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ETAT DE DROIT (Partie 7) AVIS DE LA CNCDH. POINT DE VUE : «L’état d’urgence permanent subvertit en profondeur l’Etat de droit»

VOIR NOTRE PRECEDENTE PUBLICATION:

ETAT DE DROIT (Partie 6) «En validant le passe vaccinal, le Conseil constitutionnel entérine un changement de modèle politique» POINT DE VUE

1. « L’état d’urgence permanent subvertit en profondeur l’Etat de droit »

C’est le titre de l’entretien que publie Le Monde du 21 01 2022.

Sur cet « état d’urgence permanent » en place en France depuis 2015, après les attentats puis la crise sanitaire, vous pouvez retrouver cette interview de la professeure de droit Stéphanie Hennette-Vauchez – par Anne Chemin – qui estime que les frontières entre la démocratie et l’autoritarisme ont été « diluées » durablement.

Extraits:

« Les frontières entre la démocratie et l’autoritarisme ont été « diluées » durablement. »

« La frontière entre le droit commun et le régime d’exception se brouille de plus en plus, constate Stéphanie Hennette-Vauchez, professeure de droit. Elle s’inquiète des conséquences d’une « normalisation » de l’état d’urgence. 

Dans La Démocratie en état d’urgence. Quand l’exception devient permanente (Seuil, 224 pages, 19,90 euros), la juriste Stéphanie Hennette-Vauchez, professeure de droit public à l’université de Nanterre et directrice du Centre de recherches et d’études sur les droits fondamentaux (Credof), estime que, depuis 2015, les états d’urgence liés au terrorisme, puis à la crise sanitaire, ont, en France, durablement « dilué » les frontières entre la démocratie et l’autoritarisme.

Votre ouvrage est très critique sur les états d’urgence liés au terrorisme et à la crise sanitaire que la France a connus depuis 2015. Est-ce à dire que vous contestez le principe même d’un état d’exception ?

Je ne remets pas en cause la légitimité du recours, en temps de crise, à un régime d’exception : je critique la pratique, dans la France contemporaine, des états d’urgence à répétition. Nous avons vécu sous état d’urgence antiterroriste de 2015 à 2017, puis sous état d’urgence sanitaire, à quelques variations près, depuis 2020 : au total, ces périodes représentent quarante-quatre des soixante-quinze mois qui se sont écoulés depuis les attentats de novembre 2015…

Ce régime d’exception a fini par devenir un nouveau paradigme de gouvernement : il est tellement installé dans le paysage politique que les autorités ne le signalent même plus. Avant le deuxième confinement, le 14 octobre 2020, Emmanuel Macron, qui avait signé le matin même le décret rétablissant l’état d’urgence sanitaire, n’a pas prononcé une seule fois ce mot dans son allocution télévisée.

Vous analysez, dans votre livre, l’histoire des états d’exception depuis l’Antiquité. Sur quels principes étaient-ils fondés ?

Ces modèles historiques étaient caractérisés par un principe commun : la suspension de l’ordre juridique normal. Dans l’Antiquité romaine, l’état d’urgence reposait ainsi sur la désignation d’un dictateur qui disposait temporairement des pleins pouvoirs.

La suspension de l’Habeas Corpus anglais, en 1689, ou les lois françaises sur l’état de siège de 1849 ou 1878, reposaient sur une même logique d’écart à la norme. Ce modèle est théorisé, au lendemain de la première guerre mondiale, par le juriste allemand Carl Schmitt [1888-1985] : pendant l’état d’exception, le souverain doit, selon lui, jouir d’une autorité illimitée.

Ces modèles « autoritaires » du passé sont tombés en désuétude après la seconde guerre mondiale. Pourquoi ?

La réticence envers ces régimes d’exception correspond à la montée en puissance du paradigme de l’Etat de droit. Dans les années 1970-1980 s’impose, dans les démocraties occidentales, l’idée que l’action de l’Etat doit être subordonnée au respect de la séparation des pouvoirs, et des libertés individuelles – y compris dans les situations de crise.

