
Voir la précédente publication de METAHODOS :
LA VRAIE MAUREEN KEARNEY – « LA SYNDICALISTE » (1). https://metahodos.fr/2023/03/02/la-vraie-maureen-kearney/
A SUIVRE SUR METAHODOS : une histoire étonnamment peu médiatisée
En 2022 avait été diffusée la série en cinq épisodes de «Suspicion» revenant sur un scandale politico-nucléaire dans une fiction sonore ultra-réaliste.
En 2023, c’est le film « La syndicaliste « qui redonne au dossier une actualité nouvelle.
France 3 Paris Île-de-France a diffusé une mini-série documentaire, le jeudi 2 mars, qui revient elle aussi sur l’incroyable et terrible histoire de Maureen Kearney.
ÉMISSION (2)
La justice – La vraie histoire de « La syndicaliste »
Mercredi 27 octobre 2021 FRANCE CULTURE
Après la violente agression de Maureen Kearney, responsable syndicale chez Areva, l’enquête lancée par la gendarmerie démarre sur les chapeaux de roues. Mais tout bascule après quelques semaines, quand la victime se retrouve soudain sur le banc des accusés. Maureen aurait-elle tout inventé ?
Dans le premier épisode de cette série, Maureen Kearney, responsable syndicale CFDT chez Areva, racontait comment elle s’était publiquement opposée à la direction de l’entreprise, et notamment à son PDG, Luc Oursel. D’après la syndicaliste, EDF négociait avec une entreprise chinoise un transfert du savoir-faire technologique d’Areva. Pour Maureen Kearney, c’est ni plus ni moins du pillage industriel ! Mais le PDG nie en bloc l’existence d’un tel contrat. La syndicaliste met alors tout en œuvre pour empêcher cette tractation lourde d’enjeux économiques…
Or, le 17 décembre 2012, Maureen Kearney se fait sauvagement agresser. Elle est retrouvée à son domicile, ligotée sur une chaise, un A gravé sur le ventre et le manche d’un couteau enfoncé dans le vagin. Maureen Kearney et son entourage sont sous le choc…
Le traumatisme
Dans les jours et les semaines qui suivent l’agression, Maureen Kearney est en état de stress post-traumatique.
« Je n’ai pas réussi à manger et je n’ai pas réussi à dormir au-delà d’une heure et demie d’affilée… J’étais en alerte en permanence. Le moindre bruit, la moindre ombre inhabituelle… J’étais en boule de terreur. » Maureen Kearney
Bien qu’elle soit encore sous le choc, Maureen Kearney doit subir une batterie d’examens gynécologiques et d’expertises psychiatriques. La violence de l’agression se double de celle des examens médicaux… « J’ai pleuré, pleuré. Dans ma tête, je criais, je roulais à l’aide. J’étais examinée comme un animal qu’on amène chez le vétérinaire, et uniquement par des hommes… » Maureen Kearney
Quelques semaines plus tard, Maureen Kearney est de nouveau contactée par les enquêteurs, qui demandent à la revoir. Tout bascule, car on l’accuse alors d’avoir simulé l’agression.
« Les enquêteurs ont dit qu’ils ne croyaient pas un mot de tout ce que j’avais dit, qu’ils savaient que j’avais tout inventé : d’après eux, je me suis attachée moi-même et je me suis agressée moi-même. » Maureen Kearney
À lire : Scandale de la forge du Creusot : Areva et EDF alertées dès 2005
Victime coupable
De victime, Maureen Kearney devient donc coupable. Les enquêteurs mettent en effet en doute sa version : d’après eux, la syndicaliste est une mythomane et une manipulatrice qui a inventé de toutes pièces l’affaire du contrat d’Areva ainsi que son agression. Interrogée et soumise à une lourde surveillance, Maureen Kearney vit un cauchemar.
« Quand je devais aller faire pipi, il fallait que je laisse la porte ouverte et que quelqu’un me regarde, c’était l’humiliation totale. » Maureen Kearney
Un homme en civil vient même lui faire d’effrayantes mises en garde : « Il m’a dit : « Si vous ne dites pas que c’est vous, le rouleau compresseur de la justice et Areva feront en sorte que ni vous ni votre famille ne vous en sortiez jamais. » Maureen Kearney
Sous la pression et la menace, Maureen Kearneyfinit par faire de faux aveux et admettre qu’elle a tout inventé. Ces aveux corroborent ainsi les hypothèses des policiers qui disaient eux-mêmes avoir relevé beaucoup d’incohérences dans la version de la syndicaliste. Le procureur, Vincent Lesclous, manifestement peu au fait du phénomène de sidération psychique, qui empêche de nombreuses victimes de viol de réagir pendant leur agression, s’étonne en effet de ce que Maureen n’ait pas riposté face à son agresseur.
« Elle a dit que l’agresseur d’abord la maîtrise, puis la conduit au rez-de-chaussée et l’installe sur une chaise. Il lui lie les jambes, puis les bras, une jambe après l’autre, donc on se demande un peu… Elle pouvait réagir, mais elle ne l’a pas fait, pourquoi ne s’est-elle pas défendue ? » Vincent Lesclous
L’absence de traces ADN autres que celles de Maureen Kearney, de son mari Gilles et de la femme de ménage, ainsi que l’utilisation par l’agresseur d’objets trouvés dans la maison du couple sont autant d’incohérences qui accablent la syndicaliste…

La CFDT Areva soutient Maureen – Photo personnelle de Maureen Kearney
Le procès
Les aveux de Maureen Kearney sont toutefois non-circonstanciés – en d’autres termes, ils n’ont aucune valeur légale -, et la syndicaliste décide de refuser de les réitérer. Malgré tout, lors du procès, les juges semblent convaincus de sa culpabilité. L’avocat de Maureen Kearney, Thibault de Montbrial, raconte : « Ce procès se déroule dans des conditions assez étranges. La présidente était très directive et tout de suite cassante avec Maureen, qui avait été brisée par cette histoire. Pour elle, ce procès était vraiment le moment de la réhabilitation, donc elle se mettait une pression considérable et elle avait besoin d’être en confiance. »
Déroutée par la froideur et les étranges questions de la présidente, Maureen Kearney se met à « répondre de manière automatique ». C’est ainsi qu’elle est condamnée le 6 juillet 2015 à cinq mois de prison avec sursis et cinq mille euros d’amende pour dénonciation de crime imaginaire. De nouveau, le monde de Maureen Kearney s’écroule. Fiona, sa fille, décrit la détresse dans laquelle la famille a été plongée.
« Au niveau de la justice, je n’avais plus aucun espoir, ni aucune confiance. Finalement, la vie d’une femme face aux milliards, face à l’économie, ça vaut rien. En fait, une vie ne vaut rien par rapport à de l’argent. » Fiona
Dans les mois qui suivent, les nouveaux avocats découvrent que des traces d’ADN étrangères à la maison ont bien été retrouvées sur le lieu du crime… Mais qu’elles avaient été « perdues » au cours de l’enquête. Cela suffira-t-il à réhabiliter Maureen Kearney ?
Merci à Maureen Kearney, Fiona, François Martinez, Anne Gudefin, Thibault de Montbrial et Vincent Lesclous.
Reportage : Noémie Landreau
Réalisation : Anne Depelchin
Musique de fin : « Teardrop » de Farah Elle.
A diffuser largement !Jean-Marc
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