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« ENTRE GOOGLE ET LA LIBERTÉ DE LA PRESSE, IL FAUT CHOISIR »

L’Autorité de la concurrence a infligé en 2021 une amende de 500 millions d’euros GOOGLE.

L’Autorité relève « l’exceptionnelle gravité » des manquements de Google à ses obligations. Force est de constater que ce dernier ne recule devant rien

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Entre Google et la liberté de la presse, il faut choisir

Par Etienne Gernelle Publié le 13/07/2021 LE POINT

Le ton est celui d’une autorité juridique, posé et précis. Mais le constat est implacable. Dans un document de 132 pages, l’Autorité de la concurrence détaille les méthodes de Google pour continuer de s’enrichir aux dépens de la presse. La lecture de ce texte est édifiante. L’Autorité relève « l’exceptionnelle gravité » des manquements de Google à ses obligations. Force est de constater que ce dernier ne recule devant rien. Explications.

En indexant les articles de journaux, Google conforte son statut de porte d’accès numérique incontournable, ce qui est le fondement de son vrai métier : les data. Son quasi-monopole lui permet de qualifier les « profils » des internautes de manière incomparable, et ainsi d’écraser le marché de la publicité, notamment sur les téléphones mobiles que nous utilisons tous les jours.

En résumé : les journaux payent les journalistes, les Gafa en tirent les bénéfices. Tant pis pour le journalisme de qualité (qui coûte cher, et la publicité contribue à ses ressources), le pluralisme, et donc pour la démocratie. En réponse, l’Union européenne (qui a été ici d’une précieuse lucidité) a adopté, en 2019, grâce notamment au combat de Jean-Marie Cavadaune directive sur les droits d’auteur instituant le principe d’un « droit voisin », soit une rémunération des éditeurs par les grandes plateformes. La France, sous l’impulsion, entre autres, du sénateur David Assouline, a transposé la première cette directive en droit français. Mais qui imaginait que l’empire Google allait se plier à la loi de notre petite République ?

Il a alors multiplié les manipulations, diversions et manœuvres dilatoires, montrant son âpreté au gain et son cynisme autant que son mépris pour les institutions françaises. Nous y reviendrons ici, cette histoire, que nous avons vécu de l’intérieur, vaut la peine d’être racontée tant elle est inquiétante, et ce bien au-delà de la presse.

Un piège bien tendu…

En résumé, la firme de Mountain View a d’abord fait chanter les journaux en les menaçant d’un déréférencement partiel (les articles auraient été rendus moins visibles) s’ils ne lui accordaient pas une licence gratuite. Puis, rappelée à l’ordre par l’Autorité de la concurrence, elle a proposé des « deals » de son cru, nous faisant passer, pour faire court, d’un esclavage à un autre, moyennant quelques aumônes. Certains journaux ont signé, souvent parce qu’ils pensaient alors ne pas avoir le choix, ou parce qu’ils avaient besoin d’argent. Le piège était bien tendu…

Le Point n’a jamais rien cédé. Il poursuivit toutes les procédures (1), et a mené en première ligne ce combat, en compagnie notamment de Marianne et Elle (groupe CMI), et du groupe Bayard (La Croix, entre autres). Le Syndicat des éditeurs de la presse magazine (SEPM), avec son président Alain Augé, a également été ferme et courageux. Qu’ils en soient remerciés.

Face au Léviathan, il faut s’unir

Et maintenant ? La décision de l’Autorité de la concurrence rebat les cartes. Les « deals » individuels négociés par Google avec certains éditeurs, utilisant ses moyens de pression, sont, pour ainsi dire, caducs. Face au Léviathan, il faut s’unir. Pour négocier efficacement avec ce géant sans scrupule, le SEPM (dont Le Point est membre) a annoncé la création d’un organisme de gestion collective, en collaboration avec la Sacem, le grand spécialiste des droits de la musique. Cette dernière, dirigée par Jean-Noël Tronc, nous apportera évidemment son savoir-faire en la matière. Le nouvel organisme sera bien évidemment ouvert à tous les journaux. Jean-Marie Cavada, l’un des pères fondateurs du « droit voisin », pourrait y jouer un rôle central. L’union fera notre force, et la liberté de tous.

Que l’orgueilleux monopole californien sache que nous l’attendons de pied ferme, lui et ses coups tordus. Nous ne lâcherons rien.

(1) François Claverie, notre vice-président, est intervenu lors de l’audience devant l’Autorité de la concurrence

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