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Déni, résilience, amnésie

Photo de Pixabay sur Pexels.com

BILLET

L’empressement de l’exécutif à nous pousser dans l’après crise

Une crise se clôture par l’ouverture de deux phases : le bilan -c’est à dire le retour d’expérience- et la résilience -prendre pleine conscience pour aller de l’avant-. Peut s’ouvrir ensuite « l’après crise », phase constructive – collective en démocratie.

Plusieurs publications de METAHODOS traitent de ces deux sujets. Le RETEX doit être fait directement par les gestionnaires de la crise, en y associant les parties prenantes internes -ici les services administratifs centraux et territoriaux- et externes . La resilience relève également de la responsabilité des acteurs de la crise qui se basent sur les conclusions du RETEX (aspects posisifs et pistes de progrès) et associent tous les français.

Ces principes s’imposent dans les entreprises et sont en cours de réalisation.

Comment les ignorer en gestion publique…en démocratie ? Pourquoi l’exécutif s’en dispenserait il ?

Les travaux parlementaires sont nécessaires dans le cadre du devoir de contrôle qui revient au pouvoir législatif, mais ils ne sont pas de même nature. Nous y reviendrons.

Sans bilan résilient, le déni et l’amnésie s’installent

Faute de mener à bien ces deux étapes, « l’après crise », dont on nous dit tous les jours que nous y serions entrés, ne conduit il pas au deni et à l’amnesie ?

Les travaux parlementaires, les anlyses universitaires, les réflexions des acteuts de la société, ne peuvent etre complets faute d’avoir engagé ce double mouvement du bilan resilient.

Qu’a t on retenu de la crise du H1N1 ou de celle de 2008 ?

Les réflexions sur l’après covid nous avaient conduit à émettre des avertissements sur le « Rien ne sera plus comme avant ». Les « après crise » conduisent très vite à l’oubi quand un certain nombre d’actions fondamentales ne sont pas conduites. Qu’a t on retenu se la crise du H1N1 ou de celle de 2008 ?

La crise de 2008 et les médias, au Royaume Uni

Concernant la crise de 2008 et ses suites on pourra prendre connaissance des travaux de la chercheuse Laura Basu qui a suivi la couverture qu’ont accordée plusieurs médias britanniques aux événements de 2007 à 2015.

Dans son ouvrage Media Amnesia : Rewriting the Economic Crisis [1], l’autrice montre comment cette couverture a contribué à mettre en sourdine les critiques les plus saillantes à l’égard du système économique dominant ; et en définitive comment elle a conduit à une forme d’amnésie médiatique vis-à-vis des causes même de la crise.

Un ouvrage d’autant plus intéressant que nombre de constats soulevés par Laura Basu pour le Royaume-Uni ne manquent pas de faire écho avec le cas français, y compris aujourd’hui.

À partir de l’analyse d’émissions, d’articles[2], d’entretiens avec les journalistes et de travaux d’autres chercheurs, Laura Basu propose une étude panoramique de la couverture médiatique de la crise de 2008 et de ses suites. L’ouvrage se présente en cinq chapitres, isolant différentes périodes entre 2007 et 2015, et un chapitre de bilan dont voici une synthèse ci contre.

SYNTHÈSE

Amnésie médiatique : la réécriture de la Crise économique de 2008 source ACRIMED

Le crash financier

La réponse médiatique à la crise a progressivement conduit à marginaliser les explications les plus critiques à l’égard du système économique dominant. Présentes initialement dans les médias (débat autour du socialisme, notamment dans les pages du Guardian), les approches critiques ont rapidement cédé le pas à des grilles de lectures plus conformistes. Ainsi, l’idée de réformer le système bancaire, très présent initialement, a presque totalement disparu des options envisagées dès 2009. Ce recadrage apparaît rapidement dans les médias conservateurs mais aussi dans le Guardian. Rapidement, les solutions proposées par l’establishment ont été acceptées sans trop de débat. Il faut ajouter que tout au long de la crise, l’aspect international est passé sous silence.

L’austérité

À partir d’avril 2009, le débat public et médiatique se recentre, au Royaume-Uni, sur la question des finances publiques. À mesure que la crise financière s’éloigne s’impose l’idée que les problèmes budgétaires sont dus aux dépenses excessives du Labour. Une première forme patente d’amnésie médiatique… L’austérité est, quant à elle, la principale solution évoquée. Les autres options sont, au mieux, présentées comme des compléments aux politiques de rigueur budgétaire (non comme des alternatives) et, au pire, ignorées. Ainsi, « même si l’austérité était controversée, un certain niveau de coupes budgétaires était présenté comme nécessaire et inévitable même dans la presse “de gauche” et à la BBC ». Ce manque de débat autour des alternatives à l’austérité a contribué, selon l’autrice, à faire de cette dernière la solution « naturelle » face au problème de la dette.

