
« Dans le cadre des « 100 jours pour apaiser », Emmanuel Macron multiplie les annonces. »
TITRE FRANCE INFO LE 10 mai 2023 et poursuit :
« « Vous évoquiez le numérique aujourd’hui, la semaine dernière c’était les lycées professionnels, demain la réindustrialisation, et vendredi l’industrie verte, avec un déplacement du président à Dunkerque (Nord) et une probable annonce d’un nouveau site de création de batteries électriques », rapporte le journaliste Guillaume Daret, en direct du palais de l’Elysée, mercredi 10 mai.
« Tourner la page des retraites
« « Son objectif, c’est d’essayer politiquement de tourner la page des retraites », poursuit le journaliste. Son entourage serait pour le moment « plutôt satisfait », même s’il reste « lucide » et conscient « qu’un ça prendra beaucoup de temps, et que pour l’instant, la majorité des Français reste opposée au chef de l’Etat », conclut Guillaume Daret. «
Emmanuel Macron a ainsi annoncé la prochaine mise en place de « procédures hypersimplifiées » pour « diviser par deux les délais » d’une nouvelle implantation industrielle en France, dans un entretien mis en ligne ce mercredi 10 mai par l’hebdomadaire Challenges.
Le sujet de la décentralisation a fait l’objet fe nombreuses annonces restées sans suite ou contredites.
DÉCENTRALISATION : ENGAGEMENTS RÉPÉTÉS ET ANNONCES OUBLIÉES
Emmanuel Macron avait invité les élus locaux à mettre en place « une vraie décentralisation ». Projet resté sans suite.
Le jacobinisme – et son jumeau la technocratie – reste puissant, souvent par méconnaissance de la réalité – certes contrastée – de la gestion territoriale qui met souvent en lumière l’impuissance de l’Etat, elle même sous estimée ou ignorée par les défenseurs d’une unité républicaine bien abimée.
Le président a annoncé un redécoupage des régions avant de refuser – sans débat et autre forme – le projet d’une collectivité alsacienne regroupant les anciens départements et la région.
La gestion territoriale ne doit elle pas servir de cadre à une démocratie renouvelée ? En parallèle avec un mouvement analogue au niveau de l’Etat ?
Les atteintes aux représentations de l’unité nationale, de la puissance étatique et de l’autorité républicaine sont elles exagérées ou non ? À vous de juger.
Différenciation, décentralisation, autonomie ou indépendance… Face aux revendications corse, bretonne, alsacienne ou encore polynésienne, la question de l’unité nationale reste un sujet sensible auquel le gouvernement « entend répondre au cas par cas » indique L’article du Monde repris ci contre.
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Différenciation, décentralisation, autonomie ou indépendance… Face aux revendications corse, bretonne, alsacienne ou encore polynésienne, la question de l’unité nationale reste un sujet sensible auquel le gouvernement « entend répondre au cas par cas » indique L’article du Monde repris ci contre.
ARTICLE
La République au défi des régionalismes
Par Benoît Floc’h 8 mai 2023
Du « en même temps » pur sucre. Interrogé par les Dernières Nouvelles d’Alsace, le 19 avril, sur la volonté des Alsaciens de quitter la région Grand-Est, le président de la République leur oppose une fin de non-recevoir, sans fermer la porte à clé, cependant. Rappelant qu’il leur a accordé une forme d’autonomie avec la création, en 2021, de la Collectivité européenne d’Alsace (CEA), Emmanuel Macron précise : « Je suis aussi attaché à ce que l’on ne crée pas de nouvelles divisions. » Il note, à toutes fins utiles, que les Alsaciens ont eu besoin de la région Grand-Est sur de nombreux dossiers.
Ceci affirmé, le chef de l’Etat glisse : « J’ai toujours soutenu le principe de différenciation territoriale, qui doit être au cœur de nos réflexions institutionnelles. » Le « en même temps » est si ambigu que le président Les Républicains de la CEA réitère son projet de séparation. Evoquant la consultation de début 2022, lors de laquelle 154 000 Alsaciens ont indiqué vouloir sortir de la grande région à 92,4 %, Frédéric Bierry écrit dans un communiqué de presse le 21 avril : « Quand l’heure de la réorganisation institutionnelle viendra, en 2024, l’heure de l’Alsace viendra. Il ne peut pas en être autrement si le président de la République veut être au rendez-vous du renouveau démocratique qu’il appelle de ses vœux. »
Partout en France, le régionalisme retrouve des couleurs. La victoire des indépendantistes polynésiens aux élections territoriales du 30 avril pourrait ouvrir la voie à un référendum d’autodétermination. La Corse discute de son autonomieavec le gouvernement. Le 5 mai, la ville de Nantes a écrit à la première ministre au nom de plusieurs collectivités pour obtenir un référendum sur le rattachement de la Loire-Atlantique à la Bretagne. En 2017, le Pays basque s’est constitué en intercommunalité tentaculaire regroupant 158 communes, 315 000 habitants, 1 200 agents pour gérer 21 politiques publiques.
