Notre présentation
La légende du « rien ne sera plus comme avant » s’installe. La volonté de fixer ne nouveaux caps est légitime. Il faut toutefois raison garder, car si la crise sert de stress test, ce sont surtout la gestion publique et le fonctionnement des institutions démocratiques qui sont pris en défaut.
Les lacunes de la vie publique et de la vie des institutions préexistaient à la crise. Elles pèseront très lourdement sur nos capacités à construire un monde nouveau.
Renouer avec une gestion publique efficiente et une vie démocratique basée sur la co-construction associant toutes les parties prenantes constituent pour nous la priorité. C’est l’objectif de METÄHODOS.
Nous proposons ici – à titre d’illustration et d’enrichissement du débat sur le versant « réforme de l’action publique » – la chronique d’Erwan Le Noan dans l’Opinion.
Texte de la chronique « Plutôt que de s’engager dans une refonte du capitalisme mondial, réformons l’action publique ».
« Les déficiences de la gestion des comptes publics depuis des décennies, non seulement limitent la capacité de réaction de l’Etat au cœur de la crise, mais pourraient en outre constituer un frein à la reprise, si ce n’est un lourd obstacle à une prospérité de long terme »
Alors que les malades du Covid19 continuent d’affluer dans les hôpitaux, le concours Lépine des solutions de sortie de crise semble lancé. Comme à l’automne 2008, les propositions de « plans de relance » fleurissent, plus ou moins verts, plus ou moins nationalistes, tous coûteux. Comme à l’automne 2008, on nous promet que demain sera différent – donc meilleur, les bonnes intentions faisant nécessairement les bonnes politiques. Comme à l’automne 2008 également, quand Nicolas Sarkozy proclamait à Toulon qu’« une certaine idée de la mondialisation s’achève avec la fin d’un capitalisme financier », ressurgit la mise en cause du système économique contemporain.
Après la chute de Lehmann Brothers, le gouvernement pouvait non sans cohérence établir un lien entre les turbulences du monde et l’action des marchés (depuis, Raghuram Rajan a montré le rôle déterminant de l’Etat américain dans l’apparition des « subprimes » : sous l’impulsion de Clinton, il a œuvré à solvabiliser artificiellement, par le soutien public, des foyers qui n’avaient pas les ressources suffisantes pour acquérir des biens immobiliers).
En 2020, cette relation est difficile à établir. Or, depuis quelques jours prospère l’assertion, non démontrée, selon laquelle la crise révélerait une défaillance économique. C’est un étrange constat alors que le développement incontrôlé du virus semble lié à l’absence de transparence d’un État autoritaire en Asie, que chaque jour, en France, les soignants dénoncent l’incurie de la gestion administrative et qu’à l’inverse – quand bien même la plupart des services publics ont fermé – les entreprises privées assurent la continuité de la vie de la Nation (grande distribution, eau, électricité, etc.) ou son approvisionnement en matériel médical, qu’elles achètent à l’autre bout du monde ou fabriquent après reconversion de leurs usines.
Déficiences. Évidemment, l’action de l’État pour protéger les citoyens au cœur de la crise est nécessaire. Mais il est difficile de ne pas relever que ses technocrates semblent avoir failli dans leur mission d’anticipation, alors même qu’ils en font le cœur de leur légitimité. Pire encore, il semble bien complexe de ne pas voir que les déficiences de la gestion des comptes publics depuis des décennies, non seulement limitent la capacité de réaction de l’Etat au cœur de la crise, mais pourraient en outre constituer un frein à la reprise – si ce n’est un lourd obstacle à une prospérité de long terme.
Pour sortir de ce dilemme, avant de s’engager dans un énième programme de refonte du capitalisme mondial ou de réinvention de notre « modèle de société » (comme viennent de le proposer des parlementaires), le gouvernement serait probablement mieux inspiré de réformer ce qui relève de son action et fonctionne mal : l’action publique en général, pour faciliter le libre déploiement de la société, et les services publics en particulier, dont la performance sera indispensable pour prendre soin des plus fragiles dans les mois qui viennent. Pour faire les bonnes recommandations, encore faut-il avoir fait le bon diagnostic. Or, en la matière, face à la crise, le politique semble bien prompt à dénoncer ce qui n’est pas de son ressort (l’économie) plutôt que se confronter à ce qu’il contrôle et a failli (l’action publique). Nicolas Sarkozy l’a tenté. Il n’est pas certain que cela lui ait réussi. Emmanuel Macron devrait s’en souvenir. »