
« Elon Musk, Bill Gates… « Il faut imaginer des moyens de contrôler la propension de milliardaires à se substituer aux Etats »«
TITRE LE MONDE QUI POURSUIT (Philippe Bernard) :
« Grâce à leur puissance financière, Elon Musk et Bill Gates multiplient les initiatives sur les plans géopolitique, sanitaire, climatique, affaiblissant par là même les démocraties et les organisations internationales, explique dans sa chronique Philippe Bernard, éditorialiste au « Monde ».
« Ils se croient les maîtres du monde, mais personne ne les a élus. Ce ne sont pas des dictateurs et ils nous prient de les nommer « bienfaiteurs ». De Carnegie aux Rockefeller, le poids des grands philanthropes américains n’est pas nouveau. Mais leurs successeurs du XXIe siècle ont des ambitions mondiales, voire interplanétaires, et ne s’embarrassent pas de morale. Surtout, ils déploient leur pouvoir dans un monde livré à la puissance des réseaux sociaux, où les Etats démocratiques et les organisations internationales sont affaiblis.
« Le plus problématique est aussi le plus riche de la planète : Elon Musk ne se contente pas d’être le patron de Tesla, dont la valorisation dépasse celle de tous les autres constructeurs automobiles réunis, et de diriger SpaceX, partenaire incontournable du Pentagone et de la NASA. L’homme, à la fortune estimée à 220 milliards de dollars (soit autant en euros) selon le magazine Forbes, se pique de géopolitique, et il en a les moyens. Connectés à plus de 2 200 satellites de son réseau Starlink, les 25 000 terminaux qu’il a livrés gratuitement à l’Ukraine assurent les communications civiles et militaires du pays aux infrastructures ravagées. Ils permettent tant de guider les missiles vers les cibles russes que de maintenir en fonctionnement hôpitaux et banques. Mais la versatilité du bienfaiteur de l’Ukraine, son possible double jeu font frémir.
« A la mi-octobre, le milliardaire de 51 ans a agité publiquement l’idée selon laquelle il pourrait cesser de financer Starlink en Ukraine, avant de se raviser et de s’en glorifier. « Heureux d’aider l’Ukraine », a-t-il lancé sur Twitter, un réseau dont il a finalement fait l’emplette, jeudi 27 octobre, pour 44 milliards de dollars. Auparavant, il avait déclenché l’ire de Volodymyr Zelensky – et sans doute ravi Vladimir Poutine – en défendant son propre « plan de paix » incluant l’abandon de la Crimée à la Russie par les Ukrainiens.
« Les foucades géopolitiques et les conflits d’intérêts d’Elon Musk – il a proposé de rattacher Taïwan à la Chine, pays où Tesla possède une usine – inquiètent jusqu’aux autorités américaines. De même que la présence d’investisseurs étrangers dans son offre de rachat de Twitter. Les projets du milliardaire pour le réseau social à l’oiseau bleu où il a 110 millions d’abonnés, et dont il veut affaiblir les procédures de modération pour mieux « libérer » l’expression, embarassent. Entre les conceptions libertariennes – libertés individuelles maximales, Etat minimum – d’Elon Musk et les responsabilités internationales que lui donne de facto sa réussite, lui permettant de court-circuiter la diplomatie américaine, le clash est inévitable. »
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« DE QUELQUES MILLIARDAIRES ET DE LEURS CAPRICES »
TITRE ARRET SUR IMAGE QUI POURSUIT :
« Et ne nous soumets pas à la tentation… »
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, ce dessin provocateur de l’Italien Milo Manara, posté apparemment gratuitement par Elon Musk sur son réseau, a un sens. Quand le nouveau propriétaire de Twitter , sur la foi des résultats d’un « référendum » auquel ont participé 15 millions de twittos, a décidé de restaurer le compte de l’ancien président Donald Trump, suspendu après l’insurrection du Capitole le 6 janvier 2021, de hauts cris, dont le mien, se sont élevés pour s’épouvanter de ce plongeon dans une pure dystopie. Or on y était bien, dans la dystopie, mais pas forcément celle que l’on pensait. »
Un geste d’une extraordinaire témérité : coup de tête, impulsion
Tout cela s’est fait sur un coup de tête, une impulsion. Mais, même selon les critères de la Silicon Valley, où l’on a coutume d’engloutir négligemment des milliards dans des projets balbutiants – et comparé au compte en banque d’Elon Musk, qui est bien souvent l’homme le plus riche du monde –, 44 milliards de dollars, c’est quand même un paquet de petite monnaie.
Elon Musk et les autres milliardaires : un pouvoir exorbitant, rivalisant avec les États
Voir l’article proposé ci contre de “The New York Times
L’homme le plus riche du monde s’offre, à titre personnel, une plateforme à 240 millions d’utilisateurs. Le rachat du réseau social est une opération inédite. Elon Musk et les autres milliardaires de la tech sont en train d’acquérir un pouvoir exorbitant, rivalisant dans certains domaines avec les États, s’inquiète “The New York Times”.
Le rachat de Twitter le prouve : les milliardaires n’ont plus de limites
The New York TimesTraduit de l’anglais
Oublions un instant la tragicomédie interminable, les bots, les brusques retournements de situation, le spectacle, le supposé risque pour la république et tout ce qui nous est cher. Ce qu’il y a de plus important au sujet de l’achat de Twitter par Elon Musk, c’est ce qui suit : les magnats sont lâchés.
Autrefois, lorsqu’un patron du secteur de la technologie voulait acheter quelque chose de gros, il lui fallait une entreprise pour le faire. Steve Case avait utilisé AOL pour acheter Time Warner. Jeff Bezos a acquis Whole Foods pour Amazon. Mark Zuckerberg s’est servi de Facebook pour mettre la main sur Instagram, WhatsApp, Oculus et ainsi de suite.
Il n’en va pas de même du rachat de Twitter par Elon Musk, pour 44 milliards de dollars, un rachat enfin devenu réalité le 2 novembre, six mois après qu’il a approuvé le contrat. Cette fois, c’est un homme seul qui s’offre personnellement ce que 240 millions de gens dans le monde utilisent régulièrement. Bien qu’il y ait d’autres investisseurs, Elon Musk exercera un contrôle absolu sur le destin de ce réseau social.
Un geste d’une extraordinaire témérité
Tout cela s’est fait sur un coup de tête, une impulsion. Mais, même selon les critères de la Silicon Valley, où l’on a coutume d’engloutir négligemment des milliards dans des projets balbutiants – et comparé au compte en banque d’Elon Musk, qui est bien souvent l’homme le plus riche du monde –, 44 milliards de dollars, c’est quand même un paquet de petite monnaie.
Et son rachat de Twitter est un geste d’une extraordinaire témérité – preuve qu’il est convaincu de pouvoir à lui seul corriger ce réseau de communication qui a résisté à tous les efforts pour en faire quelque chose de vraiment rentable, une plateforme engluée dans la controverse sur les limites de la liberté d’expression, et ce pratiquement depuis sa fondation en 2006.
Mais si vous avez des milliards de dollars en poche ces temps-ci, il est probable que vous ne manquiez pas non plus de confiance en vous. La fortune d’Elon Musk provient du constructeur de voitures électriques Tesla, dont il a fait l’instrument le plus efficace pour changer le rapport des Américains à l’automobile, mission ardue s’il en est. Chacun de son côté, Elon Musk et Jeff Bezos rivalisent …
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