
PRÉSENTATION
Alexis GANTZ souhaite partager avec nous sa lecture de J.-F. REVEL, dans le prolongement de nos publications précédentes:
https://metahodos.fr/2020/08/11/relire-jean-francois-revel-regard-sur-la-democratie-et-les-institutions/
https://metahodos.fr/2020/08/14/nos-relectures-de-lete-avec-jean-francois-revel2-connaissance-inutile-et-mensonge/
Nous publions bien volontiers son analyse.
ARTICLE d’Alexis GANTZ
COMMENTAIRES DÉTAILLÉS SUR LE LIVRE « HISTOIRE DE LA PHILOSOPHIE OCCIDENTALE » DE JEAN-FRANÇOIS REVEL
29 OCTOBRE 2019
Le livre se compose de 3 parties :
– 1ère partie : Penseurs grecs et latins (page 11 à 252),
– 2ème partie : la philosophie classique , humanistes et cartésiens (page 253 à 481),
– 3ème partie : Triomphe et mort de la philosophie (page 482 à 520).
INTRODUCTION
L’introduction est prometteuse. L’auteur (JF Revel alias JFR) explique qu’il l’a écrit comme s’il racontait l’histoire de la philosophie occidentale, sans note, sur une ile déserte, à un ami.
Très intéressant aussi son distinguo entre Objectivité historique et Exactitude, en tant que philosophe ou commentateur des concepts philosophiques. On ne peut être exact car on est tributaire qu’on le veuille ou pas de son époque, mais on peut et doit être aussi objectif que possible à un instant T , tout en ayant à l’esprit que cette objectivité est relative du fait de ce lien avec l’époque.
Très intéressant aussi le fait qu’étudier la philosophie c’est aussi étudier les avis de philosophes sur d’autres philosophes, et pas seulement leurs concepts philosophiques.
A propos de Diderot (dont j’ai lu la biographie passionnante de Jacques Attali, cf article sur le sujet), un point commun qui apparaît d’entrée de jeu est la même approche entre Diderot dans « Jacques le Fataliste » , qui dialogue avec lui-même argumentant et contre-argumentant, et ce que prône de faire JF Revel, au début du premier chapitre dédié aux philosophes antiques, où il évoque la nécessité de se mettre à la place du philosophe étudié pour trouver des arguments en sa faveur tout en prenant ensuite le parti opposé.
Les premiers philosophes grecs étaient plus scientifiques que philosophes (Thales etc…) dixit JFR, mettant en exergue la difficulté à définir la philosophie.
Et Pythagore était plus un mathématicien (le théorème sur les carrées des cotés d’un triangle rectangle n’est pas de lui semble-t’il) et un religieux qu’un philosophe.
Etonnant : Pythagore croyait comme les hindouistes à la transmigration des âmes et était de ce fait végétarien. Je le suis pas pour cette raison mais pour plein d’autres (cf article sur le végétarisme dans mon blog) !
Démocrite , l’atomiste, était plus juste dans ses théories de physique que Platon ! Cela me rappelle Descartes et sa théorie grotesque que les animaux sont des machines.
PARTIE I : PENSEURS GRECS ET LATINS (page 11 à 252)
La partie antique est passionnante mais pas facile à lire, il faut de la concentration. J’ai appris entre autres que :
– Le terme manichéen vient du métaphysicien Persan Mani (205-274). Je cite : « La solution la plus simple (pour expliquer le mal dans un monde créé par Dieu) consiste à poser un double principe divin : le principe du bien et celui du mal, dont la lutte a pour théâtre le monde où nous vivons ».
– Les chrétiens ont puisé aussi bien chez les stoïciens avec Saint-Paul que chez les Platoniciens avec Saint Augustin.
J’ai une GRANDE admiration pour l’auteur, JF Revel, père de Mathieu Riccard, pour son savoir ses talents littéraires. Le style, un peu alambiqué, gagnerait à être un peu simplifié pour permettre au lecteur de lire plus vite, pour être plus pédagogique, mais il y perdrait alors son identité, son charme (*). Un bon défi, un bon exercice, serait de faire une synthèse de son livre. Je vais peut-être me lancer à cela.
J’aimerais bien écrire un livre philosophique portant sur les arts (la musique en particulier), la science (l’astrophysique (**), les mathématiques, la physique, la chimie en particulier, n’oublions pas que nous sommes poussières d’étoiles réellement physiquement, les atomes nous composant étant issus de l’univers) , les religions (choses qu’évoque JFR au début du livre quand il explique que philosophie et sciences étaient unes jusqu’au XVIIème siècle, moment où la science s’est développée de façon significative, et que l’église (catholique) a phagocyté l’intérêt de la philosophie au moyen age, ce ne sont pas ses mots mais les miens, pour résumer ce qu’il dit).
Philosopher est une des plus belles choses qui soient. Il explique que la philosophie post moyen-age, à partir de la Renaissance n’a plus rien à voir avec celle qu’elle était à l’origine où elle mélangeait science et religion quelque soit les doctrines, et que la nouvelle philosophie, avec le développement de la sciences a eu du mal à trouver sa place perdant ses dimensions religieuse et scientifique, et que Descartes fut le 1er philosophe à tenter de démêler tout cela. Il remonte ainsi (un peu) dans mon estime suite à ce qu’il avait dit sur les animaux (dixit : « ce sont des machines »).
