
Le Journal d’Hélène Berr est le journal tenu par une étudiante juive parisienne, Hélène Berr, d’avril 1942 à février 1944.
Ce témoignage sobre et pudique sur la vie, les aspirations et l’oppression subie, font de ce texte une véritable œuvre littéraire.
Ce journal commence le 7 avril 1942, après une visite chez Paul Valéry. Il s’achève au camp de Drancy le 15 février 1944.
Le Journal est constitué de 262 feuillets volants truffés de citations de Shakespeare ou de Lewis Carroll. À travers quelques pages, l’autrice nous montre qu’elle parvient à oublier la guerre, le temps d’une « journée parfaite » à cueillir des framboises, dans la maison de campagne familiale. Pour fuir l’oppression, l’agrégative d’anglais se raccroche aux après-midi ensoleillées, aux poésies de Shelley, aux journées passées en bibliothèque…
Le port de l’étoile jaune, imposé en juin 1942, est une première cassure. Hélène a noté son désarroi, les gestes de solidarité des Parisiens dans le métro, le zèle du contrôleur qui la refoule dans la voiture de queue, réservée aux juifs. Elle raconte l’arrestation de son père et son internement à Drancy, le désarroi de la famille, la joie que suscite sa libération obtenue par le paiement d’une rançon.
Elle évoque la solitude, l’impuissance à témoigner de la barbarie et l’abîme qui se creuse entre elle et ses amis.
« À chaque heure de la journée se répète la douloureuse expérience qui consiste à s’apercevoir que les autres ne savent pas. »
Les derniers mots du journal, « Horror! Horror! Horror! », font écho à la pièce de Shakespeare Macbeth, où Macduff (en) s’exclame : « O horror, horror, horror! ». Cette dernière phrase rappelle aussi le « The horror! The horror! » de Kurtz (en), à la fin du roman Au cœur des ténèbres de Joseph Conrad.
Article extrait
“Journal” d’Hélène Berr
Publié le 27/01/2023 TÉLÉRAMA Nathalie Crom
« Rien ne devient réel avant qu’on en ait eu l’expérience — même un proverbe n’est pas un proverbe avant que votre vie n’en ait donné un exemple.
» Ces mots de Keats, Hélène Berr les écrit dans son journal à la date du 1er novembre 1943. Si la phrase du poète anglais a touché la jeune femme, c’est qu’elle fait écho au projet qu’elle a entrepris dix-huit mois plus tôt, en avril 1942 – ce journal dans les pages duquel, au jour le jour, elle raconte sa vie, les choses par elle vues et ressenties.
Non pas par vanité juvénile, surtout pas par excès d’égocentrisme, mais avant tout pour témoigner, « pour pouvoir plus tard montrer aux hommes ce qu’a été cette époque » : le Paris occupé par l’armée allemande, la collaboration des autorités françaises, la promulgation des lois antijuives, la lâcheté ou l’indifférence qui furent si souvent l’attitude de la population parisienne face à la persécution frappant les hommes, les femmes et les enfants contraints de porter l’étoile jaune, de vivre sous la menace des rafles, de l’internement, de la déportation.
…/…