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 » LE DERNIER PRÉSIDENT  » POINT DE VUE

« Le débat sur les institutions est engagé. Et si l’on revenait tout simplement à la Constitution de 1958 ? »

La V e  République a perverti la pratique du pouvoir en marginalisant tout ce qui n’est pas du ressort direct du chef de l’Etat, regrette Gaspard Koenig, qui propose de revenir aux institutions de 1958, avec un président arbitre.

Un débat politique réduit à un jeu de télé-réalité survivaliste

Il observe que la hiérarchie traditionnelle entre pouvoir législatif et exécutif s’est inversée, réduisant le débat politique à un jeu de télé-réalité survivaliste.

« L’élection présidentielle au suffrage universel devait donner à ses médiocres successeurs un semblant de la légitimité que l’histoire lui avait confiée. Le résultat est au-delà de ses espérances : les partis sont pulvérisés et ne servent plus que de marchepieds (et de véhicules de financement) à des aventuriers sans doctrine. » écrit il.

La V e  République a perverti la pratique du pouvoir en marginalisant tout ce qui n’est pas du ressort direct du chef de l’Etat, regrette Gaspard Koenig, qui propose de revenir aux institutions de 1958, avec un président arbitre.

ARTICLE

LE DERNIER PRÉSIDENT

Par Gaspard Koenig (philosophe et fondateur du think-tank GenerationLibre) Publié le 11 oct. 2022 LES ECHOS

Lors d’un colloque organisé la semaine dernière par l’Institut de France, deux anciens présidents de la République ont planché sur la réforme des institutions. Pour François Hollande, il faudrait instaurer un régime présidentiel complet, à l’américaine, afin d’éviter toute dualité au sein du pouvoir exécutif. Pour Nicolas Sarkozy, aucune modification de la Constitution ne semble aujourd’hui réaliste. Quant à l’actuel tenant du titre, il s’est engagé lors de sa campagne à convoquer une « convention transpartisane » sur le sujet, tout en réaffirmant d’emblée le principe d’un « exécutif fort » pour « décider vite, fort et clair ». En résumé : Hollande veut changer en pire, Sarkozy ne veut rien changer et Macron aimerait faire semblant de changer.

Autant demander au loup comment garder le troupeau. De manière assez naturelle, aucun président n’est enclin à remettre en cause le principe de son propre pouvoir : l’élection au suffrage universel. C’est pourtant à mes yeux le vice de notre système démocratique depuis le référendum convoqué par le général de Gaulle en 1962, qui a substitué le peuple tout entier au collège de grands électeurs établi par la Constitution de 1958. La grande tâche de la nation, éternellement recommencée et fatalement ratée, est alors devenue de se trouver un sauveur.

La fantasmagorie de l’incarnation

La fonction démocratique de la délibération citoyenne, en direct ou par le biais d’assemblées représentatives, a ainsi été balayée par la fantasmagorie de l’incarnation. La hiérarchie traditionnelle entre pouvoir législatif et exécutif (censé « exécuter » les décisions du premier, comme son nom l’indique) s’est inversée, réduisant le débat politique à un jeu de télé-réalité survivaliste. Il ne faut pas chercher ailleurs la crise de la participation démocratique.

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Il serait trop facile de blâmer le personnel politique actuel, qui ne serait pas au niveau du père fondateur. De Gaulle avait précisément cette situation en tête lorsqu’il exposa son projet de révision constitutionnelle : « Si ce mode de scrutin ne pouvait, non plus qu’aucun autre, fixer mes responsabilités à l’égard de la France, […] la question serait très différente pour ceux qui, n’ayant pas nécessairement reçu des événements la même marque nationale, viendront après moi, tour à tour, prendre le poste que j’occupe à présent. » Autrement dit, l’élection présidentielle au suffrage universel devait donner à ses médiocres successeurs un semblant de la légitimité que l’histoire lui avait confiée. Le résultat est au-delà de ses espérances : les partis sont pulvérisés et ne servent plus que de marchepieds (et de véhicules de financement) à des aventuriers sans doctrine.

