
BANDEROLES, PÉTITION, MÉDIAS SOCIAUX, MÉDIAS PRESSE, DÉCLARATIONS POLITIQUES, ÉVOQUENT LA DESTITUTION PRÉSIDENTIELLE
Depuis l’annonce du projet de réforme des retraites, l’idée d’une potentielle destitution du président de la République gagne du terrain. Cette procédure, possible dans les faits, est néanmoins difficile à appliquer. LIRE LES DEUX ARTICLES PROPOSÉS PAR NOS CONTRIBUTEURS
Depuis la révision constitutionnelle de 2007, une procédure de destitution a été proposée une seule fois, en 2016, contre François Hollande. A l’époque, les députés LR à l’origine de la destitution reprochaient au chef de l’Etat des confidences qu’il avait faites à des journalistes relevant de la « défense nationale ».
« Toute la difficulté de ce genre de catégorie juridique, c’est qu’il n’y a pas de liste préétablie. Il faut, à un moment, considérer qu’on est face à un manquement incompatible avec l’exercice des fonctions« , a indiqué Jean-Eric Gicquel, professeur de droit constitutionnel et parlementaire à l’université Rennes-1 à 20 Minutes.
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FAKE ? L’ARTICLE 68 DE LA CONSTITUTION PERMET-IL LA DESTITUTION DU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE ? CLE 68 DE LA CONSTITUTION PERMET-IL LA …23 févr. 2023 — Dans des publications virales, des internautes appellent à la destitution d’Emmanuel Macron par la mise en application de l’article 68 de la …
ARTICLE 1.
EMMANUEL MACRON PEUT-IL ÊTRE DESTITUÉ VIA L’ARTICLE 68 DE LA CONSTITUTION ?
La politique menée par Emmanuel Macron a déclenché une vague d’indignation sur les réseaux sociaux, poussant des internautes à demander sa destitution.
Par Khalil Rajehi Publié le 18/04/2023 CNEWS
Après le 49.3 et le 47.1, voici l’article 68. Alors que la colère ne faiblit pas dans la rue depuis le recours de l’exécutif à l’article 49.3en mars dernier pour faire passer sa réforme des retraites, Emmanuel Macron a pris la parole ce lundi 17 avril au soir, soit trois jours après la validation de l’essentiel du projet et deux jours après sa promulgation expresse.
Cette politique, menée par le président de la République, a également déclenché une vague d’indignation sur les réseaux sociaux poussant des internautes à demander la destitution du chef de l’Etat. Le 13 avril dernier, une pétition a été mise en ligne sur le site officiel de l’Assemblée nationale demandant le départ du locataire de l’Elysée.
«Nous croyons que votre leadership a été marqué par l’incompétence, la corruption et l’arrogance, et que vous avez trahi la confiance et les espoirs de millions de Français», ont écrit les organisateurs.
Bien que la procédure de destitution soit autorisée par l’article 68 de la Constitution, il est toutefois peu probable qu’elle soit mise à exécution ou qu’elle aboutisse au départ d’Emmanuel Macron, compte tenu du fonctionnement des institutions.
En effet, l’article en question dispose que la procédure de destitution peut être déclenchée «en cas de manquement du chef de l’Etat à ses devoirs manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat». Il s’agit ici d’une procédure politique et non-pénale.
Ce manquement peut concerner le comportement politique et privé du président de la République «à condition que ses actes aient porté atteinte à la dignité de sa fonction», peut-on lire sur le site gouvernemental vie-publique.fr.
Cependant, Emmanuel Macron ne peut être tenu «responsable» de la situation dans laquelle se trouve la France simplement par ses décisions politiques, malgré sa détermination pour faire passer la réforme des retraites.
Le locataire de l’Elysée est en effet protégé par l’article 67 de la Constitution qui suppose que «le président de la République n’est pas responsable des actes accomplis en cette qualité».
«Il ne peut, durant son mandat et devant aucune juridiction ou autorité administrative française, être requis de témoigner non plus que faire l’objet d’une action, d’un acte d’information, d’instruction ou de poursuite. Tout délai de prescription ou de forclusion est suspendu», poursuit le texte, en rappelant que «les instances et procédures auxquelles il est ainsi fait obstacle peuvent être reprises ou engagées contre lui à l’expiration d’un délai d’un mois suivant la cessation des fonctions».
UNE PROCÉDURE DÉCLENCHÉE SOUS CONDITIONS
Pour que la procédure de destitution soit déclenchée, certaines conditions doivent être remplies. En effet, il faut, en premier lieu, qu’une proposition de réunion du Parlement soit adoptée, par l’Assemblée nationale ou le Sénat, en Haute Cour «à la majorité des deux tiers de leurs membres».
