
« Ocean Viking : comment Macron se fait à nouveau piéger sur le terrain de l’immigration «
TITRE L’EXPRESS QUI POURSUIT ( Eric Mandonnet 14/11/2022 ) :
Le président, critiqué même par son premier ministre de l’Intérieur, est rattrapé par les contradictions de sa pensée et les limites de sa méthode.
« A l’époque, il avait hésité. En 2018, Emmanuel Macron se demande s’il doit accueillir à Marseille l’Aquarius et ses 630 migrants. Son ministre de l’Intérieur, Gérard Collomb, menace déjà de mettre la clé sous la porte. Il passe un week-end au téléphone avec le président, pour l’empêcher de craquer, pour le dissuader d’accepter. Le navire est finalement accueilli en Espagne, les discussions se poursuivent néanmoins autour de l’accueil des réfugiés.
« Pendant le mois d’août, Gérard Collomb observe que le sujet, qui relève de sa compétence, est passé entre les mains de l’Elysée, où il redoute certaines influences, par exemple à la cellule diplomatique – Alice Rufo fait ainsi entendre une sensibilité qui n’est pas la sienne. Faut-il ouvrir un hotspot, un centre fermé, dans l’Hexagone ? Dans Le Point, dimanche, Gérard Collomb affirme même : « Si je laisse se réaliser l’installation de ce centre de contrôle, je me sentirai plus tard responsable des actes qui pourraient entraîner la mort de personnes. C’est pourquoi, deux jours plus tard, je décide de démissionner. »
« Réécriture de l’histoire ? Ce qui est certain, c’est que le premier ministre de l’Intérieur de la présidence Macron n’a cessé de se heurter aux ambiguïtés de la majorité présidentielle, et d’abord de son chef, dès lors qu’il s’agit d’immigration. Et qu’une démission l’a titillé plusieurs fois : quand il peine à faire passer sa circulaire qui doit permettre aux agents de l’administration de se rendre dans les centres d’hébergement pour migrants afin de les recenser ; quand le groupe LREM le convoque quasiment à une réunion de groupe pour lui dire tout le mal qu’il pense de sa loi asile immigration. « Je croyais qu’Emmanuel Macron était mon meilleur ami, finalement j’étais peut-être le dernier des naïfs », confiera Gérard Collomb dans La nuit tombe deux fois, de Corinne Lhaïk et Eric Mandonnet (Fayard, 2022). «
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« Ocean Viking » : Emmanuel Macron, canard boiteux de l’Europe »
TITRE LE POINT (Luc De Barochez. Publié le 15/11/2022 ) qui poursuit :
« Après Berlin, Rome : Paris est brouillé avec ses deux principaux partenaires au sein de l’UE. Sa marge de manœuvre s’en ressent.
« On dit Emmanuel Macron morose depuis qu’il a perdu sa majorité à l’Assemblée nationale il y a cinq mois. Son bras de fer avec l’Italie autour du navire humanitaire Ocean Viking n’a pas dû éclaircir son humeur. L’épisode a révélé combien le chef de l’État incarne désormais sur la scène européenne ce que les Américains appellent un canard boiteux (« lame duck »), c’est-à-dire un dirigeant politique devenu trop faible politiquement pour imposer ses desseins.
« Après la brouille avec Olaf Scholz, la dispute avec Giorgia Meloni : pour un président de la République qui a tant voulu attacher son nom à la cause européenne, la mésentente avec l’Allemagne et l’Italie, les deux principaux partenaires de la France au sein de l’Union, sonne comme un double revers mortifiant.«
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« Emmanuel Macron accueille l’Ocean Viking : le piège de l’émotion, le bal des hypocrites »
TITRE MARIANNE SUI POURSUIT ( 13/11/2022 ) :
« Alors que la France a finalement accueilli le navire de l’ONG SOS Méditerranée, Gérard Collomb, ancien ministre de l’Intérieur, a fait savoir dans un tweet vendredi qu’il jugeait cette décision désastreuse et propre à créer un précédent.