« Le philosophe ancien pensait toujours à cause de quelque chose. Le philosophe moderne pense toujours malgré quelque chose. Le 1er était philosophe en fait. Le 2ème doit établir que la philosophie existe en droit.
Si l’on demande à un philosophe moderne ce que contient exactement la philosophie , et, de la façon la plus banale et scolaire possible , de dire quelles sont les matières sur lesquelles elle porte, sa réponse a toutes les chances d’être qu’on ne peut pas répondre à une telle question, formulée en de tels termes que l’essence de la philosophie est justement ce que doit chercher la méditation philosophique… C’est dans ce sens aussi que l’on peut dire de la philosophie moderne qu’elle est problématique : elle est philosophie des problèmes et avant tout de son propre problème, alors que la philosophie ancienne était philosophie des solutions. »
« Le sceptique ancien croyait en ce qu’il attaquait plus que le dogmatique moderne n’est convaincu de ce qu’il défend. On n’avait pas peur de la critique parce qu’on ne croyait pas la crise mortelle, alors que dans la philosophie moderne, on redoute la critique parce qu’on sait la crise fondamentale. »
Puis l’auteur pourfend le terme « crise » qu’il juge utilisé à tort et à travers et il conclut ce 1er chapitre de la 2ème partie du livre ainsi :
« Mais si l’on réserve le mot crise à la situation dans laquelle il y va de la vie ou de la mort de quelque chose , on peut dire alors sans abus de mot que la philsophie moderne a vécu et vit en permanence en situation de crise, qu’elle doit inventer sans arrêt sa raison d’être, et qu’en meme temps, elle a réussi depuis 4 siècles ce tour de force d’etre une discipline qui démontre son droit de vivre en assurant qu’elle en a le devoir ».
(*) Les auteurs les plus ardus à lire qui m’ont marqué sont :
– Les auteurs russes à cause des noms où l’on se perd, en particulier Guerre et Paix, et pour la longueur des livres,
– Proust pour les longues phrases à plusieurs pronoms relatifs qui durent une demi-page à une page écrits en petits caractères, ses descriptifs de paysages qui n’en finissent pas,
– JF Revel (histoire de la Philosophie occidentale), un peu comme Proust, phrases plus courtes, mais pas faciles,
– GG Marquez pour son style « foisonnant » incomparable et les noms espagnols ressemblants où l’on se perd dans « 100 ans de solitude » .
– Peut-être Balzac suivant les livres.
Pour nos lettres personnelles et documents professionnels, j’ai appris à travers des formations à :
– Eviter : les pronoms relatifs, les verbes « fourre-tout » comme faire, les participe-présent.
– Faire des sauts de ligne,
– Aller à la ligne et mettre des tirets dans les énumérations,
– Utiliser les conjonctions de liaison : or, d’autrepart, en effet , par ailleurs, cependant , etc….
(**) concernant l’astrophysique, des 3 conférences auxquelles j’ai assisté successivement à Paris dans le même lieu sur : l’anti-matière, le temps et la matière noire, mon intérêt pour chacune suit le même ordre décroissant. La 1ère a le plus répondu à mes attentes. La 3ème bien qu’intéressante m’a le moins plu car la plus technique et la moins intéressante conceptuellement. Comme déjà écrit, j’ai été étonné qu’il ne fut pas rappelé en préambule que la théorie d’une matière noire inconnue avait été bâtie pour rendre possible la théorie de l’expansion de l’univers vis à vis de la masse de matière recensée dans l’univers. sans cette matière noire, l’univers serait en contraction. J’ai trouvé la 3ème trop focalisée sur les outils par rapport aux 2 premières. L’ordre des conférences n’est peut-être pas un hasard. Pour autant je ne me suis pas ennuyé à la 3ème.
PARTIE II : LA PHILOSOPHIE CLASSIQUE , HUMANISTES ET CARTESIENS (page 253 à 481)
Au début de cette partie JFR explique qu’à la Renaissance la Philosophie avait fait l’objet d’un rejet global, qu’elle n’existait plus en tant que bloc d’un seul tenant mais qu’elle était mélangée un peu à toutes les disciplines y compris culinaires ! Et il explique au début de son livre qu’elle n’existait pas vraiment à l’Antiquité non plus car elle se confondait avec l’embryon de science, en particulier l’astronomie.
Cf mon article sur le choix retardé de Wheeler.
Le style de JFR n’est pas facile à lire, phrases plus courtes que Proust, mais tout aussi difficiles à lire de par les concepts maniés et les formules littéraires utilisées.
Parmi mes livres à lire :
– un livre sur Spinoza (celui de Frédéric Lenoir en particulier), philosophe positiviste, ou de Spinoza. L’un n’empêchant pas l’autre au contraire.
– relire Montaigne dont ma dernière lecture remonte au lycée ! Montaigne cité et commenté par JFR, qui se voulait en dehors du système philosophique.
Je cite : « la pensée de Montaigne peut se résumer en 3 idées :
1/ toutes les civilisations se valent,
2/ une civilisation a toujours tort du moment qu’elle use de la violence,
3/ aucune autorité légitime n’existe , assez fondée en droits pour se considérer comme propriétaire de l’Etat et prétendre soumettre le corps social. »
– critique de la raison pure de Kant (cf commentaires sur la partie III du livre).