La proposition de résolution doit être «signée par au moins un dixième des membres de l’assemblée devant laquelle elle est déposée», selon la loi organique numéro 2014-1392 du 24 novembre 2014 portant application de l’article 68 de la Constitution.
Une fois la recevabilité et les conditions de la proposition de résolution vérifiées, celle-ci est par la suite transmise à l’autre assemblée. Cette dernière a quinze jours pour se prononcer. En cas de non-adoption, la procédure de destitution est alors terminée.
Néanmoins, selon la loi indiquée ci-dessus, «lorsqu’une proposition de résolution tendant à la réunion de la Haute Cour a été adoptée par chacune des assemblées, le Bureau de la Haute Cour se réunit aussitôt».
«Le Bureau de la Haute Cour est composé de vingt-deux membres désignés, en leur sein et en nombre égal, par le Bureau de l’Assemblée nationale et par celui du Sénat, en s’efforçant de reproduire la configuration politique de chaque assemblée», ajoute-t-on.
Ainsi, le verdict de la Haute Cour doit être rendu dans un délai d’un mois. «La majorité des deux tiers des membres de la Haute Cour est nécessaire pour prononcer la destitution du Président. Les votes s’effectuent à bulletins secrets. La délégation de vote est impossible. Seuls les votes pour la réunion de la Haute Cour ou pour la destitution sont recensés», rappelle Vie-publique.fr.
Pour rappel, une seule résolution a été déposée par des députés depuis 2007, datant de 2016. A l’époque, 79 députés LR ont demandé la destitution de François Hollande en raison de ses confidences à des journalistes sur «la défense nationale», révélées dans le livre «Un président ne devrait pas dire ça».
Après examen de la proposition de résolution par le bureau de l’Assemblée nationale, celle-ci a été rejetée. L’instance a estimé qu’elle était irrecevable, car «ne justifiant pas des motifs susceptibles de caractériser un manquement».
ARTICLE 2.
Destitution d’Emmanuel Macron : une telle procédure est-elle envisageable ?

Thibaut Nouailhetas PLANET FR
Ces revendications trouvent des échos à l’extrême droite de l’échiquier politique, dans la bouche du député de l’Essonne et ancien candidat Debout la France à l’élection présidentielle, Nicolas Dupont-Aignan. « La France est trop fragile pour continuer à avoir tant d’inégalités, tant d’injustices, tant de gaspillages financiers, il faut mettre une pause et repartir sur des bases saines, sinon on ne pourra pas tenir quatre ans. Moi, j’engagerais la destitution de cet homme dangereux« , a-t-il ainsi déclaré au micro d’Europe 1 le 6 avril 2023.
Si la formule de l’article 68 de la Constitution reste floue, Didier Maus, membre de la commission Avril, qui a inspiré la révision constitutionnelle de 2007, explique dans les colonnes de Libération qu’il « n’est pas question ici de juger la politique menée par un Président mais d’apprécier son rôle comme gardien de la Constitution« .
« Toute la difficulté de ce genre de catégorie juridique, c’est qu’il n’y a pas de liste préétablie. Il faut, à un moment, considérer qu’on est face à un manquement incompatible avec l’exercice des fonctions« , ajoute Jean-Eric Gicquel, professeur de droit constitutionnel et parlementaire à l’université Rennes-1 à 20 Minutes.
Depuis la révision constitutionnelle de 2007, une procédure de destitution a été proposée une seule fois, en 2016, contre François Hollande. A l’époque, les députés LR à l’origine de la destitution reprochaient au chef de l’Etat des confidences qu’il avait faites à des journalistes relevant de la « défense nationale ».
Mais la demande avait finalement été rejetée par le bureau de l’Assemblée nationale qui l’estimait irrecevable, « ne justifiant pas des motifs susceptibles de caractériser un manquement ». Une procédure de cette envergure est volontairement complexe et doit passer par plusieurs étapes avant d’être validée.
Procédure de destitution : quel chemin doit-elle suivre ?
Pour qu’une procédure de destitution soit menée à son terme, une proposition de réunion du Parlement en Haute Cour doit tout d’abord être déposée par au moins 58 députés. Elle est ensuite étudiée par le bureau de l’Assemblée nationale qui statue sur sa recevabilité, passer devant la commission des lois et enfin être portée devant le vote des députés puis des sénateurs.
Si elle est adoptée à la majorité des deux tiers, le Parlement est alors réuni en Haute Cour, présidé par le président de l’Assemblée nationale. Le président de la République peut alors être entendu devant la Haute Cour et un vote à bulletins secrets est ensuite organisé. Si les deux tiers des membres sont favorables, le chef de l’Etat est alors destitué.
Un scénario qui semble donc très peu probable dans la situation actuelle.