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UN DÉBAT PUBLIC TWITTERISÉ

1. ARTICLE

La dangereuse «Twitterisation» du débat public

Par Marie-Catherine Beuth L’OPINION 26 juillet 2020 à 19h20

Il y a une dizaine d’années, quand Twitter n’était encore qu’un site de microblogging confidentiel utilisé par 200 000 personnes en France, il était considéré comme le meilleur réseau social pour découvrir ceux que vous vouliez apprendre à connaître. C’est de moins en moins vrai. Au contraire, Twitter semble être devenu le plus redoutable des outils pour attaquer tous ceux que l’on souhaiterait voir disparaître. Grâce à un solide triptyque : effet de meute, refus de la nuance et prime à l’émotion, qui en font une spectaculaire arme de déstabilisation passive, où quelques retweets paresseux servent de munitions pour écraser les discussions.

Cette mécanique est si efficace que même ceux qui en sont les victimes ne peuvent s’empêcher d’y avoir recours lorsqu’il s’agit de faire tomber un adversaire. Elle est si efficace que certains ne résistent plus, non plus, à la tentation de l’importer dans le monde réel.

Effet de meute, refus de la nuance et prime à l’émotion, au détriment du débat public, de la diversité de vues et du processus démocratique. C’est ainsi qu’à Paris deux élues féministes soutenues par EELV ont poussé un adjoint au maire vers la sortie et la majorité de la capitale au bord du précipice . C’est aussi ce que visent les individus qui crient « sale violeur » quand Gérald Darmanin rend hommage au père Hamel à Saint-Etienne-du-Rouvray : tout déplacement du Ministre de l’Intérieur est devenu un appeau à trolls.

Bien sûr, il ne s’agit pas de remettre en cause la liberté de manifester ou d’expression dont ces activistes bénéficient. On ne peut que redouter cette « twitterisation » du débat public. Quand la morale l’emporte sur le droit, la certitude sur la réflexion, l’oblitération sur l’explication, elle ne peut mener qu’au pire.

2. ÉMISSION

Pour oublier la twitterisation du débat intellectuel

Jeudi 29 novembre 2018 FRANCE CULTURE

Twitter est le lieu où les échanges sont si bruyants qu’ils couvrent finalement toute possibilité de parole authentique, où le règne de la mauvaise foi est absolu. La découverte d’un recueil de correspondances rappelle que la polémique peut s’inscrire dans une dramaturgie de la sincérité.

Aujourd’hui je voudrais revenir sur l’état du débat intellectuel, pour évoquer un phénomène inquiétant, qu’on pourrait appeler la crise de la sincérité. Cette crise coïncide avec le déchaînement du bruit, d’un bruit si véhément qu’il interdit toute parole authentiquement adressée. En l’espèce, les réseaux sociaux et leurs puissants hauts-parleurs servent seulement d’amplificateur. Sur Twitter, la mauvaise foi fait écho à la mauvaise foi, on ne s’entend plus et, accoutumés à ce vacarme, nous le remarquons à peine. Sauf quand, par miracle, au milieu du brouhaha, un dialogue fait comme effraction, une voix se fraye un chemin vers une autre voix.

« À l’écoute du son des âmes »

Ce sentiment d’exception, je l’ai éprouvé, tout récemment, non pas en me connectant à Twitter mais en ouvrant un livre, en occurrence la belle correspondance publiée par les éditions du Cerf sous le titre Un catholique n’a pas d’alliés. Ce volume rassemble des lettres signées François Mauriac, Paul Claudel, Georges Bernanos et Jacques Maritain. Quatre écrivains ayant en commun une même façon de se mettre, justement, « à l’écoute du son des âmes », selon l’expression qu’utilise l’admirable Raïssa Maritain, épouse du philosophe Jacques Maritain – lequel joua, comme vous le savez, un rôle de sentinelle politique parmi les intellectuels catholiques, en particulier durant l’entre-deux-guerres. C’est cette haute figure qui se tient au centre de la correspondance, les trois autres auteurs gravitant autour de Maritain, de ce « doux Maritain », auquel ils expédient des mots qui, eux, ne sont pas toujours très doux.

Une tendre frontalité

Car sincérité ne signifie pas mièvrerie. Au contraire, c’est parce que l’échange de lettres fonde un lieu de franchise qu’il exige une tendre frontalité. Surtout quand vient l’heure de trancher dans le vif de l’histoire. Or la période qu’embrasse cette correspondance est scandée par les choix douloureux, autour de l’Action française, de la guerre d’Espagne et de la Seconde Guerre mondiale. 

Mais Maritain se tient sans cesse au-dessus de la mêlée, malgré les coups reçus. Dans un courrier à Mauriac, par exemple, il écrit à propos de Bernanos :

Ses calomnies même me laisseraient assez indifférent, si je ne souffrais de la peine très profonde qu’elles ont faite à Raïssa, et de ce sentiment très particulier d’éprouver qu’on est l’objet d’une haine profonde et vivace. Ça fait un drôle d’effet, surtout à un philosophe que son état porte à essayer tout de suite d’entrer, pour le mieux comprendre, dans l’esprit de l’objectant.

Une dramaturgie de la sincérité

Voilà. Cette obstination à comprendre n’implique nulle complaisance mais plutôt une intraitable bienveillance, comme on le vérifiera en lisant cette correspondance. S’y plonger, c’est redécouvrir un théâtre épistolaire qui ancre la scène polémique dans une dramaturgie de la sincérité. C’est redécouvrir, surtout, des lettres qui n’ont pas seulement valeur de trace historique, mais qui peuvent réarmer spirituellement, ici et maintenant, quiconque répugne à la twitterisation du débat intellectuel.

LIEN

La Chronique de Jean Birnbaum

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