Je partage cela grosso modo. Ainsi comme chrétien je condamne la violence utilisée par l’église catholique pour convertir les indigènes , en particulier les indiens d’Amérique du Sud, au moyen-age, à la renaissance, et au siècle des Lumières, ainsi que face aux Protestants, et par toute autre religion (islamistes aujourd’hui).
Après avoir écrit ceci, je me dis que des 3 religions monothéistes, seuls les juifs n’ont jamais essayé de convertir les autres de force. Montaigne était juif (cf « les juifs, le monde et l’argent » de Jacques Attali), et tolérant et méfiant vis à vis du pouvoir religieux ou autre. On peut y voir un précurseur de la laïcité.
JFR m’a fait revoir mon opinion positive sur Blaise Pascal, que j’avais après lecture de son autobiographie par J.Attali à travers ce qu’il écrit sur Montaigne :
« Montaigne a tort…. Le peuple suit (la coutume) par cette seule raison qu’il la croit juste. Sinon il ne la suivrait plus. … Il obéit aux lois mais il est sujet à se révolter dès qu’on lui montre qu’elles ne valent rien ».
JFR écrit , je cite : « Pascal préconise donc explicitement un Etat fondé sur le mensonge, dans lequel seuls une minorité d’habiles a le privilège de savoir que la coutume sert de support à des institutions toujours mauvaises, tout en prenant le droit de dire au peuple que les lois sont justes ».
Cette vision élitiste est commune à Platon, d’après ce que JFR en dit, et aussi, aux témoins de Jéovah, qui prennent à la lettre les mots de la bible qui cite 144 000 élus. Evidemment, cette vision élitiste me choque profondément, et n’a rien à voir avec la parole biblique, en particulier du nouveau testament où Jésus, rappelons le, lave les pieds d’une prostituée et où des étrangers sont les seuls à secourir un homme blessé.
Il semblerait donc que je sois plus proche désormais de Montaigne que de Blaise Pascal. Les écrits de BP sont toutefois intéressants et justes pour d’autres aspects en particulier pour sa vision lucide sur la vanité dans le début de ses Pensées « et peut-être suis-je moi-même vaniteux en écrivant ceci » dit-il sur lui-même. Un mélange de Montaigne et de Pascal me semble un bon cocktail, sans oublier Spinosza que je vais lire donc.
et aussi : « L’optimisme contre le désespoir » ; entretiens avec C. J. Polychroniou – Noam Chomsky – Lux
Avis de mon libraire : Si vous n’avez jamais osé ouvrir un livre de Noam Chomsky, c’est le moment idéal pour s’initier à la pensée du plus important intellectuel vivant de notre époque selon le New York Times. Le linguiste américain passe en revue les problématiques actuelles mondiales : mandats d’Obama et de Trump, écologie, crise des migrants, EI, économie mondialisée, Europe, Russie de Poutine mais aussi mouvements sociaux qui entrent en résistance.
« Nous avons deux options. Le pessimisme, qui consiste à baisser les bras et, ce faisant, à contribuer à ce que le pire arrive. Ou l’optimisme, qui consiste à saisir les occasions qui se présentent et, ce faisant, à contribuer à la possibilité d’un monde meilleur. La question ne se pose même pas. »
Chapitre sur DESCARTES
Le chapitre « le premier philosophe moderne » en parlant de Descartes, est la partie qui m’intéresse le plus, ayant oublié pas mal ce que j’étais censé avoir appris en cours de philosophie de Terminale. Avant de commencer à lire ce chapitre sur Descartes, mon avis sur lui restera à jamais entaché par ses déclarations absurdes sur les animaux, choquantes suivant lesquelles il considère les animaux, je cite, « comme des machines » ! J’ai appris ceci dans les livres « No Steak » d’Aymeric Caron et/ou « playdoyer pour les animaux » de Mathieu Riccard.
Il y avait bien des chiens pourtant à l’époque, des chiens qui faisaient parfois des bêtises et qui prenaient l’air forcément penauds, preuve de leur conscience d’une certaine notion du bien et du mal. Eh bien Monsieur Descartes, vous manquez singulièrement de sens de l’observation des animaux !
Effectivement, JFR égratigne, critique Descartes sur les points suivants :
– il part des principes et va vers les faits au contraire de la science de son époque, en plein essor, qui part des faits pour en déduire des principes généraux. Etonnante contradiction de la part du scientifique , mathématicien qu’il est censé être.
– un esprit illuminé ayant eu une pseudo révélation de Dieu , alors qu’il se trouvait à l’étranger, sur son rôle à jouer.
– il est parti en Hollande davantage pour échapper aux critiques, à la contradiction que pour échapper à une condamnation de l’Eglise.
Ainsi, le premier point semble être confirmé par son avis tranché sur les animaux qui sont selon lui des machines.
– il a une conception de l’Homme sans plus-value , sans originalité, par rapport à d’autres comme par exemple Montaigne.
Plus loin, il écrit que la méthode de Descartes n’a rien de bien nouveau, et qu’il se contredit en écrivant qu’il va douter de tout mais qu’en même temps, il dit qu’il » conservera la religion dans laquelle Dieu lui a fait grâce d’être instruit dès son enfance ».
