
L’EXÉCUTIF FIXE LES OBJECTIFS ( ENFIN ?) MAIS REFUSE* LE FINANCEMENT PAR LA FISCALITÉ ET LA DETTE
Pour la première fois, l’exécutif a présenté – en même temps qu’il réceptionnait le rapport Pisani qu’il avait commandé – des objectifs chiffrés par secteur, afin de se conformer aux objectifs européens de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Mais les leviers pour y parvenir restent à préciser. Rappelons qu’il y a quelques jours seulement, le PR demandait – en même temps – une pause sur les objectifs européens ARTICLE 1
LE RAPPORT PISANI-FERRY PROPOSE DE NOUVEAUX IMPOTS ET EMPRUNTS
Pour les auteurs du rapport «Les incidences économiques de l’action pour le climat», la France doit hausser le rythme pour respecter ses objectifs d’émissions de gaz à effet de serre, en s’appuyant sur la «réorientation du progrès technique», la sobriété énergétique, et une coûteuse décarbonation nécessitant «un accroissement des prélèvements obligatoires». ARTICLE 2
*Deux portes paroles de l’exécutif – LEMAIRE et VERAN – se sont empressés de refuser toute fiscalité ou dette complémentaires .
La taxation des plus riches pour financer l’effort de transition écologique est pourtant « légitime », estime le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, à l’occasion du lancement de la consultation publique sur la trajectoire de réchauffement de référence pour l’adaptation au changement climatique. Il a été démenti par LEMAIRE ET VERAN.
La transition vers une économie décarbonée ne passera pas par un recours à la fiscalité ou à la dette publique, a assuré mardi 23 mai le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, au lendemain de la présentation d’un rapport qui préconise notamment d’opter pour ces deux options, mais aussi de taxer le patrimoine financier des plus aisés.
Au micro de RTL, le locataire de Bercy a affirmé qu’« un nouvel impôt n’est pas la solution » et que la politique du gouvernement « est de baisser la pression fiscale ». Bruno Le Maire a, par ailleurs, assuré qu’il n’était pas question « d’aggraver l’état de nos finances publiques. Les deux options qui ne sont pas de bonnes options à mon sens, c’est l’augmentation des impôts ou l’augmentation de notre dette, qui est déjà trop élevée ».
ARTICLE 1 EXTRAIT
Planification écologique : Elisabeth Borne affiche son volontarisme, malgré un plan sans mesures concrètes
En dévoilant, lundi 22 mai, les objectifs chiffrés de la trajectoire de décarbonation de la France d’ici à 2030, Elisabeth Borne a bien signifié qu’elle était personnellement chargée de la planification écologique. Comme pour souligner l’importance du sujet, la première ministre avait fait le déplacement devant les membres du Conseil national de la transition écologique (CNTE), aux côtés d’une dizaine de ministres.
Malgré cette posture volontariste, les mesures concrètes – et les voies de leur financement – ont fait défaut dans cette présentation de deux heures, qui a toutefois eu le mérite de poser clairement les objectifs. Pour se conformer à ses engagements européens, la France doit réduire ses émissions de dioxyde de carbone (CO₂) d’ici à 2030 de 50 % par rapport à 1990, afin d’arriver à 270 millions de tonnes équivalent CO₂ (MteCO₂), contre 408 millions en 2022. Soit une baisse deux fois plus importante dans les huit prochaines années que celle réalisée en plus d’une trentaine d’années.
La marche est haute, reconnaît le gouvernement, tout en se félicitant d’avoir « respecté les budgets carbone » de ces dernières années. Un objectif atteint en grande partie grâce aux effets successifs du Covid-19, de la guerre en Ukraine, d’hivers doux et des efforts de sobriété réalisés ces derniers mois.
Réduire de 53 % les émissions des bâtiments
« La répartition de l’effort par secteur », précisée dans un document préparé par le secrétariat général à la planification …
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ARTICLE
Lutte pour le climat : Jean Pisani-Ferry prône pour un endettement «légitime» et une imposition «exceptionnelle des plus aisés»
par Coralie Schaub. LIBERATION publié le 22 mai 2023
Pour atteindre ses objectifs climatiques, la France doit mener une «révolution industrielle au grand galop», pilotée par les politiques publiques efficaces et financée notamment par un «prélèvement exceptionnel et temporaire»qui «pourrait être assis sur le patrimoine financier des ménages les plus aisés».Telle est en substance la conclusion du rapport sur «les incidences économiques de l’action pour le climat», remis lundi à la Première ministre, Elisabeth Borne, par l’économiste Jean Pisani-Ferry et l’inspectrice générale des finances Selma Mahfouz, rapporteuse du texte. Le premier, qui faisait partie en 2017 des principaux conseillers économiques de la campagne présidentielle d’Emmanuel Macron, qualifie cette mutation d’«indispensable» pour le climat mais aussi de «bonne chose» d’un point de vue économique, car les énergies renouvelables «nous surprennent par le fait que le progrès vient plus vite et que les coûts sont plus bas» qu’anticipé.
