
ÉMISSION
NOS INSTITUTIONS TORDUES DANS TOUS LES SENS
Vendredi 10 mars 2023 FRANCE INTER
Parlementaires et gouvernement ne cessent d’évoquer « le respect des institutions » pour avancer dans cette bataille des retraites. Tout est légal mais est-ce bien normal ?
Ah qu’elles sont pratiques nos institutions. Elles sont faites en caoutchouc, non ? On les plie, on les élargit, on les cogne. Et, finalement, elles ont l’air intactes : c’est formidable !
Comment vite faire passer une réforme des retraites ? si nécessaire, sans vote à l’issue ? Eh bien, vous avez l’article 47 de la Constitution. Un texte budgétaire, maximum 50 jours d’examen : 20 jours à l’Assemblée, 15 jours au Sénat.
Ils le votent s’ils trouvent le temps et « si le Parlement, je cite, ne s’est pas prononcé dans ce délai, les dispositions du projet peuvent être mises en œuvre par ordonnance ». Voilà, ça c’est efficace.
Et si ça coince à l’Assemblée, utilisez en plus l’article 49 alinéa 3. Pas de vote. Comme ça, personne ne se mouille, on passe à autre chose sauf si une majorité veut retourner aux urnes.
Et pour s’opposer au texte ?
Il faut signer des amendements, des centaines d’amendements, voir des sous-amendements…Comme ça, vous avez la parole. 2 minutes à chaque fois et puis, à la fin, vous avez examiné 2 articles en 9 jours. Et on ferme. Vous pouvez retourner manifester dans la rue.
Et quand les leaders de tous les syndicats du pays demandent un rendez-vous avec le Président ? « Il respecte les institutions » je cite Olivier Véran, le porte-parole, et ce n’est pas possible car nous sommes « dans le temps parlementaire ». C’est vrai que les sénateurs auraient été scandalisé qu’il reçoive les syndicalistes cette semaine.
Et si on veut espérer un référendum ? Faut déposer une motion référendaire et ça marche par tirage au sort. Cette fois, c’est Marine Le Pen qui a gagné. Tant pis pour la gauche.
Et la note du Conseil d’Etat sur la réforme ? Alors, elle peut être consultée par certains mais pas publiée. Oui, c’est vrai que pour tous les autres textes, les avis sont sur le site. Mais, là, c’est un budget (rectificatif) donc non c’est interdit.
Et l’étude d’impact ? Le nombre de personnes concernées par les différentes mesures ? Les montants précis ? Non, les parlementaires en demandent vraiment beaucoup trop.
Et, pour finir, qui va trancher ? 14 élus (7 députés, 7 sénateurs) lors d’une réunion, à huis clos mercredi soir. On appelle ça une commission mixte paritaire. C’est là, où la droite et le gouvernement s’entendent à chaque fois ou presque sur une même version du texte.
Voilà, mon petit cours d’éducation civique, un peu rapide.
Tout est légal…Mais est-ce bien normal ?
Je vous sens agacé, Maxence…
Bien sûr, l’Etat de droit est respecté. Il faut des règles précises, des mécanismes. La Vème République résiste aux crises, aux aléas.
Mais, on sent que ça va trop loin, qu’il y a toujours une bidouille, un alinéa pour s’en sortir.
Et on en perd le sens des mots. Puisque chaque jour, nos politiques crient au « déni démocratique » aux « passages en force », à « la prise d’otage ». On a l’impression que la maison est en feu…mais que tout le monde reste à l’intérieur.
Ca va continuer ?
Evidemment. Le budget 2024 aura aussi le droit à son lot de 49.3. Et regardez le projet de loi nucléaire. Au beau milieu de son examen tombe un amendement du gouvernement pour fusionner l’Autorité de sureté et l’Institut de recherche, en tordant un rapport de la Cour des comptes de 2014 qui y voit « une réponse inapproprié et inefficace ».
Je pense que le caoutchouc a de l’avenir…Il est assez étanche et endurant…Mais se désagrège toujours, au final, par petits morceaux.
L’équipe
- Maxence LambrecqProduction
- Yaël GooszAutre
Le président, dépourvu de majorité absolue, devrait sans doute dissoudre l’Assemblée pour prendre le pouls de la Nation, mais il sait que ses « marcheurs » se feront laminer aux prochaines législatives et que beaucoup de Français, excédés de tout ce qui ne va plus en France, se détermineront nombreux pour le RN. Imaginez-vous une cohabitation Macron-RN? Quant à ceux – LFI en tête – qui ne cherchent qu’à fomenter des troubles, dans l’hémicycle ou dans la rue, ils oublient que la NUPES ne survivrait pas à une dissolution. La France a le coeur à droite depuis un bon bout de temps, mais elle n’est pas fichue de voter dans son intérêt bien compris depuis que je ne sais qui a flingué Fillon. Pour autant, la France n’a pas besoin de se donner à une droite plus dure (pour ne pas dire extrême).
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