[ Je souscris à l’idée du doute. Il est sain de se remettre en cause, y compris sa religion. Le nouveau testament rapporte les paroles suivantes de Jésus sur la croix : « Eli lama sabachtani! » (Père, pourquoi m’as-tu abandonné ! ». On peut remettre en cause sa foi au Dieu monothéiste ou bien simplement son appartenance à telle église au sens large en gardant sa foi . Ainsi je connais des catholiques devenus protestants ou des juifs devenus catholiques, comme « feu » le Cardinal Lustiger. Sœur Emmanuelle disait aussi qu’elle avait douté. J’ai douté aussi dans le passé en prenant du recul, plus sur l’église que sur ma foi du reste. Ainsi, Eisenhower avait écrit une lettre de méaculpa avant le débarquement au cas où il soit un fiasco. Douter un peu, mais pas trop évite de faire des bêtises. Douter trop est paralysant à l’inverse. Et c’est pour permettre aux grands chefs militaires de prendre le temps de la réflexion, avec le doute nécessaire, avant de prendre des décisions lourdes de conséquences que DeGaulle préconisait dans ses mémoires que les chefs militaires soient logés seuls dans leur tente afin d’avoir la tranquillité et concentration nécessaires après avoir avoir pris l’avis de leurs généraux et autres conseillers. Mais douter ne veut pas dire indécis. Eisenhower et Degaulle ont douté tous 2 et savaient prendre des décisions. On dit que pour désacraliser des personnes qui nous impressionnent, il suffit de se dire qu’elles vont aux toilettes comme tout le monde, et de les y imaginer ! Eh bien pour désacraliser Descartes, il suffit de penser à sa pensée que les animaux sont comme des machines.]
Selon JFR :
« Comparé à n’importe quelle page de La Rochefoucauld ou de La Bruyère ce que Descartes écrit des Passions de l’âme, parait pauvre, et même dans les parties consacrées à la description concrète de la vie affective, laborieux, conventionnel et simpliste ».
« Descartes peut être défini comme le premier philosophe moderne, dans ce sens qu’il est le premier à se trouver en face d’un nouveau type d’activité intellectuelle sérieuse se développant hors de la philosophie. On doit admettre qu’il n’a pas compris la portée de cette révolution et qu’il est resté fidèle aux principes dogmatiques de la philosophie antérieure. »
L’auteur dit aussi que Descartes n’a été encensé qu’au XIXème siècle et que ses successeurs ne s’en étaient pas recommandés. « C’est donc à partir du milieu du XIXème siècle seulement que le cartésianisme est peu à peu élevé au rang de source primordiale de la pensée moderne.On a incomparablement plus écrit sur Descartes depuis 100 ans qu’au cours des 2 siècles qui ont suivi sa mort, au point même que la quasi totalité de la bibliographie cartésienne s’échelonne entre 1860 et nos jours. mais il s’agira là d’un cartésianisme réduit à la métaphysique (et à la méthode qui n’a d’usage que métaphysique).
Pascal, que j’admire, mathématicien, philosophe et croyant comme Descartes ne s’y réfère pas non plus ou pas en positif. Dixit l’auteur : « selon Pascal, il est dispensable de sortir une fois pour toutes de l’impasse de la théologie rationnelle, discipline batarde consistant à tenter d’appliquer aux choses divines les procédés démonstratifs propres à la philosophie naturelle, et à la philosophie naturelle les procédés démonstratifs propres à la théologie et à la philosophie première ».
JFR conclut son chapitre sur Descartes par les phrases suivantes le résumant : « Une révolution philosophique consiste à changer de locataires. Une révolution intellectuelle consiste à changer d’architecture……………….Descartes est est l’auteur d’une révolution philosophique , il n’est pas l’auteur d’une révolution intellectuelle. Son role a été de résoudre le problème de l’adaptation de la pensée théologique à l’ère scientifique et de substituer un dogmatisme moderne au dogmatisme ancien ». Tout est dit !
Chapitre sur BACON
C’est pour JFR le premier philosophe qui ne cherche pas à ,créer son système philosophique, je cite, « à ajouter une nouvelle philosophie aux autres » mais « il veut changer de niveau, changer l’image que l’on peut avoir de la connaissance. Il veut permettre à cette connaissance de prendre son essor et non point réaliser lui-même tout le programme de la science ».
En gros Bacon contribue à faire prendre son envol à la philosophie moderne en la libérant de son enchaînement à la philosophie antique et surtout du moyen-age. Il est le premier à plus critiquer Platon qu’Aristote, Platon qui mélange science et religion, et dont la conception très castique me choque. Il se distingue de Montaigne qui lui se voulait en dehors des systèmes philosophiques.
J’aime moins en Bacon son concept suivant lequel l’Homme doit dominer la nature par la connaissance, ce que l’empêchait de faire selon lui, les philosophies initiales mêlant science, philosophie et religion. Effectivement dominer la nature c’est ce que l’Homme a fait ou tenté de faire, en particulier depuis l’industrialisation, et nous sommes maintenant en plein réchauffement climatique, la planète est polluée, nombre d’espèces sont en voie de disparition ou disparues, la planète est polluée soumise à la désertification, la déforestation avec les conséquences climatiques désastreuses que l’on connait.