Comment expliquer une telle présentation partiale ? Tout d’abord par le haut degré de suivisme du journalisme vis-à-vis de l’agenda des principales forces du champ politique [3]. Selon Laura Basu en effet, le débat médiatique sur les enjeux budgétaires s’est articulé autour des propositions des deux principaux partis ; puisque ces deux partis prévoyaient l’un et l’autre des coupes budgétaires (notamment pendant l’élection de 2010), aucune remise en question en bloc de l’austérité ne pouvait s’exprimer.

Ce constat s’applique aussi à la BBC et au Guardian. Ainsi un journaliste de la BBC explique-t-il qu’il était conscient que l’austérité était une mauvaise politique, mais qu’il ne pouvait pas présenter des opinions autres qu’une austérité brutale ou molle car ce n’était pas son rôle « de faire le boulot de l’opposition » : il lui fallait rapporter les propos des principaux partis et chercher à savoir s’il existait d’autres solutions à la crise ne relevait pas, selon lui, de son travail de journaliste… Un facteur qui se combine à la vision biaisée que peuvent avoir certains professionnels de la « neutralité journalistique ». Toujours à la BBC, des journalistes ont expliqué que chercher des points de vue alternatifs reviendrait à ne plus être impartial. Ainsi, la BBC suggérait régulièrement dans ses programmes que l’austérité était nécessaire parce que les principaux partis la défendaient comme réponse à la crise.

La partialité peut s’expliquer, enfin, par une construction fantasmée des intérêts du « lectorat ». À ce sujet, on relèvera le témoignage d’une chroniqueuse du Guardian, expliquant que les pages « opinions » du journal ne devaient pas froisser ce dernier. La journaliste justifie l’absence d’article traitant d’un rejet pur et simple de l’austérité par le fait que cela ne l’intéresserait pas [4].

La stagnation économique

À partir de 2010, le crash de 2008 n’est souvent plus mentionné dans l’analyse médiatique comme la cause des problèmes économiques, mais comme simple point de comparaison, complètement déconnecté des événements en cours. Laura Basu rappelle que le périmètre du débat médiatique se restreint à deux options : l’austérité et les politiques de l’offre d’une part, les politiques de relance keynésienne d’autre part. Comment expliquer l’accueil favorable des premières dans les médias[5] ?

Dans le prolongement des témoignages apportés plus haut, l’autrice avance d’abord que les principaux journaux anglais sont proches de partis politiques eux-mêmes favorables à l’austérité. Laura Basu poursuit avec d’autres explications : (1) la restructuration des médias en de grands conglomérats bénéficiant des mesures pro-business ; (2) une marchandisation de l’information, qui conduit à donner la priorité aux informations sur la finance et le business au détriment des informations sociales. Et à l’infotainment, au détriment de l’enquête. Un format sans doute plus « rentable » compte-tenu du fonctionnement d’une entreprise médiatique, dont l’autrice souligne que le but reste, comme dans n’importe quelle entreprise, de réaliser du profit.

Mais ces tendances s’observent aussi dans le service public, comme à la BBC, impactée elle aussi par des restructurations, une centralisation des programmes et une « flexibilisation » des conditions de travail. Autant de facteurs qui aboutissent à une exclusion du monde du travail : en 2007, il y avait par exemple 5 fois plus de représentants du business que du monde ouvrier dans les émissions de la BBC. En 2012, ce rapport était passé à 20.

