
PORTRAIT DU PARLEMENT EUROPÉEN PAR UN FÉDÉRALISTE
Dans son ouvrage, Bernard Guetta dresse le portrait d’un Parlement européen dont il salue la malice de ses représentants. Mais leurs codes, qu’il a étudiés de près, lui semblent étrangers. Lui, le fédéraliste convaincu, se félicite en fin de compte du grand pouvoir laissé aux Etats.
ARTICLE
« La Nation européenne » : un journaliste au pays des eurodéputés
« Ce récit est celui d’une profonde et double mue, d’un homme et de l’Europe. » Ainsi Bernard Guetta, le journaliste devenu eurodéputé macroniste à la faveur des élections européennes de 2019, présente-t-il son nouveau livre – La Nation européenne. La lecture de l’ouvrage vient néanmoins nuancer ce propos.
L’élection de Donald Trump aux Etats-Unis, la pandémie de Covid-19 puis la guerre en Ukraine ont fait entrer l’Union européenne dans le « troisième moment de son histoire : la construction d’une Union politique, après la formation du Marché commun et l’introduction de la monnaie unique », analyse l’ex-correspondant du Monde et chroniqueur de France Inter, qui se réjouit de « la fin des tabous » sur la défense commune, la possibilité d’emprunter à Vingt-Sept ou de financer ensemble des investissements stratégiques. Mais ces révolutions, constate-t-il, sont venues des capitales, sans que Strasbourg y soit associé.
Bernard Guetta, malgré son fédéralisme qu’il pensait chevillé au corps, s’en félicite : « Le dernier mot sur les choix stratégiques doit être laissé » aux chefs d’Etat et de gouvernement, dont la légitimité politique est bien plus forte que celle des eurodéputés. Ces derniers, juge-t-il, sont « des objets politiques mal identifiés, des OPMI », et « ce serait pain bénit pour les extrêmes droites » qu’ils « imposent à des gouvernements élus des politiques dont ils ne voudraient pas ».
« Convenances de l’heure »
S’il a donc fait sa « mue » intellectuelle, Bernard Guetta n’a, en revanche, pas su se transformer en eurodéputé convaincu de son rôle. « Plus que jamais », il reste un journaliste, et ne peut que constater son « inaptitude à [se] couler dans sa nouvelle fonction » d’élu. « En analyste politique, je n’avais pas à rougir de moi. Comme homme politique, j’avais 10 ans », juge-t-il.
Lire aussi : Article réservé à nos abonnés « En s’ouvrant à l’Ukraine et à d’autres pays, l’UE court à la paralysie. Elle doit s’organiser pour aller plus loin et plus vite vers des objectifs communs »Ajouter à vos sélections
Ajouter à vos sélections
Le Parlement européen « est un long reportage permanent », explique le « député-journaliste », qui s’est régalé à observer les us et coutumes de ses nouveaux collègues. « Scrupuleusement #metoo », adeptes des « emballages en verre consignés » et « des gourdes de couleur », les hommes et femmes du Parlement européen cèdent à toutes « les convenances de l’heure », qui sont « aussi fortes » à Strasbourg « que le puritanisme le fut dans la Grande-Bretagne du XIXe siècle », écrit Bernard Guetta. Il se désole également du nombre « impressionnant » de « réunions inutiles » et du « temps perdu en discussions byzantines ».
null
Mais, admet-il, « [il] doi[t] reconnaître à [s]es collègues une habileté politique à laquelle [il] n’aurai[t] pas même songé recourir » et qui leur a permis d’obtenir des avancées « essentielles », comme la mise en place d’un mécanisme de conditionnalité du versement des fonds européens au respect de l’Etat de droit. « Le Parlement européen reste un semblant de Parlement », insiste-t-il néanmoins. Dans ce contexte, on peut se demander si Bernard Guetta souhaitera se représenter aux élections européennes de 2024. Dans son livre, il n’en dit rien.
« La Nation européenne », de Bernard Guetta, Flammarion, 192 pages, 20 euros.