
La République imaginaire. Tome I. La Renaissance »
Professeur des universités, Blandine Kriegel signe « La République imaginaire. I. La Renaissance » (Cerf), le premier tome de quatre livres consacrés à la pensée politique du XVe siècle au XVIIIe siècle.
Avec ce premier volume érudit et accessible, cette spécialiste de la philosophie politique moderne réveille la Florence du Quattrocento pour mettre en lumière les véritables sources de la « chose publique ». L’occasion de remettre la république au centre de la Cité. Rencontre avec l’une des figures intellectuelles du courant républicain en France.

ARTICLE Extrait
Blandine Kriegel : « Comment nier l’existence d’une crise de la République ? »
Propos recueillis par Rachel Binhas. le 05/01/2023 MARIANNE
Marianne : On convoque très souvent la République. Le terme aujourd’hui est largement utilisé. Quel regard portez-vous dessus ?
Blandine Kriegel : À écouter nos dirigeants politiques, on pourrait croire que nous sommes tous devenus républicains. En réalité, il s’agit d’un phénomène nouveau. Il n’y a pas si longtemps, en France, l’extrême droite et l’extrême gauche dépréciaient la République : « la gueuse » disaient les uns, « un leurre des classes dirigeantes exploiteuses » affirmaient les autres…
Le retour à la République est lié aux révisions intellectuelles provoquées par les grandes catastrophes politiques du XXe siècle : le nazisme et le socialisme soviétique. La réorientation s’est déroulée sur plusieurs décennies. Lorsque dans les années 1970, nous avions, avec mon ami Daniel Lindenberg, essayé, lors d’un colloque au Sénat, de défendre ce retour à la République, un grand sociologue que nous respections tous deux en avait écarté la perspective d’un définitif : « On sait tous que la République, c’est l’oppression des mineurs de Carmaux et la colonie ! » Bref, il y a encore peu de temps, la République n’avait pas bonne presse. On s’intéressait alors à la Révolution sociale ou à la Révolution conservatrice ou, au mieux au libéralisme.
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