La diminution des moyens a pour conséquence une moindre ouverture de la chaîne et de ses journalistes. Ceux-ci s’informent auprès des mêmes sources (politiques, autres médias locaux ou internationaux) contribuant à un « effet de bulle » et à la diffusion d’une vision globalement conservatrice du monde. La couverture de l’actualité internationale a particulièrement été affectée par les coupes budgétaires. Ce d’autant plus que les deux agences de presse de référence pour l’actualité internationale, Associated Press et Reuters, ont également largement coupé dans les coûts. Suppressions de postes, augmentations des cadences de travail, sous-traitance de sujets à d’autres centres d’informations, etc. Un des résultats est l’absence de bureau dans de nombreux pays, ce qui ne permet pas une bonne connaissance des sujets, ni la production d’une bonne information…

La crise de la zone euro

Au sujet de la couverture médiatique de la crise de la zone euro (ou crise de la dette souveraine), Laura Basu note, comme précédemment, que la plupart des articles étudiés ne prennent pas la peine de s’intéresser en profondeur aux causes des problèmes évoqués. Et lorsqu’ils le font, les principales citées sont les dépenses et la corruption – en ayant d’ailleurs souvent recours à des stéréotypes (citoyens des pays du Sud de l’UE fainéants et corrompus) – et non la crise financière de 2008. D’une manière générale, c’est le secteur public qui est tenu pour responsable de la crise. Laura Basu cite par exemple plusieurs études témoignant d’un « Grèce bashing » dans les médias de différents pays, dont le Royaume-Uni.

Parmi les articles de presse étudiés par l’autrice, certains ont cependant cherché à comprendre les causes structurelles de la crise, aussi bien chez le Guardian(europhile) que le Telegraph(eurosceptique). Mais parmi ces articles, rares sont ceux qui remettent en cause la logique des politiques d’austérité. En ce qui concerne les solutions avancées face à la crise de la zone euro, les principales citées sont conformes aux mesures préconisées par les autorités : sauvetage des banques (présenté comme le sauvetage des États) et rigueur budgétaire. Dans la plupart des cas, plutôt que de s’intéresser aux détails des sauvetages bancaires, les médias les ont présentés comme nécessaires pour faire face à la catastrophe, ce qui revient à les accepter, même implicitement.

L’irruption sur la scène politique de forces politiques opposées aux politiques d’austérité n’a pas provoqué de grands changements. À titre d’exemple, l’autrice se réfère à une étude consacrée au traitement, par les médias espagnols, du parti grec Syriza et de Podemos. Tous deux furent présentés comme des menaces à la stabilité nationale. Quant à leurs propositions, les médias les ont négligées, en les présentant comme des discours vagues, utopiques et impraticables. Laura Basu explique qu’un parallèle peut être fait avec le traitement de Jeremy Corbyn par les médias britanniques, le Guardian compris. Selon l’autrice, « le Guardian se donne une image de publication sociale-démocrate. Mais dès lors que des sociaux-démocrates commencent à atteindre des positions de pouvoir, le journal serre les rangs ».

La montée des inégalités

Selon Laura Basu, la couverture médiatique de la question des inégalités pose, sur la période étudiée, plusieurs problèmes. Si les articles mentionnent régulièrement les causes des inégalités (principalement l’austérité, les salaires stagnants/en baisse et la hausse des prix) ; les perspectives politiques apportées en guise de « solutions » sont très peu présentes, ou réduites, là encore, aux points de vue dominants …

À cela s’ajoute un traitement de la pauvreté souvent caricatural. Laura Basu s’appuie sur plusieurs études centrées sur les médias britanniques, faisant état d’une conception majoritairement individualiste du phénomène (les pauvres sont responsables de leur situation). Une tendance confortée par la concentration des médias dans les années 1960 et 1970, qui s’est accompagnée d’un recul des médias de gauche et sociaux-démocrates : faillite de certains titres, recentrage des titres ayant survécu et difficulté de créer de nouveaux journaux. Beaucoup de journaux ont ainsi fermé dans les années 1960, non pas nécessairement à cause d’un manque de lectorat, mais parce que ce lectorat n’attirait pas les annonceurs.

Laura Basu évoque également rapidement dans ce chapitre le dernier événement politique en date dans la période étudiée : l’élection de Corbyn à la tête du Labour en 2015. À l’appui, plusieurs études illustrant comment le candidat travailliste a été ridiculisé par la presse, de droite mais aussi de gauche, le considérant comme « inéligible ». Un constat basé sur des sondages d’opinion, jugés représentatifs de « l’opinion publique ». D’après un journaliste du Guardian, cette idée était assez répandue parmi les journalistes, de même que l’idée selon laquelle ses politiques n’étaient pas « des politiques d’adulte ». L’autrice conclut en soulignant que les qualificatifs « éligible » ou « politique d’adulte » sont évidemment des constructions politiques… auxquelles contribuent très largement les médias.