Revenir aux institutions de 1958

Pourquoi évite-t-on si soigneusement de remettre en cause une telle logique plébiscitaire ? Déjà Raymond Aron, s’opposant par principe à toute résurgence du bonapartisme, s’était résigné à cette élection qui semblait redonner aux électeurs le goût de la politique. Or, rien n’est moins sûr. En 1962, moins de la moitié du corps électoral approuva la réforme du Général. Et aujourd’hui, un sondage Ifop/GenerationLibre livre des résultats surprenants : 82 % des Français considèrent que l’élection présidentielle repose trop sur des personnes et pas assez sur des idées ; 73 % sont mécontents du déroulement de la dernière campagne ; et 60 % seraient même favorables à remplacer l’élection présidentielle au suffrage universel par des « formes démocratiques plus participatives » !

Rappelons avec l’historien Jean Garrigues que le plus long régime de l’histoire de France postrévolutionnaire, la IIIe République, était de nature intégralement parlementaire ; qu’il a pourtant su instituer les grandes libertés républicaines ; et que les citoyens n’étaient pas durant toutes ces décennies à la recherche désespérée d’un prince. Ils vivaient leur vie, et ils la vivaient plutôt bien, entre Belle Epoque et « roaring twenties ».

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Je ne propose pas d’épuiser l’énergie du pays dans une Constituante incertaine, mais a minima de revenir aux institutions équilibrées de 1958, avec un président arbitre, clé de voûte des institutions et non acteur ambigu du jeu politique. Ainsi le Parlement serait-il contraint de prendre au sérieux le jeu des alliances et des compromis, sans se projeter d’emblée dans la prochaine présidentielle. Ainsi les réformes deviendraient-elles possibles, alors que le présidentialisme bloque l’action politique, un paradoxe que Jean-François Revel avait qualifié d’« absolutisme inefficace ». Il faudrait à cette fin un contre-référendum, qui reste globalement la prérogative du président… Mon seul et mince espoir est que Jupiter ne résiste pas à la tentation d’être le dernier.

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2 réponses »

  1. Conformément à l’article 5 de la Constitution du 4 octobre 1958, le président de la République veille au respect de la Constitution. Il assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l’État […].
    Cet article définit six missions, mais la mission la plus importante ici est celle de l’arbitrage. Chacune de ces missions trouve un écho et une mise en œuvre dans d’autres dispositions de la Constitution (à l’exception de l’article 17 sur le droit de grâce), qui se rattachent toutes, directement ou indirectement, à l’une des mentions de l’article 5.
    À première vue, on pourrait dire que l’article 5 est intrinsèquement sans portée dans la mesure où l’on considère qu’une mission n’a de réalité qu’à l’aune des moyens qui permettent de l’accomplir. Mais, en réalité, cet article a une grande signification puisqu’il définit le rôle présidentiel.
    D’ailleurs le Conseil constitutionnel s’est référé aux missions de l’article 5 comme à autant de principes de valeur constitutionnelle, ainsi qu’en témoignent les décisions 79-111DC du 30 décembre 1979, ou encore lorsqu’il invoque l’indépendance nationale dans sa décision 86-207DC du 26 juin 1986, ou encore lorsqu’il juge, en rapprochant l’article 5 et l’article 16 de la Déclaration de 1789, que le principe de la séparation des pouvoirs s’applique à l’égard du président de la République (cf. 2011-192QPC du 10 novembre 2011).
    En langage simple, l’article 5 de la Constitution confère le rôle d’arbitre au président de la République. Ce qui revient à dire que la mission d’un président est d’apaiser le peuple et de le rassembler.
    C’est à juste titre que le 46e président des États-Unis @Joe Biden avait rappelé lors de sa cérémonie d’investiture : « Le désaccord ne doit pas mener à la désunion. La démocratie, c’est écouter, être tolérant et respecter le point de vue de l’autre. Il faut défendre la vérité et défaire le mensonge. »
    In fine, un chef d’État conscient du rôle qu’il incarne sait dissocier sa personnalité de la fonction présidentielle. Il reconnaît que la critique tout comme les libertés d’opinion et d’expression sont consubstantielles à l’existence même d’une société démocratique. La démocratie est un régime du savoir, de la compréhension, des débats contradictoires, des consensus, etc.
    @Anne BRUNET

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  2. Bonjour, Thierry,Peut être faudrait il cesser de penser global et de revenir à une réalité locale, ici et maintenant… C’est là que le monde se reconstruit et penser en communalisme. Je revient à Murray Bookchin et à son municipalisme libertaire. Tenter de conserver les états nation est une pierre à nos cous. https://jmsauret-managerconseil.blogspot.com/search/label/Le%20municipalisme%20libertaire%20-%20une%20solution%20d%C3%A9j%C3%A0%20en%20marche ien amicalementJean-Marc

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