L’Homme est un éternel apprenti sorcier. Non, pas d’accord, l’Homme doit être modeste, respectueux de la nature comme le sont les Indiens, il aurait du se développer en symbiose avec, et non en voulant la soumettre. maintenant elle se « venge ».
Je me suis toujours interrogé sur l’intervention de l’Homme dans la nature. L’Homme avec ses outils industriels peut-il être considéré comme un animal comme les autres, certains animaux comme la loutre s’étant constitué des outils rudimentaires ? (elle tape avec une pierre pour ouvrir des fruits posés sur son ventre, flottant sur l’eau. Certains singes je crois aspirent les fourmis avec une paille. Les castors font des barrages) ou bien est-il un animal extraordinaire, hors nature ?
JFR écrit dans son chapitre « de la magie à la science, et du fini à l’infini », je cite : « au nom de quoi l’action humaine sur la nature devrait-elle considérée comme ne relevant pas de la nature? ».
Je vois les arguments principaux suivants :
1/ comme croyant monothéiste, je pense que l’Homme n’est pas un animal comme un autre, même s’il a subi une évolution darwinienne. Je m’oppose ainsi , comme beaucoup heureusement , aux chrétiens fondamentalistes qui prennent la bible à la lettre. J’ai conscience que cet argument est contestable par les non-croyants monothéistes. Pour autant, les bouddhistes considèrent aussi que l’Homme a une intelligence supérieure, qui lui donne des devoirs supérieurs également. .
2/ l’Homme par son développement industriel a totalement déséquilibré la nature, l’a polluée et l’a déréglée comme on le voit avec le réchauffement climatique. Aucun animal n’a produit un tel résultat, seuls des phénomènes extérieurs comme la météorite géante tombée sur la terre il y a des millions d’années a créé l’extinction d’une espèce complète comme les dinosaures. L’Homme par sa cupidité et ses croyances débiles en les pouvoirs de la poudre d’ivoire, est en train d’éteindre l’espèce des éléphants.
3/ l’Homme a créé des génocides de millions d’individus pour des raisons idéologiques, racistes ou religieuses. Aucun animal n’a fait de même. Les animaux tuent juste pour survivre, et pas de façon industrielle.
4/ la sophistication extrême des outils de l’Homme. Les animaux peuvent utiliser des éléments de leur environnement comme des cailloux pour les loutres, faire des barrages comme les castors. L’Homme préhistorique n’avait pas encore dénaturé la nature. Mais avec l’industrialisation il a commencé, et même plus tôt. La continuité de son évolution avec au départ des outils guère plus évolués que ceux des loutres ou castors peut militer pour le fait qu’il soit un animal comme un autre et pas hors nature. Mais le point où nous en sommes arrivés aujourd’hui militerait pour l’inverse. Aucun animal n’a transformé des molécules en d’autres molécules. L’Homme si par les réactions chimiques. Puis il est parvenu à transformer les atomes à les fractionner par bombardements de particules produisant l’énergie nucléaire par fission, en attendant la mise au point de celle par fusion. Plus généralement pour la notion de progrès ou pseudo progrès ; scientifique , linguistique, etc…
Pour autant, la survie de son cerveau reptilien , réminiscence de son époque d’age des cavernes, cerveau qui lui permettait de fuir les prédateurs, milite pour qu’il soit un animal comme les autres, animal qui a beaucoup évolué, et donc DANS la nature et non HORS nature.
Je pense que Dieu (au sens général, plus vaste que le Dieu monothéiste, créateur de l’univers, le Dieu-Horloger de Voltaire, même si pour moi, c’est le même, mais on peut croire au créateur de l’univers sans croire au Dieu monothéiste, c’est à dire sans croire à l’histoire que narre la bible, même partiellement) , a doté l’Homme de capacités intrinsèques (intelligence) lui permettant d’évoluer même si il a évolué de façon darwinienne. N’oublions pas qu’il n’est qu’un cousin du singe et n’en descend pas, même si la blague dit : « l’Homme descend du singe, et le singe descend de l’arbre! ». J’ai un peu la même position vis à vis des fœtus, au niveau de la conscience. A quel moment un fœtus est-il doté d’une conscience ? (puisque chacun sait, en particulier grâce à la regrettée Françoise Dolto , mère du non-moins regretté chanteur Carlos, pour ceux qui l’ignorent, que les fœtus écoutent les voix extérieures, en comprennent les intonations, et s’y attachent principalement celle de la mère). Je pense que la conscience n’arrive pas quand le fœtus n’est qu’un amas cellulaire, de dizaines ou centaines de cellules, mais plus tard, mais toutefois bien avant la naissance. A ce propos pour moi, la date à prendre en compte dans le cadre de l’astrologie n’est pas tant la date de naissance, que la date de conception, et même idéalement la date de venue de la conscience. Cette venue de la conscience serait compatible avec le concept de réincarnation des bouddhistes et hindouistes. En effet, que devient la prétendue corrélation entre date de naissance et conjonction d’astres lorsque l’accouchement est déclenché par l’Homme pour raison médicale ? Quelle date est alors à prendre en compte : la date réelle de l’accouchement provoqué ou la date de l’accouchement s’il n’avait pas été provoqué ? Cela n’a donc pas de sens.
