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SE MÉFIER DES MARCHANDS DE PEUR, MAUVAISE CONSEILLÈRE ET LIT DE L’AUTORITARISME

ARTICLE

Les 50 ans du rapport Meadows ou le règne des marchands de peur

1 octobre 2022 Gérard-Michel Thermeau. CONTREPOINTS

L’épuisement des ressources n’a pas à nous inquiéter. Inquiétons-nous plutôt des marchands de peur. La peur est mauvaise conseillère et fait le lit des dictatures.

Le 1er octobre 1972, il y a 50 ans, le rapport Meadows annonçait la fin du monde, ou presque. Plus exactement d’éminents experts nous annonçaient les limites à la croissance. Nous vivions dans un monde fini aux ressources limitées et nous arrivions au bout du rouleau. Le temps de l’abondance était derrière nous, le temps des pénuries s’annonçait. Depuis, tout en prétendant forcer les autres à « vivre avec moins », Dennis Meadows ne cesse de se déplacer d’un bout à l’autre de la planète en avion pour prêcher son évangile. N’attendons pas des marchands de peur une trop grande cohérence entre leurs discours et leurs actes.

Dennis Meadows ne veut d’ailleurs pas la « décroissance » (mot trop horrible), il souhaite le « bonheur humain ». Cela vous inquiète ? Vous avez bien raison.

 

La Belle époque de M. Meadows

Le monde idéal de M. Meadows est, semble-t-il 1900, la « Belle époque ». Malheureusement cette Belle époque » ne l’était que pour les minorités privilégiées, ce que préfère ignorer cette éminence privilégiée.

Si vous avez vu Soleil vert (1973), ce fameux film de SF de Richard Fleischer, exact contemporain du rapport annonçant la fin du monde, vous aurez toute la philosophie de M. Meadows en images.

Le générique selon la mode de l’époque est constitué d’une suite de photographies. Nous passons d’une vie paisible et rurale (la « Belle époque ») à un monde urbain moderne horrible où s’accumulent véhicules, gens et immeubles dans une atmosphère irrespirable et une nature irrémédiablement souillée.

Puis l’histoire commence : en 2022, dans un New York succombant sous la pollution et la violence, surpeuplé et où l’on manque de tout, les gens s’entassent dans les escaliers. On est un peu loin du compte, tout de même.

D’ailleurs notre brave Meadows cherche fébrilement aujourd’hui les signes de l’effondrement au Sahel, dont on ne savait pas qu’il s’agissait d’une zone centrale du modèle capitaliste.

 

Le mythe de l’épuisement des ressources

Tous les récits catastrophistes que l’on nous sert depuis 50 ans s’appuient sur un mythe fameux, l’épuisement des ressources. La physique pourtant n’a pas grand-chose à dire sur le sujet, la géophysique peut-être davantage mais cette question des ressources est avant tout une question économique et technique.

En 1800, l’éminent Malthus, le Meadows de l’époque, affirmait que l’agriculture était incapable de nourrir plus que la population alors existante, qu’elle nourrissait fort mal d’ailleurs. À ses yeux d’expert éclairé, toute augmentation de la population serait catastrophique et marquée par des famines. Résultat : elle a été multipliée par 7 et les habitants de cette planète sont globalement mieux nourris qu’en 1800. Les grandes famines qui ont ravagé le XXe siècle ont toutes des causes politiques (URSS, Chine et autres régimes communistes) et auraient pu être évitées. Elles n’ont en tout cas rien à voir avec les méfaits du capitalisme et de notre modèle de société.

Vers 1870 dans le roman Les Indes Noires, Jules Verne s’interrogeait gravement sur l’épuisement inéluctable du charbon et se posait cette question angoissante : mais comment ferons-nous marcher nos machines à vapeur ? Vous connaissez la réponse : nous n’utilisons plus de machines à vapeur, tout en exploitant beaucoup plus de charbon qu’à l’époque de Jules Verne.

 

Nous manquerons de tout demain

Quand j’ai commencé d’enseigner il y a plus de 30 ans, il ne restait plus que pour 30 ans de pétrole. Aujourd’hui, le discours n’a pas changé mais le pic pétrolier est toujours situé demain. Il avait pourtant eu lieu en 2006 parait-il et puis zut, en fait, pas exactement. L’Agence internationale de l’Énergie, spécialiste des annonces cruellement démenties par les faits, est à l’image de ces experts qui prétendent dicter notre existence et notre avenir. Entretemps, les réserves de pétrole ont miraculeusement augmenté et le pétrole non conventionnel est venu perturber le tableau.

Bien sûr, tout a une fin comme dirait l’ineffable Meadows. Mais le pétrole ne sera jamais épuisé d’ailleurs, pas plus que le charbon : un jour, il sera abandonné car devenu économiquement non rentable. Et l’on devrait d’ailleurs s’en féliciter, et non s’en inquiéter, si l’on se préoccupait réellement de la pollution.

 

Les ressources n’existent pas en soi

Si on se place sur un plan géophysique, les ressources sont immenses au fond des océans et à l’intérieur de la croûte terrestre. Nous en avons pour des millions d’années en termes purement géophysiques. Mais bien sûr, elles sont inexploitables aujourd’hui selon nos moyens techniques.

En effet, les ressources n’existent pas en tant que telles. Il y a 500 ans, le charbon qu’on grattait essentiellement à la surface du sol était une ressource, très limitée d’ailleurs, le pétrole n’était pas une ressource, l’uranium pas davantage. Ici comme ailleurs, c’est l’utilité qui fait la valeur d’une ressource.

C’est l’éternel problème des projections : les personnes comme Meadows projettent le présent dans le futur. Mais le futur n’aura rien à voir avec le présent. Nous n’avons aucune idée des techniques et des modes de fonctionnement de nos sociétés dans 50 ans. Quel auteur de science-fiction avait prévu que le téléphone serait l’outil indispensable et névrotique de nos sociétés actuelles ? La science-fiction préférait imaginer des gadgets ridicules ou des engins spatiaux impossibles.

 

Méfions-nous des marchands de peur à la Meadows

Le pétrole n’a pas toujours été utilisé, un jour il ne sera plus utilisé. Et alors ? Le monde change, les techniques changent, les énergies aussi. En fait tout dépend des techniques à notre disposition et de leur rentabilité. Et si quelque chose est inépuisable c’est bien l’inventivité humaine. Le cerveau humain est la seule véritable ressource qui soit à notre disposition.

Le seul grave danger qui pèse sur l’avenir réside dans les décisions éclairées de nos dirigeants surhumains écoutant l’avis d’experts des plus autorisés. Les Dennis Meadows et compagnie détestent la démocratie libérale. Ils hésitent de moins en moins à le dire. Leur rêve c’est un despotisme éclairé où une fine et subtile élite déciderait du destin de l’humanité pour son plus grand bien. Sous l’habit des savants se cache plus d’un tyran. Que disait déjà Frédéric Bastiat ? « Trop de gens se placent au-dessus de l’humanité pour la régenter, trop de gens font métier de s’occuper d’elle. »

La seule chose que les planifications éclairées réussissent toujours ce sont les désastres collectifs. L’actuelle « sobriété énergétique », produit de l’impéritie et de l’imbécilité dogmatique des dirigeants européens depuis trente ans, en est l’inquiétante illustration.

Donc l’épuisement des ressources n’a pas à nous inquiéter : nous aurons disparu avant d’avoir épuisé les fameuses ressources. Inquiétons-nous plutôt des marchands de peur. La peur est mauvaise conseillère et fait le lit des dictatures.

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