
MISE À JOUR
« Pap Ndiaye, ministre de l’éducation nationale : « Il y a bel et bien une vague de port de tenues pouvant être considérées comme religieuses » »
Titre Le Monde – à l’occasion d’un entretien avec le ministre – qui poursuit :
« Le ministre dévoile les chiffres des atteintes à la laïcité, qui sont en hausse. Un phénomène porté notamment par les réseaux sociaux, assure-t-il.
« A quelques jours des deux ans de la mort de Samuel Paty, ce professeur d’histoire assassiné par un terroriste islamiste après un cours sur la liberté d’expression, le 16 octobre 2020, Le Monde a rencontré le ministre de l’éducation nationale, Pap Ndiaye. Soulignant l’importance de ce traumatisme pour la communauté éducative, il développe sa conception de la laïcité, sa stratégie pour lutter contre les tentations communautaires et pour restaurer la place symbolique de l’enseignant dans la société.
« Nous allons commémorer, le 16 octobre, les deux ans de l’assassinat de Samuel Paty. De quoi est-il devenu le symbole ?
« Son assassinat par un terroriste islamiste a été un choc immense et, deux ans après, il se fait encore sentir. C’est un traumatisme extrêmement puissant. Moi qui suis professeur d’histoire, je le ressens encore. Samuel Paty incarne l’acte d’enseigner, le devoir de transmettre indépendamment des pressions, y compris religieuses. C’est pour cela que sa mort a été aussi traumatisante, outre ses circonstances horribles : l’assassin s’est attaqué à l’école dans son essence même. Un hommage lui sera rendu dans chaque établissement vendredi ou lundi. Nous demandons à tous les établissements de le faire.
« Cette commémoration intervient à un moment où les atteintes à la laïcité sont en hausse dans les établissements scolaires. Quels sont les derniers chiffres compilés par les académies ?
« Pour septembre [pour la première fois, ces chiffres sont publiés mensuellement], on recense 313 faits d’atteinte aux principes de laïcité. Au dernier trimestre de l’année précédente, d’avril à juillet, 909 faits avaient été remontés, contre 635 entre décembre et mars. Le mois de septembre confirme cette augmentation des faits d’atteinte au principe de laïcité ; 51 % de ces faits ont lieu dans des lycées. Auparavant, les collèges étaient les plus concernés. La majorité de ces signalements, 54 %, concernent le port de signes et tenues religieux. Les chiffres de septembre confirment ce que l’on observe depuis un an, à savoir une montée des signalements pour des questions de tenue.
« En revanche, les signalements pour refus de participer à une activité ou contestation d’enseignement sont plus faibles, autour de 7 % chacun.Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Les atteintes à la laïcité sont en hausse dans les établissements scolaires
« Comment interprétez-vous ces chiffres ? Sont-ils plus élevés parce que les remontées sont plus systématiques ?
« En effet, nous demandons qu’il n’y ait pas de censure à ce sujet. Mais il y a bel et bien une vague de port de tenues pouvant être considérées comme religieuses, notamment les abayas, les qamis et les bandanas. Depuis quelques mois, nous avons pris connaissance d’un phénomène de coordination et d’agitation d’une partie de notre jeunesse sur les réseaux sociaux. »
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Le ministère de l’Éducation nationale définit les procédures
Dans un courrier adressé ces jours-ci aux recteurs d’académie, le ministère de l’Éducation nationale donne des clés aux chefs d’établissement pour gérer les signes religieux dans l’enceinte scolaire. Ce courrier, intervient quelques jours après que Pap Ndiaye, le ministre de l’Éducation nationale, a indiqué que les « remontées » de terrain « confirment une hausse des signalements » d’atteintes à la laïcité à l’école depuis la rentrée, « en particulier les signalements de port de vêtements ».
La missive donne aux principaux de collèges et proviseurs de lycées des outils pour savoir si oui ou non un élève contrevient à la loi de 2004 sur le port de signes ou de tenues religieuses. Le ministère cite notamment les abayas, ce vêtement féminin qui couvre l’ensemble du corps, à l’exception de la tête, des pieds et des mains, et les qamis, un vêtement masculin très long. Portées par certains élèves au collège et au lycée, ces tenues doivent être interdites.
Ces tuniques sont « habituellement portées lors de fêtes religieuses, en l’occurrence musulmanes », détaille le courrier. Elles peuvent donc être une forme de« manifestation ostensible de convictions religieuses ».
Le dialogue avant la procédure disciplinaire
Si le chef d’établissement constate qu’un élève porte cette tenue, le ministère l’invite d’abord à rencontrer l’élève avec sa famille. C’est souvent à ce moment-là que les parents apprennent que leur fils ou leur fille va à l’école en portant un abaya ou un qami. Après cette réunion, si l’adolescent continue de venir avec sa tenue, une procédure disciplinaire est alors lancée, pouvant aller jusqu’à l’exclusion de l’élève avec sursis.