Ainsi à quand une unification des religions à l’instar de l’unification des 4 forces physiques : électromagnétique, gravitationnelle, nucléaire faible, nucléaire forte ?
[Nota pour les lecteurs non croyants : pour mémoire, la bible interdit de prédire l’avenir (*), juifs et chrétiens le savent ou devraient le savoir. J’y veille. Je n’interrogerai jamais d’astrologue sur mon avenir personnel, comme chrétien et comme porteur d’un nom d’origine juive.
(*) pour quelle raison ? Je connais un peu la bible, sans être un spécialiste. j’ai lu plusieurs fois le nouveau testament, et au moins une fois l’ancien testament. Je ne sais plus où cela est évoqué. Je pense qu’il y a 2 raisons :
1/ tenter de prédire l’avenir serait tenter de se mettre au niveau de Dieu : crise de lèse majesté pourraient dire les athées en pourfendant ce qui pourrait être pris comme un coté orgueilleux de Dieu, je conçois que cela puisse étonner ou choquer les non-croyants,
2/ risque d’adoration des signes astrologiques comme les romains les grecs, les égyptiens de l’antiquité adoraient plusieurs dieux.
Il y a peut-être pour les accros à l’astrologie chrétiens ou juifs moyen de ne pas déroger à cette règle en se limitant à une prédiction floue, prédiction de tendance et non de faits, limitée à certains domaines pour un individu (amoureux, professionnel), voire élargie à un groupe, un pays plus qu’à un individu.
Pour ma part je crois à l’astrologie au sens scientifique du terme, à l’influence des forces gravitationnelles des astres qui nous entourent, ou des forces électromagnétiques (rayonnement solaire, en particulier tempêtes solaires qui ont lieu tous les 11 ans avec forte émission de particules atomiques comme les neutrinos) , puisque le corps humain est composé à une très grande part d’eau mais pas ou peu à l’astrologie telle qu’on nous la présente, qu’on nous la vend]
En conclusion, en mon fort intérieur je pense que l’Homme est HORS nature mais on ne peut tout simplement pas le démontrer. On peut le voir comme DANS ou HORS suivant l’approche qu’on en a.
Chapitre sur SPINOSZA
JFR dit que Spinosza bâtit sa vision de la philosophie sur des définitions. Le début sur les notions d’etre et d’essence est ardu, un des passages les plus ardus du livre. A propos de l’essence, cela m’a fait repenser à un membre de l’Opus Dei avec lequel j’avais échangé lors de notre voyage à Venise. Nous avions parlé de ce qui fait qu’un chien est un chien, c’est bien l’essence.
Chapitre sur LEIBNIZ
Le Nécessaire et le Contingent sont ses maîtres-mots. Passages ardus aussi du livre. Son concept du monde des possibles dont seulement une partie se réalise me fait penser à la physique quantique et à la théorie actuelle des mondes parallèles. Et le terme spatio-temporel me fait penser à la théorie de la relativité bâtie par Einstein. A la courbure de l’espace temps. Ou à l’idée de S.Hawkins vu sur Facebook hier soir que le Bib-bang n’est qu’un éternel recommencement. SH fait appel à un espace-temps à 6 dimensions et fait une analogie , pour l’imager, avec la surface de la terre, à 2 dimensions mais sphérique dont il n’y a pas de début ni de fin.
Leibniz serait-il un précurseur de ces théories ?
Chapitre sur la METAPHYSIQUE CLASSIQUE
p435 , je cite : « Les concepts de nécessaire et de contingents sont introduits par Leibniz avant ceux de possible, d’essence , d’existence, parce que son principal souci est d’éviter la fatalité spinosziste ».
p438 , je cite : « l’existence de Dieu est ainsi prouvée par la nécessité d’avoir recours à un Etre qui soit cause de soi pour expliquer l’existence des réalités existantes qui ont leurs causes hors d’elles ».
p439, je cite : « il faut trouver la raison qui fait exister ce monde. le principe qui désignera cette raison sera le nouveau nom de la nécessité hypothétique , envisagée à partir de la nécessité métaphysique une fois acquise. Ce principe est le suivant : « il y a toujours dans les choses, écrit Leibniz , un principe de détermination, qui doit se tirer d’un maximum et d’un minimum, de manière que le plus grand effet soit fourni, pour ainsi dire, par la moindre dépense. » C’est donc un principe d’économie. Ce principe rend raison de l’existence de certains possibles , de préférence à d’autres, choix qui, sans cela, resterait inintelligible.
p441, je cite : « Quand Leibniz dit que Dieu réalise les possibles, il ne parle pas de l’existence de ceux qui existent dans le monde , dont nous avons l’expérience, mais de leur réalité en tant que possibles…..L’existence est un cas particulier : elle est relative à l’espace et au temps. L’existence , à proprement parler est l’appartenance de certains possibles à l’espace et au temps. Mais le fait que ces possibles existent n’est pas leur seule réalité, ils avaient déjà leur réalité, celle meme des possibles non mondanisés ». Ayant une plus grande réalité que les autres possibles, ils ont priorité pour participer à la combinaison spatio-temporelle qu’est l’existence, parce que celle-ci est soumise à des limites, comparables à celles de certains jeux qui comptent un nombre fini de cases dans lesquelles on peut mettre un maximum de pions suivant une loi précise. La spatio-temporalité qui fait l’existence est un contenant. L’existence se pose ainsi comme un cas particulier de celui beaucoup plus vaste de réalité. C’est une sélection des possibles proportionnelle à leur quantité de réalité et relative à la capacité du contenant ».
