
ARTICLE
« Gardons la démocratie à l’intérieur des prétoires : ne supprimons pas les cours d’assises ! »
LE FIGARO – Guillaume Leroy est doctorant et enseignant en droit pénal. Il est également responsable du pôle libertés publiques du Cercle Droit et Liberté
Dès le 1er janvier 2024, les jurys populaires en cour d’assises seront remplacés par les magistrats des cours criminelles. Selon le doctorant et enseignant en droit pénal Guillaume Leroy, cette mesure réduit le citoyen à un spectateur et supprime une institution gardienne du «bon sens».
Plus une semaine ne passe sans que le pouvoir exécutif n’offre des preuves de sa défiance à l’égard de la démocratie. Après l’artifice de la Convention citoyenne sur le climat, la chimère du Conseil national de la refondation, le refus catégorique du recours au référendum, une nouvelle digue de notre démocratie représentative pourrait bien sauter dès le 1er janvier 2024. À partir de cette date, les jurys populaires de cour d’assises seront en effet progressivement remplacés par la cour criminelle, composée uniquement de magistrats professionnels.
«Au nom du peuple français». Ces cinq mots, d’une redoutable efficacité, trônent au sommet de toute décision de justice rendue par une juridiction française. D’une clarté inégalée, cette formule résume en elle-même l’essence de la démocratie. Toute décision judiciaire – ou politique d’ailleurs – doit être prise par le peuple (ou ses représentants), en son unique bénéfice. Quoi de plus cohérent que de confier aux citoyens le soin de juger leurs pairs pour les infractions les plus graves ? C’est ce qu’ont considéré les législateurs révolutionnaires en instaurant le jury populaire par une loi des 16 et 21 septembre 1791.
Pourtant, malgré la volonté de mettre fin à l’arbitraire du droit d’Ancien Régime, l’arrivée au pouvoir de Napoléon Bonaparte et la Restauration ébranlèrent les fondements du jury populaire. L’épisode de la Terreur montra tout d’abord que le jury populaire pouvait être instrumentalisé à des fins politiques, ce qui poussa l’Empereur à mettre fin à la souveraineté du jury populaire dans la décision judiciaire et à instiller une présence de magistrats professionnels dans les juridictions de jugement. Dès 1808, le jury populaire ne sera plus seul détenteur des fonctions du juge pénal : la détermination de la culpabilité sera confiée aux citoyens et celle de la peine sera assurée par des magistrats professionnels.
Le jury populaire est le parfait pied-de-nez à une matière juridique qui se complexifie sans arrêt. C’est en un mot : une ode au bon sens.Guillaume Leroy
Néanmoins ce qui devait arriver, arriva : pour éviter que de lourdes sanctions soient infligées par des juges impériaux puis royaux, le jury populaire préférait acquitter l’accusé ou lui reconnaître des circonstances atténuantes fictives, amenant le pouvoir royal à retirer au jury populaire le pouvoir de constater l’existence de circonstances atténuantes, en 1824.