
Le manifeste des 109 pour faire évoluer la loi
« Chaque année, des Françaises et des Français, atteints de maladies graves et incurables, sont confrontés à des souffrances physiques et morales que les traitements ne parviennent plus à soulager. Ils demandent à leur médecin de les aider à mourir et se heurtent à un refus, condamnés à subir une fin de vie longue et douloureuse, en contradiction avec leur volonté libre et réfléchie.
Chaque année, des Françaises et des Français, qui font face aux mêmes maladies et aux mêmes tourments, partent à l’étranger pour pouvoir y mourir, contraints de se rendre dans des pays où le suicide assisté et l’euthanasie sont des pratiques légales.null

Ces Françaises, ces Français ne sont pas seuls. Nous sommes leurs conjoints, leurs enfants, leurs frères, leurs sœurs, leurs familles, leurs amis. Nous sommes celles et ceux qui ont cherché le bon médecin, qui avons pris des trains et franchi des frontières, et qui nous sommes résolus à tout faire pour que chacun, que chacune puisse finir ses jours comme il ou elle l’a décidé. Nous estimons que la loi française, qui interdit l’aide active à mourir, est injuste.
C’est pourquoi nous appelons aujourd’hui le président de la République, Emmanuel Macron, la Première ministre, Elisabeth Borne, ainsi que les parlementaires à prendre la mesure de ces drames et à réformer la loi. »
L’heure du choix approche
La Convention citoyenne sur la fin de vie rendra bientôt ses conclusions, mais les intentions d’Emmanuel Macron sur une évolution de la loi Claeys-Leonetti restent mystérieuses. Pourtant, de nombreux signes indiquent que l’opinion est mûre pour une évolution vers l’aide active à mourir
Les 109 personnalités qui ont signé le manifeste publié dans « l’Obs » appellent le gouvernement et le président de la République Emmanuel Macron à réformer la loi Claeys-Leonetti.
La loi n’autorise que la sédation profonde et continue jusqu’au décès, et ce dans deux situations seulement : lorsque le patient est atteint d’une affection grave et incurable, que son pronostic vital est engagé à court terme et que sa souffrance résiste aux traitements ; ou lorsqu’un malade décide de suspendre un traitement, que cette suspension engage son pronostic vital à court terme et qu’elle est susceptible d’entraîner une souffrance insupportable.
Elle exclut donc tous les Français atteints de maladies graves et incurables dont le pronostic vital n’est pas engagé, quand bien même ils expriment la volonté de mettre un terme à leurs souffrances.
Toutefois sous l’impulsion du Conseil consultatif national d’Ethique (CCNE), la situation a évolué. En septembre 2022 il a estimé qu’il existe « une voie pour une application éthique de l’aide active à mourir, à certaines conditions strictes avec lesquelles il apparaît inacceptable de transiger ». …
HÉSITATIONS
Pour débattre de ces questions, Emmanuel Macron avait invité seize personnalités, dont six religieux ainsi que six médecins et anciens médecins. Si les représentants des cultes ont tous exprimés, sans surprise, leur opposition à toute aide active à mourir, du grand-rabbin de France au recteur de la mosquée de Paris en passant par le président de la conférence des évêques, les positions ont été beaucoup plus partagées parmi les soignants. L’ancien ministre de la Santé Olivier Véran, le président du CCNE le Pr Jean-François Delfraissy et le Dr Denis Labayle se sont tous les trois prononcés en faveur de la légalisation de l’aide active à mourir.
A l’inverse, l’actuel ministre de la Santé François Braun, le Dr Jean Leonetti (auteur de la loi actuelle sur la fin de vie) et le médecin de soins palliatifs le Dr Sarah Halioui ont tous expliqué que l’euthanasie ne pouvait pas être considéré selon eux comme un acte de soins.
Convention citoyenne sur la fin de vie : les dés étaient-ils pipés ?