Le rapport de quelque 150 pages, commandé par Matignon à France Stratégie et fruit d’un travail collectif d’experts de différences origines, insiste sur «l’urgence d’une action d’envergure».Afin d’atteindre les objectifs pour 2030 – réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) de la France de 47,5 % par rapport à 2005, comme l’indique un règlement européen du 19 avril – et viser ainsi la neutralité carbone en 2050, «il va nous falloir faire en dix ans ce que nous avons eu de la peine à faire en trente ans»,martèle le document.
Pour les auteurs, cette «accélération brutale» reposera sur trois mécanismes. Le premier, la «réorientation du progrès technique vers des technologies vertes»,jouera surtout à long terme, le temps que l’efficacité des énergies renouvelables dépasse celle des énergies fossiles, principales responsables des émissions de GES. A plus court terme, c’est-à-dire d’ici 2030, la sobriété (la réduction des consommations d’énergie qui ne découle pas de gains d’efficacité énergétique) comptera pour «environ 15 %» à la réduction des émissions. Bonne nouvelle, «la pratique du vélo ou le changement de mode alimentaire peuvent se faire sans dégradation du bien-être»,note Jean Pisani-Ferry.
«Un supplément d’investissements d’ampleur»
Mais la transformation «reposera principalement» à court terme sur «la substitution de capital aux énergies fossiles», estiment les auteurs du rapport, ce qui «traduit la nécessité d’investir pour [en] sortir et le fait que la production décarbonée est généralement plus intensive en capital». C’est le cas pour la production d’électricité nucléaire ou renouvelable, la rénovation des bâtiments (un immeuble neutre en énergie est plus coûteux à construire qu’un immeuble moins performant), les transports individuels (avec le remplacement de véhicules thermiques par des véhicules électriques, actuellement plus coûteux à l’achat, mais dont le coût d’usage est plus faible) ou les transports collectifs (construction d’infrastructures, notamment ferroviaires).
Dans les dix ans à venir, cette décarbonation de l’économie «va appeler un supplément d’investissements d’ampleur», insiste le document. Tous secteurs confondus, la facture est évaluée à «environ 66 milliards par an à l’horizon 2030, soit 2,3 points de PIB», par rapport à un scénario sans action climatique.
Cet effort d’investissement pour réduire voire éliminer la dépendance aux énergies fossiles ne sera récompensé qu’au bout de «dix ou vingt ans» pour les ménages et les entreprises, remarque Jean Pisani-Ferry. La transition, qui aura un effet positif à long terme, va donc d’abord «probablement induire un coût économique et social» d’ici 2030, et «se paiera temporairement d’un ralentissement de la productivité de l’ordre d’un quart de point de croissance en moins par an».
«Une année de revenu»
Avancer autant d’argent dans l’espoir – même fondé – de lendemains qui chantent ne va pas sans difficultés. Pour les ménages, la transition est «spontanément inégalitaire, avertit le rapport. Même pour les classes moyennes, rénovation du logement et changement du vecteur de chauffage d’une part, acquisition d’un véhicule électrique en lieu et place d’un véhicule thermique d’autre part, appellent un investissement de l’ordre d’une année de revenu». De sorte que «même si l’investissement est rentable, il n’est pas nécessairement finançable sans soutien public», et que le coût économique de la transition «ne sera politiquement et socialement accepté que s’il est équitablement réparti».
Pour soutenir les ménages et les entreprises, les finances publiques seront donc mises à l’épreuve. «Compte tenu des dépenses nouvelles comme de la baisse temporaire des recettes liée au ralentissement de la croissance, le risque sur la dette publique est de l’ordre de 10 points de PIB en 2030, 15 points en 2035, 25 points en 2040», évalue le rapport. Et ceci même en supposant que les baisses de recettes liées à la fiscalité sur les combustibles fossiles soient compensées.
Adaptation au changement climatique: au moins 2,3 milliards d’euros par an à prévoir en France «dès maintenant»
Comment financer la transition ? Le premier levier est «le redéploiement des dépenses et des dépenses fiscales»défavorables à l’environnement. Lesquelles s’élèvent en 2023 à un peu plus de 10 milliards d’euros, hors mesures exceptionnelles de protection des consommateurs contre les hausses de prix de l’énergie, «dont 6 milliards environ de dépenses fiscales brunes, essentiellement des détaxes de combustibles pour certaines professions».Et encore, ces subventions aux énergies fossiles sont calculées ici a minima, car la non-taxation du kérosène n’est pas prise en compte.
Ensuite, les auteurs estiment qu’on «ne doit pas exclure» le recours à l’endettement. «A partir du moment où on a un plan crédible, un rendement en face des investissements, on peut convaincre les agences de notation financière et les marchés du fait que cet endettement est légitime», estime Pisani-Ferry. Ceci dit, comme «tout miser sur l’endettement serait imprudent» et afin de «montrer que tout le monde participe à l’effort», «un accroissement des prélèvements obligatoires sera probablement nécessaire», avance le rapport. Celui-ci «pourrait notamment prendre la forme d’un prélèvement exceptionnel, temporaire» et «être assis sur le patrimoine financier des ménages les plus aisés». Jean Pisani-Ferry assure qu’il ne s’agirait «pas d’un rétablissement de l’impôt sur la fortune ni de la fiscalité du capital». Et de préciser qu’à ses yeux, la proposition s’appliquerait aux 10 % des Français les plus riches. Une révolution culturelle pour l’actuel exécutif… si jamais il décidait de suivre ces recommandations.