
Entretien
Lutte contre les discriminations : les contours du plan national dévoilés par la ministre déléguée Isabelle Rome
Publié le 21/01/2023 LA MONTAGNE
Ministre déléguée chargée de l’Égalité femmes-hommes, Isabelle Rome était ce jeudi dans le Cher. Un déplacement pensé autour des enjeux de lutte contre les discriminations, au cœur d’un plan dévoilé fin janvier.
Le 30 janvier prochain, Isabelle Rome, ministre déléguée chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l’Égalité des chances, présentera le plan national de lutte contre les discriminations. Un texte dont elle a livré l’esprit et les piliers à l’occasion de son déplacement à Bourges (Cher).
Vous dévoilez prochainement le plan national de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations. Quels en sont les contours ?
Le racisme et l’antisémitisme sont des fléaux qui minent le lien social. La lutte contre les discriminations est au cœur de l’égalité des chances. C’est pourquoi dès mon arrivée à ce ministère, j’ai demandé à mon cabinet et à la DILCRAH (*) de travailler sur des mesures concrètes. Des travaux ont été lancés en réunissant trente-cinq associations engagées dans la lutte contre le racisme, l’antisémitisme, mais aussi de l’anti-tziganisme. J’ai souhaité que soient intégrées les discriminations liées à l’origine, qui s’exercent à petit feu, et peuvent miner le quotidien, notamment celui d’une jeunesse qui peut se voir couper les ailes. Ce plan se traduira par des mesures concrètes, avec des indicateurs, des objectifs et un suivi. L’idée est bien de nous construire une destinée commune.
Plusieurs axes le structurent : d’abord nommer les choses, car les mots de violence peuvent précéder les actes de violence, mais aussi les mesurer et les qualifier. Car les propos de haine relèvent du délit et non de la liberté d’expression. Les autres piliers seront l’éducation et la formation. Il y a aussi des mesures fortes en termes de sanctions. En termes d’accompagnement, la notion de déclinaison territoriale sera centrale.
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« J’ai l’impression qu’il faut être mort pour faire réagir la justice. » Comment la ministre et l’ancienne magistrate que vous êtes reçoit-elle ces mots de la chanteuse Hoshi, cyberharcelée depuis qu’elle a embrassé une femme sur scène en 2020 ?
Je suis très touchée par sa situation. Il nous faut encore progresser en termes de réponse judiciaire, même si nous avons déjà fait du chemin, notamment avec la création en 2021 du pôle national de lutte contre la haine en ligne. C’est une importante avancée et c’est ce parquet spécialisé qui conduit ce type d’affaires. La lutte contre l’homophobie sera l’objet du prochain plan que nous allons construire d’ici le mois de mai. Ce sera un plan de lutte contre la haine anti-LGBT. Il faudra, là aussi, améliorer les réponses en termes de sanctions et prendre en compte le cyberharcèlement. Le travail mené en matière de prévention, d’éducation doit aussi continuer. Que l’on parle de racisme, d’antisémitisme ou d’homophobie, ce sont toujours des préjugés auxquels nous devons nous attaquer. Et nous les attaquerons. Toujours.
Si nous multiplions les dispositifs de protection, les bracelets anti-rapprochement, les téléphones Grave danger, il faut aussi éviter que les violences soient commises. Pour cela, il est impératif de continuer à travailler sur la prévention et sur l’éducation.Isabelle Rome, ministre déléguée auprès de la Première ministre, chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l’Égalité des chances, à Bourges le 20 janvier 2023
Le nombre de victimes de violences conjugales en France a augmenté de 21 % entre 2020 et 2021. Quelle lecture faites-vous de ces chiffres ?
L’égalité entre les femmes et les hommes est la grande cause renouvelée du quinquennat conformément au souhait du Président de la République. La lutte contre les violences faites aux femmes est une priorité. Depuis le Grenelle des violences conjugales, nous avons beaucoup progressé sur la mise en œuvre de dispositifs d’alerte, de signalements. La prise de parole des victimes a été facilitée et s’est progressivement libérée. Cela doit être pris en compte dans la lecture de ces données. Il peut aussi y avoir une hausse réelle des violences.
Je n’insisterai jamais assez sur le fait qu’il faut les prévenir. Car si nous multiplions les dispositifs de protection, les bracelets anti-rapprochement, les téléphones Grave danger, il faut aussi éviter que les violences soient commises. Pour cela, il est impératif de continuer à travailler sur la prévention et sur l’éducation. Dès le plus jeune âge, la culture de l’égalité doit irriguer la société.
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Quelle forme va prendre l’aide universelle d’urgence votée la semaine dernière par les députés ?
Dans le cadre de sa proposition de loi, la sénatrice (Union centriste, NDLR) Valérie Létard proposait une aide universelle d’urgence sous forme de prêt. J’ai déposé au nom du gouvernement un amendement visant à faire en sorte que cette aide puisse aussi prendre la forme d’un don. Cette aide pourra bénéficier à toutes les victimes, sans conditions de ressources. Le dispositif sera débloqué sous trois jours et permettra aux femmes victimes de partir, de sauver leur peau.
Il s’agit de la première brique du dispositif prochainement mis en place, le « pack nouveau départ », qui permettra un accompagnement global de la victime afin que le départ ne soit pas un faux départ. Cela pourra comprendre un hébergement d’urgence, une allocation, une aide à la formation ou à l’insertion, pour la garde d’enfants, un accompagnement psychologique. Il sera déployé progressivement à partir de quelques territoires afin de l’adapter au mieux, et de le généraliser.
Propos recueillis par Valérie Mazerolle