
LA CONDITION DE FONCTIONNEMENT DE LA DÉMOCRATIE GRECQUE
Avec « La Démocratie contre les experts », l’historien Paulin Ismard signe un essai captivant sur le fonctionnement de la cité grecque ancienne – qui dépendait de l’esclavage public.
ARTICLE Extrait
Les esclaves de la démocratie
Tous les moyens sont bons pour remporter le bras de fer engagé avec les institutions européennes, pensent sans doute les dirigeants de Syriza, le parti de gauche radicale au pouvoir à Athènes. Y compris la morgue. Le dédain, frôlant l’insulte. A plusieurs reprises, « les économistes et les technocrates » se sont vus mouchés par Alexis Tsipras, le chef du gouvernement : trop sérieuse, la cause de la Grèce, trop noble, trop emblématique, pour ne pas être portée par les chefs d’Etat et de gouvernement.
Ce dénigrement tactique des hauts fonctionnaires et des experts, les « Men in black » de la « troïka » (depuis rebaptisée « Task Force »), Alexis Tsipras aurait pu habilement le revêtir d’une justification savante s’il avait lu le formidable essai que Paulin Ismard vient de consacrer à la démocratie en Grèce ancienne. On y apprend, non sans stupéfaction, que personne, à l’époque de Socrate, ne se serait offusqué de ce traitement avilissant, pas même les intéressés. Pour la simple et bonne raison que ces derniers étaient en effet… des esclaves !
En histoire, tout est toujours affaire de présent. L’existence d’« esclaves publics » au service de nombreuses cités grecques n’a rien d’une découverte. Ce qui est totalement neuf, en revanche, c’est le regard que ce jeune maître de conférences de la Sorbonne, auteur d’un déjà remarquable L’Evénement Socrate (Flammarion, 2013), porte sur ces personnages, ainsi que son insistance à les faire rentrer dans le paysage démocratique, pas seulement dans les marges mais au premier plan, là où les choses se passent. Et pour cause : ils sont nécessaires au bon fonctionnement de la cité. Ils en sont les oreilles et les instruments, la mémoire et les courroies de transmission, découvre-t-on a…
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