On voit ici bien Leibniz le scientifique. Sa théorie des possibles m’a fait penser à celle actuelle des mondes parallèles de S.Hawking. Leibniz était un précurseur.
p456 , je cite : « Chez Spinosza la thèse primitive de l’unité de substance aboutit à une séparation absolue entre la nécessité temporelle et la nécessité éternelle. L’individualité est illusoire , mais elle est insurmontable, parce que le passage d’une nécessité à l’autre , de la contrainte à la liberté, n’est ni fondé ni exposé. Chez Leibniz , l’individualité est fondée dans la notion , mais comme elle est sans le temps , les substances individuelles sont absorbées en Dieu : au contraire chez Spinosza c’est la séparation entre Dieu et le monde qui s’efface. Le monde, comme objet , se trouve etre chez Leibniz, les substances dont dont la distinction n’a pas été poussée jusqu’à la conscience de soi, ou, pour employer son vocabulaire, jusqu’à l’auto-aperception ».
V – Unité fondamentale des 3 principales métaphysiques classiques
p457, je cite : « Le propre de la métaphysique pure est est précisément de multiplier les solutions à des problèmes insolubles, dont elle ne justifie pas la formulation (telles la conciliation du mal et de la bonté divine, ou encore l’action de l’ame sur le corps) et dès lors elle elle fabrique des problèmes au fur et à mesure qu’elle croit en résoudre. De proche en proche comme chacune de ses solutions est génératrice d’un nombre correspondant de difficultés, elle ne travaille bientôt plus qu’à sa propre élucidation…. Car la Métaphysique classique est victime de sa propre ingéniosité… ».
« Après la période classique, le mot philosophe a changé 2 fois de sens : une 1ère fois au début du XVIIIème siècle, une seconde fois au début du XIXème siècle.….
A vrai dire , la signification du concept de philosophie avait toujours été assez large : totalité des sciences, fondement des sciences, méthode de pensée, règle de conduite, école de sagesse, école de bonheur, connaissance de la réalité et des réalités, ainsi que de la réalité des réalités : la substance ou cause radicale , l’Etre en soi, identifiés ou non en dernière analyse à la divinité. Ces composants se trouvent réunis en Descartes, Spinosza, Malebranche, Leibniz. Mais l’ambition universaliste avait été pulvérisée par une révolte contre la philosophie au nom de la connaissance, révolte qui pour la première fois n’était plus simplement l’assaut d’une philosophie contre une autre mais l’affirmation que la poursuite de la vérité ….se trouvait entravée par la philosophie. ….
Le changement du sens du mot de philosophie, au XVIIème siècle, c’est donc d’abord la dissipation de l’impératif métaphysique : pour connaitre le détail du monde, il n’y a plus lieu de posséder au départ une théorie de l’Etre en tant qu’etre, et il n’y a pas non plus obligation de la dégager à l’arrivée.…
En fait, la thèse dominante au XVIIème siècle est qu’il n’existe pas d’objet métaphysique, et donc que la connaissance métaphysique est une pseudo-connaissance , du moins dans le sens de la connaissance d’une réalité absolue située au-delà de l’expérience, car le mot a d’autres sens….
Si il y avait encore quelqu’un d’assez absurde, écrit Voltaire dans la Préface historique à la traduction des Principia Mathématics de Newton par Mme du Chatelet, pour soutenir la matière subtile et la matière cannelée, pour dire que la terre est un soleil encrouté, que la lune a été entrainée dans un tourbillon de la terre, que la matière subtile fait la pesanteur et toutes ces autres opinions romanesques substituées à l’ignorance des Anciens, on dirait : cet homme est cartésien ; s’il croyait aux nomades, on dirait : il est leibnizien ; mais on ne dira pas de celui qui connait les éléments d’Euclide qu’il est euclidien, ni de celui qui sait d’après Galilée en quelle proportion les corps tombent qu’il est galiléiste….
Ainsi, au XXème siècle, quand on parle de heideggériens, de bergsoniens, de marxistes ou de structuralistes, on peut etre sur qu’il s’agit de chapelles, survivances d’un monde passé de réflexion, et non de savoir. »
Quoi de mieux et plus efficace penseur que Voltaire en matière de condamnation de l’obscurantisme et de l’intolérance !
« ….ainsi Philosophie s’oppose à secte, autrement dit à tout état d’esprit consistant avant tout à protéger l’orthodoxie d’une école, cet état d’esprit qui préfère renoncer au développement des connaissances plutôt que d’avoir à modifier une thèse… »
Ainsi, les islamistes aujourd’hui ont remplacé la stupidité, le dogmatisme, le fanatisme, l’intolérance de l’Eglise catholique de l’Inquisition et des pseudo-philosophes associés.