Quelques solutions

Laura Basu dresse le bilan de son analyse en ces termes :

Hormis quelques exceptions notables, la couverture tend à être superficielle, ne donnant souvent aucune explication aux problèmes. Lorsque des explications sont données, elles sont vagues ou superficielles. Parfois, comme à propos de la prétendue débauche de dépenses publiques, elles sont fausses.

Et d’ajouter :

Lorsqu’il y a des controverses, c’est souvent parce que l’establishment politique est divisé (le Brexit étant un exemple frappant). Les deux versants du débat seront ceux donnés par les deux versants de la fracture au sein de l’establishment. Ces deux aspects ne couvrent pas l’éventail des positions existant dans la société et aucun ne représente en général les intérêts de la majorité.

En guise de conclusion, l’autrice décrit la nouvelle « écologie médiatique » qui s’est développée sur la période : les médias alternatifs, les slow news (journalisme des formats longs, avec une périodicité de publication espacée dans le cas du papier), la montée en puissance des réseaux sociaux. Sans peindre pour autant un tableau idéal (les « nouveaux médias » pouvant avoir leurs défauts) : mauvaises conditions de travail ; marginalisation de certains points de vue ; manque de ressources financières limitant les possibilités d‘enquêtes ; agenda calqué sur celui des grands médias, notamment dans le traitement de l’actualité politique ; public restreint. Laura Basu rappelle qu’une part importante de la population continue d’utiliser les médias mainstreamcomme source principale d’information, et ce malgré le scepticisme ambiant à l’égard de ces médias. Elle esquisse enfin quelques pistes, allant de la réglementation plus forte des conglomérats médiatiques à un contrôle accru exercé par les travailleurs et les journalistes eux-mêmes, en passant par un plus grand financement public.

Dans son livre, Laura Basu met ainsi en évidence les travers de la couverture médiatique des enjeux associés à la crise de 2008 : (1) un manque d’explication historique ; (2) un débat réduit aux points de vue de l’establishment ; (3) un manque de contextualisation internationale. Pour elle, ces manquements fondent les critiques qui peuvent être adressées aux médias dominants : quelles sont les idées qui arrivent (ou n’arrivent pas) sur le devant de la scène et dans le débat public ? Quelles sont les questions qui sont posées, et celles qui restent dans l’ombre ? Quel est le rôle des médias dominants dans la construction de débats publics souvent tronqués ?

Notons également qu’une part significative du livre est consacrée à détailler les grilles de lecture ignorées par les médias. Ces analyses dépassant largement le cadre de la critique des médias, il n’en a pas été question ici. Reste que nombre des critiques visant les médias britanniques valent pour leurs homologues français [6]. Sans doute plus encore à l’heure actuelle : alors qu’une nouvelle crise économique se profile, l’analyse de Laura Basu des angles morts médiatiques est assurément d’actualité.

[1] Le titre peut se traduire ainsi : « Amnésie médiatique : la réécriture de la crise économique ». Le livre n’a pas été traduit en français, les traductions proposées dans cet article sont donc d’Acrimed.

[2] Cinq journaux ou JT sont en particulier étudiés : le programme de la BBC « News at Ten » (publique), le Guardian (centre gauche), le Telegraph(conservateur), le Sun (conservateur) et le Mirror (centre gauche).

[3] Globalement, c’est un constat général du livre que celui de l’alignement des médias étudiés sur l’agenda politique, mettant uniquement en lumière les propositions de l’establishment.

[4] Oubliant par-là que ces articles participent à la construction des opinions et n’en sont pas un pur reflet.

[5] Ces politiques ont en effet été largement soutenues par les médias conservateurs et la BBC, et dans une moindre mesure dans le Guardian et le Mirror.

Source : ACRIMED

5 réponses »

  1. Bonjour, Thierry,Je ne suis pas sûr qu’il s’agisse d’une crise. Celle-ci suppose qu’arrive un moment paroxystique après lequel s’opère un retour à la normale.Il me semble qu’il n’y a pas de normale et qu’il n’y aura pas de retour mais le débouché sur un autrement. Je crois que le terme médical de « crise » ne s’applique pas aux phénomènes sociaux et humains. Il s’agit à chaque fois de mutations.En 2014 j’avais publié un article qui traitait de ça. Cela s’appelait « Le temps de l’économies globale totale s’achève, et ils appellent ça la crise ! »

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  2. Article du Parisien relatf à la commission que le PR crée sur la gestion de crise.

    Celle ci ne remplace pas le Retex attendu et concurrence les commissions parlementaires en cours.

