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ET SI LA COUR DE JUSTICE RENOUAIT AVEC SA VÉRITABLE MISSION

Juger des infractions pénales dans le cadre de politiques publiques

Si la mise en examen de l’ancienne ministre de la santé Agnès Buzyn pose de nombreuses questions, grâce à cette affaire, la CJR pourrait bien renouer avec sa véritable nature, juger des infractions pénales dans le cadre de politiques publiques, estime le professeur Thomas Clay dans une tribune au « Monde ».

ARTICLE Extrait

« Dans les affaires que la Cour de justice de la République a eues à traiter, seules celles du sang contaminé et de la pandémie de Covid-19 entrent dans sa mission épurée »

Thomas Clay juriste LE MONDE

L’affaire est entendue : la Cour de justice de la République (CJR) est une anomalie démocratique, héritage d’un autre temps où l’on pouvait se bâtir une juridiction sur mesure, plus soucieuse de sauvegarder les intérêts personnels que de défendre l’intérêt public. Chargée, selon la Constitution, de juger les actes qualifiés de crimes ou les délits commis par les membres du gouvernement dans l’exercice de leurs fonctions, la CJR est surtout un cimetière pour les affaires sensibles.

Juridiction politique par essence, « la CJR politise la justice et judiciarise la politique », selon la formule de l’ancien ministre André Vallini, qui en avait été membre. Elle est composée de trois magistrats, encadrés par douze parlementaires, lesquels sont élus sans que la moindre aptitude juridique soit requise, et selon des critères de représentation politique qui ont peu à voir avec la recherche de la rectitude juridique ni avec la quête de justice. Depuis sa création en 1993, cette juridiction s’est prononcée seulement à huit reprises et n’a prononcé que des peines dérisoires, voire des dispenses de peines à ceux qu’elle a pourtant elle-même reconnus coupables.

Cependant, malgré cette mansuétude de la CJR, la mise en examen d’Agnès Buzyn suscite un malaise. Celui-ci tient en premier lieu à la représentation que l’on se fait de cette juridiction qui a condamné les ministres ou secrétaire d’Etat Charles PasquaMichel Gillibert ou encore Kader Arif pour des délits financiers. Le fait que l’ancienne ministre de la santé soit à ce jour la seule personne poursuivie pour la gestion de la pandémie de Covid-19 ajoute à la gêne.

Seule à devoir s’expliquer

Une gêne avivée quand on découvre les alertes que Madame Buzyn a lancées dans l’indifférence de ses chefs et alors qu’on sait combien, en France, le pouvoir s’exerce verticalement, à partir du sommet. Pourtant ni l’ancien premier ministre Edouard Philippe, qui a simplement été placé le 18 octobre sous le statut de témoin assisté, ni le président de la République qui bénéficie, lui, d’une immunité quasi-totale pour les actes commis dans l’exercice de ses fonctions, ne seront inquiétés. Madame Buzyn est donc pour l’instant seule à devoir s’expliquer sur le rôle de l’exécutif pendant la pandémie, elle qui a pourtant quitté ses fonctions le 14 février 2020, soit plus d’un mois avant le premier confinement.

La suppression de la CJR a certes été maintes fois promise par les candidats à l’élection présidentielle. Mais les engagements de campagne se heurtent ici à une somme d’intérêts à protéger, lesquels trouvent des soutiens sur tous les bancs du Parlement. Le consensus pendant les campagnes électorales pour la suppression de la CJR n’a ainsi d’égal que celui de ne pas y procéder aussitôt les élections passées.

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