PARTIE III – TRIOMPHE ET MORT DE LA PHILOSOPHIE (page 482 à 520).
c’est sans doute la partie la plus intéressante par son aspect synthétique et ses comparaisons variées et le fait que KANT est évoqué, et j’ai compris maintenant pourquoi, il est évoqué aussi tard. Mon professeur de philosophie en terminale nous en parlait beaucoup, je crois me souvenir.
JF Revel aborde la connaissance par l’expérimentation et nous parle de Kant et de sa « critique de la raison pure ». Kant , dit-il, remet en cause la métaphysique et la philosophie qui ont moins apporté en progression de la connaissance en 2000 ans que la science en un siècle. Pourquoi ? Parce que la philosophie et la métaphysique n’ont fait que faire des enchaînements pseudo-logiques à partir de concepts arbitraires, le tout sans les vérifier expérimentalement, alors que la science a, durant le dernier siècle, au moment où il écrit son livre, vérifié expérimentalement ses théories. Le summum dans ce domaine est pour moi Descartes et son idée, son concept que les animaux sont comme des machines.
« La « critique de la raison pure » est le plus philosophique de tous les ouvrages de philosophie puisque c’est l’ouvrage en quelque sorte testamentaire, exemple d’une abnégation unique dans l’Histoire où un philosophe explique pourquoi la philosophie ne peut plus exister. »
« La grande leçon de la physique c’est que la raison humaine réduite à sa propre virtuosité, pouvant entasser les démonstrations apparentes sans jamais appréhender le réel , doit, pour contenir ce vice qui lui est inhérent, s’astreindre à s’exercer toujours dans les limites de l’expérience possible. »
Kant écrit aussi que la Métaphysique sert l’intérêt des Écoles mais pas l’intérêt de l’Homme.
JFR écrit que pour Kant « la philosophie ne doit plus avoir l’ambition de servir elle-même directement à connaitre. Elle doit se borner à dire, en se fondant sur l’auscultation des exemples réussis, comment il faut procéder pour connaitre, en abandonnant à d’autres disciplines le soin de s’y employer ».
« la canonisation de Kant depuis sa mort en 1804 s’est accompagnée de la méconnaissance feinte ou naïve du noyau dur de son message. C’est pourquoi les philosophes ont continué d’exister; mais pas la philosophie. Les philosophes d’après la mort de la philosophie ne sont plus que les mimes de leurs devanciers… Certes la philosophie subsiste, mais en tant que genre littéraire comme le roman, la poésie etc….qui a perdu la fonction de savoir encyclopédique qui fut la sienne ou à laquelle il prétendit à l’époque de Platon à Leibniz. »
Le livre se termine par ce qui suit, très brillant et lucide :
« Que la philosophie au sens ancien et classique ait quitté la scène du savoir et ne se perpétue plus que sous forme de contrefaçon verbale de ce savoir, ne signifie certes pas que la pensée et les penseurs, même en dehors des sciences proprement dites ont cessé d’exister ni d’être indispensables Cela signifie que les vrais penseurs d’aujourd’hui ne sont plus ceux qui échafaudent les grands systèmes philosophiques de jadis. Ils se situent plus dans la descendance de Montaigne que dans celle de Descartes, et plus dans l’héritage de Montesquieu ou de Tocqueville que dans celui de Spinosza ou de Hegel. On trouve , certes, sur la société, la politique et l’histoire de grandes idées chez Spinosza et chez Hegel, mais elles sont grandes pour ainsi dire indépendamment et même malgré leurs systèmes. De même l’autre fonction traditionnelle de la philosophie, à coté de sa fonction de savoir, c’est à dire la recherche de la sagesse et du bonheur, la connaissance de soi et des semblables, l’art de vivre et de comprendre la vie, on la trouve remplie plus par des essayistes aphoristiques comme Nietzsche ou Cioran, que par des faiseurs modernes de systèmes qui ressemblent à des fabricants de faux meubles anciens (très parlant , je trouve, excellent, c’est cash !). Et si un sens philosophique existe encore, il consiste justement, comme le sens de l’art, à savoir déceler les faux. La philosophie a été la plus féconde entreprise de l’esprit avant la science née à la fois d’elle et contre elle. Mais si grande soit notre dette envers les philosophes passés, n’oublions jamais cette remarque de Cicéron, qui s’applique encore mieux à leurs contrefacteurs actuels : « rien ne peut être dit de si absurde qui ne soit dit par quelque philosophie » ».
Dans ce dernier chapitre, j’ai compris lumineusement le titre « critique de la raison pure », c’est à dire critique de la pseudo-raison qui ne s’appuie pas sur l’expérimentation. Mais l’auteur relate aussi que Kant n’est pas, pour autant tombé dans l’empirisme pur, absolu, car , je cite : « se soumettre à ‘expérience n’est pas admettre la passivité de l’esprit, un esprit miroir qui se réduirait à la fonction d’enregistreur passif des données fournies sans aucun ordre par la sensation. En d’autres termes refuse l’empirisme pur , dont, à ses yeux, la stérilité scientifique est égale à celle du dogmatisme. »
Nous sommes donc dans le NI-NI : ni dogmatisme ni empirisme, un juste milieu.
Pour ma conclusion, se reporter à l’article « Lecture synthétique » à propos du même livre.