…/…

2. Article

RAPPEL DES AVIS DE LA Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme (CNCDH) SUR L’ETAT D’URGENCE

Dalloz actualité, par Carine Biget le 7 mai 2020

Par trois avis adoptés le 28 avril, la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) met en garde sur les conséquences de l’instauration d’un état d’urgence sanitaire.

CNCDH,

avis « État d’urgence sanitaire et État de droit »CNCDH

avis « Une autre urgence : rétablir le fonctionnement normal de la justice »CNCDH,

avis sur le suivi numérique des personnes

La CNCDH s’interroge sur la pertinence de la création même de l’état d’urgence sanitaire au regard des outils dont le gouvernement disposait déjà pour gérer la crise sanitaire ainsi que sur son impact sur le fonctionnement des institutions et le respect des libertés. Elle s’inquiète notamment de l’imprécision de la définition de l’état d’urgence sanitaire, « qui ouvre le risque d’y recourir dans n’importe quelle circonstance » et déplore une concentration, inédite en temps de paix, entre les mains de l’exécutif du pouvoir de restreindre les droits et libertés, dans un contexte d’affaiblissement des mécanismes de contrôle, tant parlementaire que juridictionnel.

Une justice en mode dégradé

Observant par ailleurs que c’est la première fois qu’un état d’urgence conduit à suspendre massivement l’activité des tribunaux, la Commission regrette par ailleurs le traitement du service public de la justice et notamment la restriction de l’accès au juge pour les contentieux jugés « essentiels ».

Elle appelle à ce qu’il soit mis fin aussi tôt que possible au régime provisoire instauré par les ordonnances du 25 mars 2020 qui ont créé « une justice en mode dégradé », dans un contexte judiciaire déjà marqué par des tensions importantes. Elle s’inquiète aussi de l’effectivité des droits de la défense, des atteintes relevées en matière d’assistance éducative ainsi que de la prolongation des détentions provisoires et met en garde contre « la tentation d’un glissement » des dispositions d’exception dans le droit commun.

L’efficacité incertaine du suivi numérique des personnes

Alors que la Commission nationale de l’informatique et des libertés a rendu, le 24 avril, un avis nuancé sur le projet « StopCovid », la CNCDH lance en outre une alerte sur les dangers d’une application de suivi des personnes et des contacts, estimant que l’intérêt et l’efficacité d’un tel suivi « sont trop incertains en comparaison de la menace disproportionnée qu’ils font peser sur les droits et libertés fondamentaux ».

Si elles peuvent évidemment concerner le droit à la protection des données personnelles, des atteintes peuvent être également portées à la protection de la vie privée ainsi qu’aux libertés collectives ou être source de discriminations, avertit la Commission, qui craint de surcroît que l’acceptabilité sociale de ce suivi puisse favoriser à l’avenir l’usage d’une telle technologie pour d’autres fins (suivi médical, contrôle judiciaire, contrôle des étrangers, des manifestants, personnes sous mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance, etc.).

3. Avis « Etat d’urgence sanitaire et Etat de droit »

Presentation par la CNCDH

L’adoption de la loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 le 23 mars 2020 a fait entrer la France dans un régime inédit : l’état d’urgence sanitaire. La loi du 23 mars habilite le Premier ministre à prendre, par ordonnance, des mesures qui restreignent gravement les droits et libertés des citoyennes et citoyens, dans de nombreux domaines.  

La CNCDH s’interroge sur la nécessité de créer un nouveau régime d’état d’urgence, alors qu’il aurait été possible d’inscrire la situation exceptionnelle actuelle dans le cadre de loi de 1955 sur l’état d’urgence.

Elle relève une série de points d’inquiétude dans l’Avis adopté lors de l’Assemblée plénière du 28 avril, dans lequel elle rappelle que toutes les mesures prises au titre de l’état d’urgence sanitaire doivent répondre aux principes de stricte nécessité, d’adaptation et de proportionnalité et non- discrimination, et qu’il doit être mis fin à l’état d’urgence sanitaire, et à toutes les mesures restrictives libertés qui y sont liées, dès que la situation sanitaire ne le justifie plus.

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