
Cette part occulte de l’Etat prétendument nécessaire à son fonctionnement
« Etat secret, Etat clandestin », ou l’illusion de la transparence en démocratie. Sébastien-Yves Laurent examine cette part occulte de l’Etat reconnue comme nécessaire à son fonctionnement, et la manière dont, au fil des siècles, elle s’est institutionnalisée.
« Sébastien-Yves Laurent examine cette part occulte de l’Etat reconnue comme nécessaire à son fonctionnement, et la manière dont, au fil des siècles, elle s’est institutionnalisée. On regrettera que l’historien prenne soin d’éviter la question des abus. » Lit-on dans l’article ci contre.
Résumé : » Nous semblons vivre à une époque où tout finit par se savoir depuis qu’en 2013 un employé de l’agence de renseignement technique des États-Unis, Edward Snowden, révéla un authentique « secret d’État » : la collecte par les États-Unis de dizaines de millions de communications échangées dans le monde. Depuis lors en tous domaines des documents secrets ont été l’objet de fuites, laissant croire que la notion de secret d’État n’existe plus. L’État aujourd’hui serait-il désormais un État transparent, dépouillé de ses mystères ?… »
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ARTICLE : « État secret, État clandestin », ou l’illusion de la transparence en démocratie

Sébastien-Yves Laurent examine cette part occulte de l’Etat reconnue comme nécessaire à son fonctionnement, et la manière dont, au fil des siècles, elle s’est institutionnalisée. On regrettera que l’historien prenne soin d’éviter la question des abus.
Malgré son nom, l’« Etat secret » n’est ni un pouvoir totalitaire ni une bande de comploteurs. C’est une émanation de l’Etat dont l’histoire épouse l’essor du pouvoir politique et administratif. C’est cette part occulte de l’Etat, ignorée du monde académique, que l’universitaire Sébastien-Yves Laurent tente de décrire dans son ouvrage Etat secret, Etat clandestin : essai sur la transparence démocratique (Gallimard, 360 pages, 22,50 euros). Selon lui, cette dimension secrète des affaires de l’Etat perdure même si elle est de plus en plus contestée, à l’heure de la « transparence » et de l’avancée des principes démocratiques.
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Historien de profession, l’auteur centre son propos sur la France en s’appuyant sur les cas britannique et américain pour mieux en souligner les spécificités. La notion d’Etat secret naît, dit-il, dans le domaine du renseignement diplomatique. Puis le sceau du secret s’est étendu à l’ensemble des fonctions régaliennes, de même que sur les délibérations gouvernementales et la statistique. L’Etat médiéval organisait déjà le secret, notamment sur ses finances, un dogme que les révolutionnaires, dès 1791, ont voulu contester.
Selon l’auteur, le premier tournant historique sur la place du secret au sein des machines étatiques remonte au siècle des Lumières. La révolution des idées remet en question l’organisation sociale, institutionnelle et politique et le secret qui y est attaché. L’idéologie libérale, qui progresse peu à peu en Europe, change la donne en matière de publication des jugements, de débats parlementaires. C’est aussi l’heure de la liberté de la presse et de la formation de l’opinion publique.
Une part d’ombre assumée
Mais plus l’Etat se renforce, plus sa part de secret grandit. La cour de Charles VI compte, entre 1380 et 1420, de six cents à sept cents personnes, alors que celle de Louis XIV en recense dix mille. Aux XIXe et XXe siècles, l’explosion démographique et industrielle ainsi que les troubles en Europe conduisent les gouvernements à se doter de véritables appareils de renseignement qui deviennent l’incarnation de l’« Etat secret ». Les Etats veulent prévenir les risques et entraver les menaces. Les démocraties font vivre, en leur sein, une part d’ombre assumée par les pouvoirs exécutif et législatif.
Pour préserver ses secrets, l’Etat suit, voire anticipe, les évolutions technologiques. L’entrée dans l’ère nucléaire le conduit à hausser le niveau de secret dans le domaine scientifique. Le terrorisme est un autre tournant, qui convainc les gouvernements de modifier la nature du droit au profit du secret. L’Etat se protège avec le droit avant de protéger le droit.
Le secret protégeait l’Etat. Désormais, il défend « les intérêts fondamentaux de la nation », concept flou qui conforte le pouvoir exécutif. Marc Guillaume, alors directeur des affaires juridiques au ministère de la défense, écrivait, en 1996 : « Le secret de la défense nationale ne met pas en danger l’Etat de droit. » Un jugement relatif selon les pays. Si les Etats-Unis légifèrent dès 1947, la France, elle, attend 2015 pour inscrire dans la loi l’existence des services secrets et les moyens qui lui sont alloués.
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L’objet d’étude de cet ouvrage est vertueux, car il constitue l’un des rares champs académiques encore à conquérir. C’est sans doute pour cette raison qu’à son terme le lecteur peut regretter que le cœur du sujet soit finalement esquivé. Outre un style ampoulé qui dessert la science du propos, cette tentative de théorisation de l’Etat secret s’attarde sur l’histoire ancienne et achoppe sur le refus de se confronter à la société d’aujourd’hui, comme si l’auteur se soumettait à l’obligation de secret qu’il se propose pourtant de penser.
Tenir le débat public à distance
De plus, en réduisant la démocratie à la transparence, il s’interdit de traiter le secret en tant qu’objet de rapport de force entre Etat et sphère démocratique. Ce n’est pas que la soif de transparence qui s’oppose au secret, mais aussi une volonté de responsabilisation des citoyens sur le partage de décision. Car, en France, cette « culture de la dissimulation et du secret » ne vise pas qu’à protéger des activités sensibles de l’Etat. Elle est aussi un moyen de tenir à distance ce qui fait une démocratie : le débat public. Le « secret-défense » demeure un moyen d’échapper aux regards des élus, des juges et de l’opinion.
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L’auteur aurait pu mener un travail critique sur le chemin chaotique de l’encadrement du renseignement en France, et ainsi illustrer la tension constante existant entre secret et société ouverte. Malheureusement, il paraît refuser la question qui fâche, celle de l’abus de secret. Il ne dit mot de la plate-forme multimodale (PTM) qui héberge, à la DGSE, les moyens de surveillance de masse en France, et dont la construction, à partir de 2008, s’est faite à l’insu du Parlement, jusqu’à la loi sur le renseignement de 2015.
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Le retard de la France en matière de contrôle démocratique du renseignement est, en effet, criant. De plus, notre pays n’est pas qu’un cancre dans ce domaine, il assume l’illégalité de son système en attendant d’y être contraint, alors que les juridictions européennes ont déjà tracé les limites du droit en la matière. Pour mieux saisir les raisons d’une telle arrogance, peut-être aurait-il fallu davantage creuser les spécificités de la religion d’Etat à la française.
« Etat secret, Etat clandestin : essai sur la transparence démocratique », de Sébastien-Yves Laurent, Gallimard, 360 p., 22,50 €, numérique 16 €.