Les chefs d’établissement doivent également signaler chaque incident sur une application. Ils cochent la case « atteinte aux valeurs de la République », en l’occurrence la laïcité. L’information remonte alors aux rectorats. Un inspecteur référent « Valeurs de la République » peut ainsi venir en aide au chef d’établissement afin de gérer ces incidents. Il y a un inspecteur référent par académie. Ces incidents consignés remontent ensuite jusqu’au ministère de l’Éducation nationale.
ARTICLE
Laïcité : le ministère alerte sur les tenues religieuses dans les établissements scolaires
Par Marianne Publié le 23/09/2022
L’administration s’inquiète : le pôle « Valeurs de la République » du ministère de l’Education nationale a adressé, ces dernières semaines, des notes d’appel à la vigilance aux rectorats au sujet du port de tenues « ostensiblement » religieuses.
Contrairement à son prédécesseur, Jean-Michel Blanquer, le ministre de l’éducation nationale Pap Ndiaye communique peu sur la question de la laïcité à l’école et quand il en parle, c’est avec beaucoup de précautions. En juin, il indiquait, en « universitaire » qu’il avait « besoin de données avant de pouvoir agir » sur les tenues islamiques.
Pourtant des chiffres du Service central du renseignement territorial, divulgués le 14 juin dernier, faisaient état de 144 entorses à la loi de 2004 sur la laïcité à l’école au deuxième trimestre 2022 contre 97 sur les trois premiers mois de l’année.null
REMISE EN CAUSE DE LA LOI DE 2004
À Paris, notamment, des proviseurs et enseignants se sont alarmés au sujet de la multiplication de tenues islamiques (abayas, jilbab et qamis) au printemps dernier, pendant le ramadan. Interrogé le 4 septembre par La Dépêche du Midi sur l’islamisme et l’antisémitisme à l’école, Pap Ndiaye affirmait à nouveau – tout en les condamnant – qu’il se « garderait bien de généraliser ces phénomènes ».
Plus récemment, on ne l’a pas vu soutenir publiquement une enseignante menacée à Paris : le frère d’une élève de première du lycée Simone-Weil (IIIe) qui refusait d’enlever son voile en sortie scolaire, le 16 septembre, a menacé de mort l’enseignante accompagnatrice. Il a été interpellé alors qu’il était en chemin pour en découdre avec l’enseignante, et remis en liberté dimanche 20 septembre, sous contrôle judiciaire.
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Pour autant, la rue de Grenelle ne chôme pas. Depuis août, le pôle national « Valeurs de la République » du ministère a adressé des notes aux rectorats sur le port de tenues « ostensiblement » religieuses. Dans un courrier envoyé à toutes les académies de France, ils signalent « une mobilisation sur les réseaux sociaux visant à remettre en cause la loi de 2004 interdisant le port de signes religieux ostensibles à l’école », a révélé l’Express. Un courrier du rectorat de Dijon a relayé cette alerte auprès des chefs d’établissements.
Le recteur y évoque un « encouragement à porter des vêtements marquant une appartenance religieuse », mais aussi des « appels à la prière dans les établissements » ou des « invitations au chantage à la photo de jeunes femmes musulmanes dévoilées ». Et appelle au respect ferme de la loi de 2004. « Il était temps que le ministère réagisse de façon officielle » note un professeur travaillant en Haute-Garonne, « ce mouvement n’est, certes, pas neuf. Mais il s’amplifie depuis l’an dernier dans de très nombreux établissements. Certains de mes jeunes collègues sont très mal à l’aise lorsqu’ils font face à une élève portant une abaya [vêtement large couvrant l’ensemble du corps, qui se porte au-dessus d’autres vêtements] par exemple. Pour eux, ce n’est pas nécessairement un signe religieux… »
MENACES DE MORT SUR LES RÉSEAUX SOCIAUX
« Plusieurs messages, sur les réseaux sociaux, de comptes gravitant autour de la mouvance islamiste remettent en cause le principe de laïcité à l’école », alerte également une notedu Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR), fin août : incitation à la prière au sein de l’école, conflits entre personnel éducatif et élèves, etc. Le comité a par ailleurs observé ces derniers mois, « une recrudescence des messages menaçants », visant particulièrement les conseillers principaux d’éducation dont l’identité voire la domiciliation ont été communiquées sur les réseaux sociaux.
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Fin juin, une enquête avait précisément été ouverte à la suite de menaces de mort faites à l’encontre d’un membre du personnel d’éducation du lycée Charlemagne, dans le IVe arrondissement de Paris. Cette conseillère principale d’éducation avait demandé à une élève de retirer son voile lors d’une épreuve du baccalauréat. Après plus d’une demi-heure de discussion animée, la candidate avait finalement accepté de retirer son voile avant d’être accompagnée à sa salle d’examen. Mais dès le lendemain, la fonctionnaire du lycée avait été la cible de menaces de mort sur les réseaux sociaux, certains internautes appelant à révéler son identité.
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