« Emmanuel Macron s’est lui-même piégé. Accueillir l’Ocean Viking dans un port français, cela signifie créer un précédent redoutable. Et tout le monde, dans cette histoire, fait preuve d’une totale hypocrisie. »L’homme qui parle ainsi fut un macroniste de la première heure. Il fut surtout ministre de l’Intérieur. Et quand il démissionna, Gérard Collomb, au moment de passer le relais à son successeur, eut cette phrase, qui sonnait comme un avertissement : « Aujourd’hui, on vit côte à côte, je crains que demain, on vive face à face. »
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ARTICLE – EXTRAIT
Immigration : le gouvernement pris au piège de sa rhétorique
La France a un taux d’exécution des obligations de quitter le territoire plus faible que ses voisins, parce qu’elle les délivre plus systématiquement. Le gouvernement continue pourtant à les présenter comme un baromètre d’efficacité.
En octobre 2019, Emmanuel Macron, dans un entretien à l’hebdomadaire d’extrême droite Valeurs actuelles, est interrogé sur son objectif d’exécution des obligations de quitter le territoire français (OQTF). Le président affirme qu’il veut « sortir tous les gens qui n’ont rien à faire là ». « Combien ? », insiste le journaliste. Réponse : « 100 %. »
Trois ans se sont écoulés et, selon les derniers chiffres du ministère de l’intérieur, seules 8,25 % des OQTF prononcées en 2021 ont été exécutées. Une année marquée par des difficultés de transport liées à la pandémie.
Alors que le meurtre de Lola, 12 ans, dont la principale suspecte est une femme algérienne visée par une OQTF non exécutée, a relancé le débat, le gouvernement est pris au piège de sa promesse et d’une rhétorique qu’ont forgée avant lui d’autres gouvernements.
Comme l’écrivait, en 2015, le sénateur Les Républicains (LR) François-Noël Buffet, dans un rapport sur le droit des étrangers en France, « avant les années 1980, l’éloignement des étrangers (…) était principalement justifié par des motifs d’ordre public ». Puis, « les conditions progressivement instaurées pour accéder au territoire français ont nécessité de développer un instrument plus adapté pour procéder à l’éloignement d’étrangers en situation irrégulière, sans considération d’atteinte à l’ordre public ». Les éloignements ont donc progressivement concerné tous les sans-papiers et sont devenus une sorte de gage de fermeté des politiques migratoires. De nombreux textes réglementaires et législatifs ont tenté d’améliorer leur efficacité.
Accusations d’impuissance
La loi sur l’immigration de 2006, défendue par Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’intérieur, a ainsi créé l’OQTF pour permettre l’éloignement contraint d’un étranger à la suite d’une simple décision de refus ou de retrait d’un titre de séjour, de rejet d’une demande d’asile ou de contrôle sur la voie publique.
La délivrance des OQTF de façon quasi systématique dans ces cas alimente les accusations d’impuissance. « La France édicte beaucoup plus de mesures qu’elle ne peut exécuter », souligne, pour sa part, Mélanie Louis, de la Cimade. Sur les dix dernières années, leur taux d’exécution n’a franchi qu’une fois 20 %. Cela n’a pas dissuadé les gouvernements de prononcer toujours plus d’OQTF. D’après un autre rapport sénatorial de M. Buffet, leur nombre est passé de 60 000, en 2011, à près de 122 000, en 2021.
Lire aussi : Faible taux d’éloignement des étrangers : pourquoi les OQTF sont difficiles à exécuter
La France est l’un des pays d’Europe les plus prolifiques en mesures d’éloignement. Mais elle en exécute proportionnellement peu : 14,3 % en 2019, selon cette même étude sénatoriale, basée sur des données Eurostat. La même année, la Grèce en a délivré 58 000 et exécuté 21,4 %, l’Espagne 38 000 (32,6 %), l’Italie 27 000 (24,1 %), le Danemark 4 000 (51,8 %) et l’Allemagne 47 530 (53 %).
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