
« Notre régime présidentiel aboutit à une concentration des pouvoirs entre les mains d’une seule personne.
Sans l’abandonner, des réformes sont envisageables pour mettre fin à cette spécificité française »,
c’est le propos que l’actuelle campagne et le débat sur les institutions inspirent à Jean Quatremer dans Libération.
Nous vous proposons également un extrait de l’article de janvier du même journaliste qui écrit :
« En réaffirmant dans son entretien au «Parisien» que les devoirs priment sur les droits fondamentaux, le Président fait subrepticement basculer le pays dans un régime qui s’éloigne de l’Etat de droit. »
1. Billet – Extraits
En finir avec le psychodrame de la présidentielle
par Jean Quatremer, correspondant européen publié le 15 avril 2022 Libération
Avec la qualification, pour la troisième fois depuis 2002, d’un leader d’extrême droite pour le second tour de la présidentielle, cette élection s’est transformée en un choix entre, non pas deux partis de gouvernement, mais entre deux régimes, l’un républicain, libéral et européen, l’autre autocratique, illibéral et nationaliste. La démocratie peut-elle ainsi être remise en cause sur un coup de dé tous les cinq ans en sachant qu’un jour où l’autre un ou une populiste d’extrême droite ou de gauche radicale finira par arriver au pouvoir, puisque c’est à cela que se réduit aujourd’hui l’opposition en France ?
Il s’agit d’une spécificité française, car dans les autres démocraties occidentales, il est rare qu’une élection emporte de telles conséquences, y compris lorsque des partis populistes accèdent au pouvoir, tout simplement parce qu’il s’agit de démocraties parlementaires dotées de contrepouvoirs solides et que le système électoral soit élimine les extrêmes (comme au Royaume-Uni) soit oblige les partis à s’allier entre eux et à trouver des compromis.
Royauté élective
En revanche, le régime présidentiel français, créé par la constitution de la Ve République, aboutit à une concentration des pouvoirs entre les mains d’une seule personne dont même le président américain ne pourrait rêver, puisque le président de la République française, politiquement irresponsable durant cinq ans, s’appuie sur une majorité qui lui doit tout à l’Assemblée nationale, le Sénat n’ayant (presque) aucun pouvoir.
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2. Article – Extraits
La France autoritaire d’Emmanuel Macron
par Jean Quatremer, publié le 5 janvier 2022 Libération
En réaffirmant dans son entretien au «Parisien» que les devoirs priment sur les droits fondamentaux, le Président fait subrepticement basculer le pays dans un régime qui s’éloigne de l’Etat de droit.
«Etre un citoyen libre et toujours être un citoyen responsable pour soi et pour autrui ; les devoirs valent avant les droits», a tranquillement affirmé Emmanuel Macron lors de ses vœux à la nation du 31 décembre. Un lapsus dans la patrie de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen ? Un contresens dans une démocratie libérale qui repose d’abord sur la liberté de l’individu avant les droits du collectif ? Non, il s’agit d’une pensée politique qui a pris forme à la faveur de la pandémie de coronavirus et de la concentration des pouvoirs, sans précédent et sans équivalent dans une démocratie, entre les mains de l’exécutif.
Ce n’est pas la première fois qu’Emmanuel Macron insiste sur le fait que les devoirs du citoyen l’emportent sur ses droits, seul moyen de justifier les atteintes massives aux libertés fondamentales décidées par lui seul en majesté après avoir réuni un conseil de défense sanitaire couvert par le secret-défense. De fait, le Parlement lui a délégué tous ses pouvoirs à la faveur de lois d’état d’urgence et de lois de sortie de l’état d’urgence prolongées ad infinitum avant d’être bientôt inscrites dans le droit commun.
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