    Coronavirus : 5 questions sur la mission Covid-19 lancée par l’Elysée

    Le président de la République a installé jeudi une commission d’évaluation présidée par le professeur Pittet. Elle travaillera jusqu’à la fin de l’année.

    Bisbilles entre l’exécutif et les élus de l’opposition. Alors que la commission d’enquête parlementaire poursuit ses travaux, avec la spectaculaire audition de Didier Raoult mercredi, le président a officiellement installé jeudi sa commission d’évaluation sur la gestion de la crise du coronavirus.

    Sa constitution avait été souhaitée par Emmanuel Macron lui-même, dans les tout premiers jours du mois de juin. Il n’aura fallu que trois petites semaines pour que celle-ci voie officiellement le jour, en dépit des critiques venues des rangs de l’Assemblée nationale, qui y voient une manière d’entraver leurs travaux.

    Qui compose cette commission ?

    Emmanuel Macron souhaitait une personnalité scientifique de renom à la tête de cette commission. Son souhait a été exaucé avec la nomination du professeur Didier Pittet, une véritable star en Suisse romande. On lui reconnaît souvent la paternité du gel hydroalcoolique, qui s’est installé dans les domiciles des Français en ces temps de crise sanitaire.

    En réalité, le professeur Pittet s’est avant tout battu pour que la formule de ce produit ne soit pas brevetée et ne fasse pas l’objet d’une lutte commerciale qui en aurait freiné sa diffusion dans le monde.

    Pour mener à bien sa mission, le professeur Pittet sera épaulé par quatre autres personnalités. Raoul Briet, pour commencer. Un énarque, ancien président de chambre de la Cour des comptes et membre du Haut Conseil des finances publiques. Mais aussi Laurence Boone. Cheffe économiste à l’OCDE, elle a également été nommée en 2014 au poste de conseiller économique et financier au palais de l’Elysée, sous la présidence de François Hollande. Elle avait alors remplacé un certain Emmanuel Macron, par ailleurs et avant tout secrétaire général adjoint de l’Élysée, dans l’entourage du président de la République. Complètent cette mission d’évaluation Anne-Marie Moulin, directrice de recherche émérite au CNRS, et Pierre Parneix, médecin de santé publique au CHU de Bordeaux et spécialiste des questions d’hygiène hospitalière.

    Comment travaillera-t-elle ?

    Selon la lettre de mission transmise à ses membres, ces derniers devront « comparer la riposte » française « à celle mise en œuvre chez nos voisins », porteront « une appréciation sur la pertinence, la rapidité, la proportionnalité de la réponse dans la gestion de la crise sanitaire, sociale et économique ».

    Interrogé par la télévision suisse, le professeur Pittet a dévoilé l’esprit avec lequel il entendait mener ses travaux. À la suisse. « La suissitude permet la neutralité et un regard différent », explique-t-il. « Je ne fais pas de politique, l’idée est de faire un examen le plus transparent possible. Ensuite, certaines choses seront peut-être vues et reprises politiquement mais ce n’est pas mon affaire. » Alors que des dizaines de plaintes ont été déposées contre les membres du gouvernement, lui ne se reconnaît pas vraiment dans cette quête de responsabilités éventuelles. « À l’exception de certaines situations, il ne faut pas aller dans le judiciaire. Il faut rester raisonnable […] La faute à qui, c’est une mauvaise approche. Comme toujours, on pourra trouver des éléments multiples qu’on pourra améliorer. Et c’est sur ces éléments multiples qu’il faudra travailler. »

    Un télescopage des commissions ?

    Depuis l’annonce de la création de cette commission d’évaluation, les élus de l’opposition dénoncent cette décision. Certains y voient une volonté de télescoper les travaux actuellement conduits par la commission d’enquête parlementaire, dont le député Éric Ciotti a été nommé rapporteur général.

    « Il y a des commissions d’enquête parlementaires qui existent déjà, il faut leur faire confiance », réagissait jeudi auprès du Parisien Damien Abad, président du groupe LR à l’Assemblée. Et d’argumenter : « Je ne comprends pas pourquoi l’Elysée veut créer aussi une mission de contrôle de gestion de la crise. C’est un pied de nez fait à nos institutions, une provocation. Tout cela risque de créer des tensions alors que les travaux de la commission d’enquête de l’Assemblée, qui a déjà commencé, se passent très bien jusqu’à présent

    Comment l’Elysée justifie sa création ?

