
Tout mettre en œuvre pour « rééquilibrer et séparer les pouvoirs »
Déplorant les effets néfastes de la réduction du mandat présidentiel à cinq ans, le politologue Patrick Weil somme les parlementaires, dans une tribune au « Monde », de tout mettre en œuvre pour « rééquilibrer et séparer les pouvoirs ».
ARTICLE
« La concentration des pouvoirs aux mains du président de la République asphyxie la démocratie »
Patrick Weil. Historien et politologue. Publié le 11 janvier 2023 LE MONDE
La Ve République est en crise, et ceux qui ont le pouvoir et la possibilité de résoudre cette crise regardent ailleurs. Pour la première fois dans l’histoire de cette République, un président tout juste élu s’est vu privé d’une majorité à l’Assemblée nationale. Or, c’est précisément pour éviter cette situation que le quinquennat a été institué, en 2000. La France était alors en cohabitation. En 1997, deux ans après son élection à la présidence, les Français avaient envoyé à Jacques Chirac une majorité de gauche à l’Assemblée nationale. Le pouvoir exécutif n’était plus à l’Elysée mais à Matignon, chez le premier ministre Lionel Jospin. Le pouvoir était cependant partagé : le président s’occupait aussi de politique étrangère et de défense, le gouvernement était une équipe de personnalités plurielles que le Parlement contrôlait.
La cohabitation était populaire chez les Français. Le décalage entre la durée du mandat des députés – cinq ans – et celle du président – sept ans – contraignait ce dernier à une élection législative « intermédiaire ». C’était le moment – le seul – où la responsabilité politique du président était soumise au verdict populaire. Les Français avaient trouvé le moyen de contrôler le président et de contrebalancer ses pouvoirs. Un mandat présidentiel plus long que celui des députés permettait aussi au chef de l’Etat de s’élever au-dessus des stricts enjeux de pouvoir partisan et personnel, de mieux incarner l’intérêt national, l’intégrité de l’Etat et les valeurs de la République.
En 2000, nos dirigeants d’alors ont vendu aux Français le fait qu’il était plus démocratique d’élire le président tous les cinq ans plutôt que tous les sept ans. Ils les ont trompés. L’élection législative dans la foulée de l’élection présidentielle, et pour une durée identique de cinq ans, ne visait qu’à garantir un pouvoir sans partage. Dès lors, le président, doté d’une majorité parlementaire, devenait chef direct du gouvernement et des députés, …
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