Dans un pays qui a consacré tant d’énergie, au fil des siècles, à souder des peuples aux identités jalouses, cette question reste sensible. En 1968, le général de Gaulle avait certes prononcé l’éloge funèbre des aspirations vagabondes : « L’effort multiséculaire de centralisation, qui fut longtemps nécessaire [à la France] pour réaliser et maintenir son unité malgré les divergences des provinces qui lui étaient successivement rattachées ne s’impose plus aujourd’hui. Au contraire. » Mais le constat apparaît à l’heure actuelle plus fragile que jamais. Jusqu’où peut-on accorder des libertés aux territoires dans une vieille République toujours inquiète de son unité ?
« On excite les égoïsmes »
Lorsqu’on pose la question à Jean-Luc Mélenchon, le leader de La France insoumise répond : « Le régionalisme est une illusion dangereuse quand on va trop loin, confie-t-il au Monde. Ce qu’il sécrète le plus souvent, ce sont des raisons artificielles de se distinguer des autres. Il n’y a qu’une seule exception, c’est l’insularité. »
L’ancien candidat à l’élection présidentielle estime certes qu’« une certaine époque du régionalisme est passée », au profit d’« une très forte aspiration à contrôler sa vie ». Il n’en décèle pas moins « un habillage de mots régionalistes pour exprimer cette volonté ». « On excite les égoïsmes, prévient M. Mélenchon. C’est comme en Italie. Quand tu es dans l’Italie du Nord, tu ne veux pas t’occuper des Siciliens ni des Sardes, que tu considères quasiment avec du racisme. Quand tu es alsacien, tu te réjouis que l’Alsace se porte bien ; et tu regardes d’un œil différent les Ardennes ou la Moselle. Tu es trop content de te détacher de ça. »
Maître de conférences en droit public à l’université Panthéon-Assas, Benjamin Morel ne cache pas son inquiétude devant « la naïveté » des dirigeants politiques français. Pour ce constitutionnaliste, en effet, le pays s’estimerait à l’abri d’un régionalisme qui, pourtant, « menace beaucoup de pays européens, dont certains sont en situation de délitement ». De ce point de vue, dit-il, la France n’est pas un petit village gaulois dans une Europe en crise. Elle a juste trente ans de retard sur ses voisins.
M. Morel estime que la République a laissé « une machine infernale identitaire » se mettre en branle. Car, à l’entendre, depuis la réforme de la Constitution, en 2003, qui crée la collectivité à statut particulier, « le ver est dans le fruit ». Ce qui est en cause, ce n’est pas la décentralisation, estime le maître de conférences, c’est de traiter les collectivités différemment les unes de autres.
« Notre combat n’est pas identitaire »
Or, c’est bien le sens de la « différenciation territoriale » que prône le chef de l’Etat. Elément essentiel du « pacte girondin » qu’Emmanuel Macron a promis, en 2017, le droit à la différenciation devait être inscrit dans la Constitution par le projet de réforme de 2018, balayé par l’affaire Benalla. Il est finalement entré dans le droit par la loi, en février 2022. L’idée est d’adapter la décentralisation selon les collectivités, les territoires, les spécificités et de permettre aux élus de fixer eux-mêmes les règles locales.
Benjamin Morel y reconnaît un mécanisme qui s’est épanoui au Royaume-Uni, en Espagne ou en Belgique. Consacrer des différences entre collectivités « crée de la concurrence entre les partis et les régions car tout devient négociable », explique l’auteur de La France en miettes (Editions du Cerf, 268 pages, 20 euros). La présence au sein de l’Union européenne rassure, offrant la perspective – trompeuse – d’une sortie en douceur. « Le modèle des Bretons, c’est l’Alsace ; celui des Alsaciens, la Corse ; celui des Corses, la Nouvelle-Calédonie… C’est une course de petits chevaux que l’on retrouve partout en Europe. On commence à connaître cela en France », prévient le constitutionnaliste. Le bout du chemin, c’est « le blocage », annonce-t-il. Parce que « lorsque les autonomistes n’ont plus grand-chose à vendre, le récit leur échappe et on passe aux indépendantistes. Et quand l’Etat central ne peut pas accepter l’indépendance, la machine se bloque ».
Lire aussi : Le statut de la Nouvelle-Calédonie, un ovni institutionnel « idéalisé » par les Corses
« Cette politique est fondamentalement dangereuse », estime Benjamin Morel. « Le danger est réel », acquiesce David Lisnard, maire Les Républicains de Cannes (Alpes-Maritimes) et président de l’Association des maires de France, qui, même s’il s’exprime ici à titre personnel, s’inquiète, lui aussi, pour « la cohérence nationale ». Certes, « beaucoup d’élus sont de bonne foi, reconnaît-il. Ils évoquent la différenciation parce qu’ils subissent une perte de capacité d’action et veulent retrouver le pouvoir d’agir. Mais c’est une erreur. Il ne faut pas confondre la différenciation et la décentralisation. La différenciation crée un risque d’injustice, d’éclatement ». Seule exception, note-t-il également : en cas d’une vraie rupture géographique, comme à Mayotte ou en Guyane, par exemple.