Face à ces orientations opposées, difficile de savoir quel est la position du Président de la République. Certes il s’est déclaré, lors de la dernière campagne présidentielle, favorable au « modèle belge », notre voisin autorisant assez largement le recours à l’euthanasie. Certes, en septembre dernier, il a promis, lors de la remise des insignes de grand-croix de la Légion d’honneur à Line Renaud, qu’une loi sur la fin de vie serait votée en 2023. Mais lors de ce diner morbide, il n’a pas caché vouloir se donner le temps de la « maturation » sur ce sujet « complexe ».
Ainsi, alors que la convention citoyenne sur la fin de vie est sur le point d’achever ses travaux et doit rendre son rapport au gouvernement le 2 avril prochain, Emmanuel Macron a clairement indiqué que l’élaboration d’un éventuel projet de loi sur la question prendra du temps et que toutes les conclusions de la convention ne seront pas forcément reprises telles quelles.
A la convention citoyenne justement, pilotée par le conseil économique social et environnemental (CESE), un certain doute, voire un malaise, s’est également installé. Des citoyens tirés au sort pour débattre de la fin de vie se plaignent en effet que les résultats d’un vote indiquant que 72 % des conventionnels étaient favorables à l’euthanasie aient été rendus publics le mois dernier. Pour les participants à la convention, ce vote binaire pour ou contre l’euthanasie caricature la teneur de leurs travaux.
ARTICLE
Sur la fin de vie, Emmanuel Macron prépare un énième « en même temps »
Par Louis Hausalter. Publié le 09/03/2023 Marianne
Emmanuel Macron a lancé une convention citoyenne pour plancher sur l’euthanasie, le suicide assisté ou les soins palliatifs, tout en faisant comprendre qu’il se réservait la décision de faire évoluer la loi. Mais sur le fond du sujet, le président reste insondable.
Emmanuel Macron reçoit à dîner, ce jeudi 9 mars, plusieurs personnalités, dont les représentants des cultes, pour discuter de la fin de vie. Dans ce genre d’exercice, le président, pourtant d’un naturel bavard, donne en général la parole à tout le monde et se contente d’introduire et de conclure avec quelques banalités, sans laisser transparaître le fond de sa pensée. En pense-t-il vraiment quelque chose, d’ailleurs ? Mystère.
Il y a un an, pendant sa campagne présidentielle, Emmanuel Macron s’était dit, au détour d’une interpellation dans la rue, « favorable à ce qu’on évolue vers le modèle belge ». L’euthanasie est légale en Belgique depuis 2002, y compris pour les mineurs ou pour des raisons de souffrance psychologique. En septembre, c’est à Line Renaud, marraine de l’Association pour le droit à mourir dans la dignité (ADMD), que le chef de l’État promettait de faire évoluer la loi. Mais le mois suivant, dans l’avion qui le ramenait d’une visite au pape François, il se montrait beaucoup plus prudent : « Le pape sait que je ne ferais pas n’importe quoi. »
En fait, Emmanuel Macron a décidé de gagner du temps, lui qui – à rebours de sa majorité de cadres urbains progressistes à l’Assemblée nationale – nourrit une méfiance instinctive envers les sujets sociétaux : trop clivants, trop piégés. Dans son dernier programme présidentiel, il s’en est sorti en promettant une « convention citoyenne » chargée de plancher sur la fin de vie. L’instance a été installée en décembre par la Première ministre, Élisabeth Borne, qui a seulement promis aux 184 citoyens tirés au sort que leurs réflexions constitueraient « un éclairage majeur ».
« LA DÉCISION APPARTIENDRA AU PRÉSIDENT »
Aucun engagement, donc, à soumettre « sans filtre » les conclusions de la convention au Parlement ou à un référendum. C’est ce qu’avait promis Emmanuel Macron à la précédente convention citoyenne, celle sur le climat, avant d’écarter plusieurs mesures issues des travaux. L’expérience lui a visiblement servi de leçon : cette fois, le chef de l’État ne veut pas se retrouver lié aux conclusions que rendra la convention le 2 avril. « Les règles du jeu sont écrites dès le départ. À la fin, la décision appartiendra au président », assure une ministre impliquée sur le sujet. Quand et comment Emmanuel Macron rebondira-t-il sur ces travaux ? « Ce n’est pas encore arrêté », élude-t-on à l’Élysée.
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