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DEUX LÉGITIMITÉS OPPOSÉES : ÉLUS CONTRE CONTESTATION SOCIALE – FOULE CONTRE PEUPLE (3)

NOS DEUX PRÉCÉDENTES PUBLICATIONS :

LA FOULE CORPS POLITIQUE ILLÉGITIME ? – « IMAGE DU PEUPLE (2), PÉRIL HIRSUTE » – CLICHÉS ET PRÉJUGÉS – MISE À JOUR. https://metahodos.fr/2023/03/23/la-foule-corps-politique-illegitime-image-du-peuple-peril-hirsute-et-expression-politique-illegitime/

LE PR « FACE AU PEUPLE (1)» – LE CRAINDRE OU LE RESPECTER ? « FACTIONS ET FACTIEUX » https://metahodos.fr/2023/03/23/le-president-de-la-republique-face-au-peuple/

ÉMISSION

De l’émeute à l’insurrection, généalogie de la foule

Samedi 25 mars 2023. FRANCE CULTURE

Cette semaine, la parole présidentielle a opposé deux légitimités, celle des élus et celle de la contestation sociale. La foule s’opposerait au peuple, fondé par les élections démocratiques… Et pourtant, le lien entre foule et peuple est discuté tout au long du XIXe. Remontons à la source

Mardi soir devant les parlementaires de la majorité, Emmanuel Macron aurait dit : “l’émeute ne l’emporte pas sur les représentants du peuple, et la foule n’a pas de légitimité face au peuple qui s’exprime souverain à travers ses élus”. Une phrase qui a suscité de nombreux débats depuis. L’occasion, pour vous Matteo, de remonter à la source de “la foule”.

Mardi soir comme mercredi à 13h dans les JT de TF1 et France 2, Emmanuel Macron a opposé deux légitimités, celle des élus et celle, plus difficile à cerner, de la contestation sociale. Une manière de reprendre l’adage de Jean Pierre Raffarin en 2003 : ce n’est pas la rue qui gouverne. La foule, que le président associe à l’émeute, s’opposerait donc au peuple et à ce qui le fonde en tant que tel, les élections démocratiques. Mais remontons à la source.

Car si cette distinction n’est pas nouvelle, le curseur, lui, a évolué au fil du temps. Déjà Aristote oppose le dèmos, c’est à dire l’ensemble des citoyens agissant par leur activité politique, au plêthos, la simple masse d’individus, réunit sans élément unificateur. Quelques siècles plus tard, Machiavel reprend la même idée, celle d’une multitude comme composante désordonnée du corps politique. Plethos chez Aristote, Multitude chez Machiavel et puis Rousseau, les noms de la foule changent mais l’idée reste la même. La foule s’oppose à la raison et stimule l’instabilité politique.

QL : Et pourtant, la Révolution Française fait de la foule révoltée, un peuple. Et de l’insurrection, un fondement de la démocratie.

Il y a un dialogue qui est entré dans les mémoires. C’est lorsque le Duc de Larochefoucault réveille Louis XVI le soir de la prise de la Bastille, le roi demande : c’est une révolte ? Non sire, répond le duc, c’est une révolution”. Avec 1789, la distinction de Machiavel s’estompe. Et la frontière entre foule et peuple est ambiguë. Il y a un texte qui illustre bien cette ambiguïté. C’est un chapitre du Tome IV des Misérables, où Victor Hugo aborde ce qu’il nomme “le fond de la question”. Il écrit : “Avant que le droit se dégage, il y a tumulte et écume. Au commencement, l’insurrection est émeute, de même que le fleuve est torrent”. Victor Hugo fait ici de la foule la source du droit légitime à venir. Mais il prévient également, et c’est de cet autre passage que s’inspire Emmanuel Macron semble-t-il, il prévient : Quelquefois le peuple se fausse fidélité à lui-même. La foule est traître au peuple. Derrière, pour Hugo, il y a lidée que le suffrage universel masculin est un moyen de dissoudre l’émeute, de faire du vote une forme d’insurrection légale. La “vérité politique” du vote devient supérieure à la “vérité sociale” de la rue.

QL : From bullets to ballots, Des balles aux bulletins , c’est l’adage qui prévaut lors de la première élection au suffrage universel.

C’est l’idée en tout cas au cœur des deuxièmes et troisièmes républiques. Faire disparaître les barricades au profit du vote. Faire du vote le “nec plus ultra” de la participation politique. Plusieurs gravures montrent des ouvriers qui posent le fusil pour se rendre dans l’urne.

Et cette opposition entre citoyenneté électorale et citoyenneté insurrectionnelle, l’idée qu’il faille abandonner la foule pour l’urne et bien, c’est Gustave Le Bon qui la grave dans le temps long du politique avec sa très connue “psychologie des foules” qu’il publie en 1895, et qui est un véritable best seller. Il décrit la foule comme jouet de circonstances, éphémère, inconstante, vouée à disparaître, irrationnelle, voire animale. La foule est une “horde” pour Gustave Le bon qui l’oppose très explicitement au peuple, qui lui, procède par délibération rationnelle. Et pourtant, plusieurs grands mouvements populaires sont déclenchés par des foules, des actions spontanées et irréfléchies. On peut penser à Mai 68, ou plus récemment aux printemps arabes, à la révolution orange en Ukraine ou au gilets jaunes. Et la sociologie politique pointe depuis les années 60, la difficulté de définir le peuple exclusivement à partir du vote. Que faire, des 30, 40, 50% d’abstentionnistes ? Comment interpréter le poids politique de l’opinion publique ?

Alors je vous parlais de Victor Hugo. Mais les 1 à 3 millions de manifestantes et manifestants de jeudi semblent avoir suivi les conseils de l’écrivaine et journaliste George Sand et son appel au peuple de Paris en 1848. Elle indique dans ce texte la marche à suivre au cas où “la vérité sociale” ne sortirait pas triomphante des urnes : “ll n’y aurait alors qu’une voie de salut pour le peuple (…) : ce serait de manifester une seconde fois sa volonté et d’ajourner les décisions d’une fausse représentation nationale”

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