Du côté de ceux qui défendent la différenciation, on considère, au contraire, que la République est menacée parce que, précisément, cet outil n’est pas utilisé. « On est dans une situation où il faut réparer une République qui s’affaiblit et s’ensauvage, assure Frédéric Bierry, président de la CEA. Il n’y a pas de solution idéale transposable partout. La différenciation permet de tenir compte de la réalité de la vie des gens. » Ce qui importe à ses yeux, c’est l’efficacité de la politique et l’engagement des citoyens. « Notre combat n’est pas identitaire », assure M. Bierry, qui ajoute : « On n’a pas de volonté autonomiste en Alsace. On est attaché à notre pays ».
« Agir territoire par territoire »
Pour les macronistes, les politiques sont trop centralisées, et cela ne permet pas de prendre en compte correctement les préoccupations du quotidien. « Relancer la décentralisation et la différenciation, c’est une manière de répondre aux demandes régionalistes tout en restant dans le cadre de la République », considère Thomas Cazenave, député Renaissance de la Gironde et président de la délégation aux collectivités territoriales de l’Assemblée nationale.
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Quant aux exemples européens cités par Benjamin Morel, M. Cazenave ne les trouve guère pertinents. « On n’est pas dans cette situation en France, plaide-t-il. Il y a loin entre l’adaptation aux réalités des territoires et l’autonomie. Cette vision présente un risque quand on touche aux compétences régaliennes. Or, ce n’est pas le cas dans le débat d’aujourd’hui. » C’est aussi l’impression de Vincent Laborderie. Maître de conférences à l’Université catholique de Louvain, il est spécialiste des régionalismes en Europe. Il ne décèle « pas de menace » pesant sur l’unité de la France. La différenciation ? « Il ne faut pas avoir peur de cela. La réalité n’est pas symétrique, dit-il. Je ne vois pas en quoi avoir une région Alsace menacerait plus la République qu’une grande région allant de Strasbourg aux confins de la lointaine région parisienne. »
Au reste, même en Europe, « c’est très rare ». « L’Ecosse et la Catalogne sont des cas isolés, assure le spécialiste. Il n’y a plus vraiment d’indépendantistes en Europe. Il y a une demande d’autonomie, légitime et démocratique, comme en Corse, au Royaume-Uni, en Espagne, en Italie ou en Belgique. Mais cela ne débouche pas forcément sur des demandes d’indépendance. C’est fini, ça. »
Alors ? Alors, prudence. « Il est rare qu’une politique publique soit simple, constate la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales, Dominique Faure. Elle bute souvent sur des injonctions contradictoires. » Les territoires ont des attentes et des cultures diverses. Donc, « on doit s’y adapter et proposer des politiques ciblées et différenciées. C’est clair », affirme Mme Faure, pour qui la différenciation est « saine ».
Ceci posé, la ministre le concède, « l’unité de la République ne doit pas être menacée par des actions trop différenciées qui généreraient de la concurrence entre les territoires. » Elle aussi reconnaît qu’« il existe un risque ». « Il faut donc être vigilant et subtil, agir territoire par territoire avec la vision d’une République une et indivisible, poursuit Mme Faure. Mais cette extrême prudence ne doit pas nous paralyser lorsqu’il s’agit de s’adapter aux besoins de la population. »
Le tracé des régions en débat
Et c’est un autre débat qui débute. Le tracé des régions, expose Jean-Luc Mélenchon, doit répondre à la géographie des populations et aux nécessités du temps, mais non « regrouper les gens sur une base ethnique, ce qui génère toujours des nationalismes hystériques ». Quand Jean Jaurès est allé en Argentine, en 1911, rappelle le fondateur de La France insoumise, il a conseillé aux Italiens, aux Espagnols et aux quelques Français qui se trouvaient là : « Ne vous regroupez pas par nation ; regroupez-vous par vos revendications et de votre unité sociale jaillira la nation argentine. »
A rebours des territoires d’Ancien Régime, la création des départements, en 1790, a été pensée pour obliger les gens à vivre ensemble, d’après la loi unitaire. Les régions du XXIe siècle devraient tenir compte des impératifs écologiques, considère M. Mélenchon. Celui-ci défend l’idée qu’elles soient redécoupées selon les bassins hydrographiques du pays, « qu’elles seules peuvent gérer correctement », juge-t-il.
Pour David Lisnard, « il faut trouver un équilibre entre les libertés locales, qui créent la responsabilité, ce qui est un facteur d’efficacité des politiques publiques, et la nécessité de ne pas remettre en cause l’Etat-nation. Mais il n’y a pas de contradiction entre un Etat fort et un pouvoir local fort ». En associant l’universalité de la loi et la capacité des élus locaux à la mettre en œuvre, « on n’aura pas besoin de différenciation », explique le maire de Cannes.
Ce que révèle le réveil des aspirations locales, conclut le chercheur Vincent Laborderie, c’est qu’avec la mondialisation et la multiplication des crises internationales « un besoin d’ancrage se manifeste : on se raccroche à ce que l’on connaît, les identités locales ». Et, veut-il croire, « elles ne sont pas contradictoires avec les identités nationales ».
Benoît sFloc’h