    La lettre de mission signée par la présidence à l’attention de Didier Pittet mentionne l’objectif de permettre « à chaque Français d’avoir accès à une information transparente, complète et lucide qui rappelle les faits, les remette en perspective et élabore des propositions pour renforcer notre système de riposte aux épidémies ». Auprès du Monde, les services d’Emmanuel Macron se défendent de toute volonté de nuisance. « Il ne s’agit en aucun cas de méconnaître les prérogatives du Parlement […]. Les commissions d’enquête parlementaires seront également riches d’enseignements », indique-t-on.

    Quand rendra-t-elle le résultat de ses travaux ?

    Les travaux sont censés durer six mois. D’ici le mois d’octobre, les membres de la commission rendront leur premier rapport « consacré à l’analyse de la gestion de la crise et à la préparation d’une éventuelle seconde vague ». Un second rapport sur « l’anticipation du risque pandémique » est lui attendu à la fin de l’année. La présidence de la République s’est engagée à ce que le rapport final soit rendu public.

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  3. Autre article – complémentaire- du Parisien qui nous a été signalé.

    Coronavirus : Macron installe la controversée mission d’évaluation de l’exécutifCette mission a été critiquée par les oppositions, qui considèrent qu’elle risque d’entraver le travail de la commission d’enquête de l’Assemblée nationale en cours.

    Le 25 juin 2020

    Il est connu pour avoir inventé le gel hydroalcoolique. Le professeur suisse Didier Pittet vient d’être installé par Emmanuel Macron à la tête de la très controversée mission d’évaluation de l’exécutif sur la gestion de la crise du coronavirus et l’anticipation des risques pandémiques. Le président de cette « mission indépendante nationale », qui collabore actuellement avec l’Organisation mondiale de la Santé, devra rendre ses conclusions d’ici la fin de l’année, a annoncé l’Elysée.

    Ce travail doit permettre de « tirer les leçons » de la crise et « d’en sortir renforcé et mieux préparé à l’avenir », selon la feuille de route de la mission. La veille, lors de son audition mercredi, le directeur de l’IHU Méditerranée Infection Didier Raoult avait étrillé la gestion de la crise par les autorités et les conflits d’intérêt dans la recherche.

    « Un pied de nez fait à nos institutions »

    Mais l’annonce de cette mission a été critiquée par les oppositions, qui considèrent qu’elle risque d’entraver le travail de la commission d’enquête de l’Assemblée nationale en cours.

    « Il y a des commissions d’enquête parlementaires qui existent déjà, il faut leur faire confiance », a encore réagi ce jeudi Damien Abad, président du groupe LR à l’Assemblée. Et d’argumenter : « Je ne comprends pas pourquoi l’Elysée veut créer aussi une mission de contrôle de gestion de la crise. C’est un pied de nez fait à nos institutions, une provocation. Tout cela risque de créer des tensions alors que les travaux de la commission d’enquête de l’Assemblée, qui a déjà commencé, se passent très bien jusqu’à présent ».

    Un premier rapport en octobre 2020

    Parmi les cinq membres qui la composent figure donc le Pr Pittet, médecin infectiologue et épidémiologiste âgé de 63 ans, reçu par le chef de l’Etat ce jeudi, ainsi que Raoul Briet, ancien président de chambre de la Cour des comptes, Laurence Boone, chef économiste de l’OCDE, Anne-Marie Moulin, directrice de recherche émérite au CNRS et Pierre Parneix, médecin de santé publique au CHU de Bordeaux.

    Il s’agit pour eux de permettre « à chaque Français d’avoir accès à une information transparente, complète et lucide qui rappelle les faits, les remette en perspective et élabore des propositions pour renforcer notre système de riposte aux épidémies », souligne la lettre de mission signée par le chef de l’Etat. Les cinq membres, qui devront « comparer la riposte » française « à celle mise en oeuvre chez nos voisins », porteront « une appréciation sur la pertinence, la rapidité, la proportionnalité de la réponse dans la gestion de la crise sanitaire, sociale et économique », alors que l’exécutif fait face aux critiques, notamment sur ses stocks de masques et de médicaments de réanimation.

    Un premier rapport d’étape, « consacré à l’analyse de la gestion de la crise et à la préparation d’une éventuelle seconde vague » est attendu en octobre 2020. Puis, « au plus tard pour la fin de l’année 2020 », un second rapport doit se pencher sur « l’anticipation du risque pandémique » qui pourrait de nouveau frapper la France.

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