singulière : réformer à tout va au risque d’encore complexifier et de rebuter définitivement le citoyen, ou mieux employer les outils existants ? Il est vrai que l’ouvrage nous offre la vision d’un véritable concours Lépine, avec des propositions qui semblent parfois utopiques ou au minimum trop peu étayées. Mais au moins les contributeurs tentent, osent, et c’est le mérite de l’ouvrage : lancer les pistes d’un chantier aussi sérieux qu’urgent, avec des propositions parfois redondantes ou qui d’autres fois se contredisent. Un ouvrage démocratique en somme, même si l’on aurait aimé y trouver aussi l’opinion du grand méchant patronat.
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