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Face à l’insécurité, les collectifs citoyens forcent l’État à agir


À Paris, Lyon ou Marseille, les riverains des secteurs exposés mobilisent les juges et remportent des victoires.

Une lectrice – Françoise Bartelemy – nous confie cet article dans le prolongement de celui publié hier :Une France « Orange Mécanique »? Culture de l’excuse et Ensauvagement

Lien : https://metahodos.fr/2020/08/28/une-france-orange-mecanique-culture-de-lexcuse-et-ensauvagement/

ARTICLE

Face à l’insécurité, les collectifs citoyens forcent l’État à agir
JEAN-MARC LECLERC · 28 août 2020

“Les collectifs attirent l’attention des médias sur un phénomène. En ce sens, ils sont plutôt une aide », déclare un reponsable du système de sécutité parisien.


« Après les pétitions, les coups de gueule auprès des élus, les gens saisissent les juges. Faudrat-il envisager qu’ils finissent par se faire justice eux-mêmes ? » Le sénateur LR de Paris, Pierre Charon, a passé un été studieux à observer les dernières tendances sécuritaires. À l’entendre, un mouvement de fond s’opère. « Face à l’inertie des élus et dirigeants, les gens se tournent vers le juge administratif. « Ils savent que leur préjudice pourra être indemnisé par une action en responsabilité. À Marseille, les membres d’un collectif d’habitants ont ainsi obtenu 10 000 euros », rappelle-t-il.


C’était le 3 août dernier. Le tribunal administratif de Marseille a condamné l’État à des « dommages et intérêts » du fait de « mesures insuffisantes pour restaurer la tranquillité publique » dans un quartier souffrant du « déroulement régulier de rodéos motorisés ». La plainte avait été déposée par « Vivre à Verduron, stop aux rodéos », un collectif des quartiers nord. « Peut-être faut-il voir une dérive à l’américaine. Les gens acceptent ainsi de monnayer l’inefficacité pénale de l’État. Tout se rembourse et se jauge finalement », ironise le sénateur Charon.


Le quartier Saint-Leu à Amiens fait aussi entendre sa voix. À coups de lettres recommandées, ses habitants réclament la fin des rodéos et qu’on ferme les bars le soir, sources de pollution sonore. « On dort le dimanche mais à partir du lundi c’est terminé. C’est du son, des cris, des hurlements. On appelle la police et ils nous répondent qu’ils ne peuvent pas intervenir ou envoyer des patrouilles au milieu de 400 ou 500 personnes », déplore une résidente.


À Lyon aussi la colère gronde. Et pas seulement dans les banlieues chaudes, comme celles de Vénissieux, mais en plein centre-ville, où le mètre carré se cède à prix d’or. « Presqu’île en colère » a monté sa page Facebook il y a un peu plus d’un an. Administrée par Pauline et Sarah, elle compte plus de 3 800 membres et se présente sans fard : « Chères voisines, chers voisins, bienvenue sur le site des habitants en colère de la Presqu’île. Marre des incivilités qui rythment vos nuits, en particulier le week-end ? Nous regroupons ici vos témoignages. Postez vos vidéos, vos photos… Ensemble nous serons plus forts pour faire bouger les choses ! »


Avant même la victoire juridique du collectif marseillais de Verduron, les Lyonnais en colère se faisaient fort, avec leur avocat, de réitérer un autre exploit réalisé par un autre collectif, à Paris, celui-là. Le 9 novembre 2018, en effet, l’association « La Vie Dejean », ayant pour objet la défense des riverains d’une rue piétonnière du 18e arrondissement de Paris, avait obtenu la condamnation de la Ville et de l’État. Ils ont été tenus de l’indemniser des préjudices résultant de leurs manquements dans l’exercice de leurs missions de maintien de la sécurité, de la tranquillité et de la salubrité. Une somme de 3 000 euros avait alors été attribuée à l’association, dont 2 000 au titre de la carence du préfet de police.


La « PP » n’est pas rancunière. « Les collectifs attirent l’attention des médias sur un phénomène ; s’agissant de la plaque parisienne, on a des collectifs qui réclament plus de sécurité dans leurs quartiers, par exemple, sur Stalingrad ou à la Chapelle. C’est un aiguillon et une source de renseignements pour les forces de police ; en ce sens ils sont plutôt une aide ; ils ne doivent toutefois pas remplacer la connaissance et l’initiative des policiers qui connaissent bien leur territoire et peuvent hiérarchiser les priorités, sinon on tombe dans le travers de la résonance médiatique qui emporte tout », assène un hiérarque du système de sécurité de la capitale.


Qu’y a-t-il au juste derrière tous ces comités ? « On a besoin naturellement de concertation, mais c’est souvent inefficace lorsque nous sommes confrontés à des vrais militants », estime un préfet de département. Selon lui, « il y a des bloqueurs pathologiques, des égoïstes forcenés, et puis quelque faux nez des oppositions politiques ».


À la région Île-de-France, on salue l’action de Pierre Liscia, exélu du 18e arrondissement, qui se présente comme le « porte-voix des oubliés du nord-est de Paris ». Son compte Twitter regorge de témoignages et d’infos sur la dégradation du cadre de vie de ces habitants en proie à une forme de désillusion.


« Les collectifs sont un peu des vigies. Beaucoup ont fait leurs armes avec l’écologie et ils pèsent évidemment dans le nouveau contexte électoral des grandes villes gagnées notamment par la vague verte », estime un proche de la présidente de région Valérie Pécresse. Il s’empresse d’ajouter : «Les associations de victimes sont écoutées en Île-de-France, avec même des appels à projets. »


Alors indignation sincère ou repère d’opportunistes plus ou moins téléguidés ? « On est obligé de préciser qu’on est de gauche, sans quoi on est pris pour des fachos et des réacs », lâchait récemment l’un des membres actifs de « La Guillotière en colère », collectif basé à Lyon. Ses ennemis : « Bruit, déchets abandonnés, odeurs d’urine constantes, alcoolisation sur les trottoirs chaque nuit, bagarres à répétition, règlements de comptes, trafics, harcèlement de rue… ça suffit ! »


« Le bruit et l’odeur »… que d’indignations autrefois, quand Jacques Chirac osa l’expression dans son célèbre discours d’Orléans sur l’immigration, le 19 juin 1991 ! Trente ans plus tard, le socialisme est en lambeaux, la droite à peine plus vaillante. Tous les problèmes semblent s’être amplifiés et les progressistes eux-mêmes utilisent des mots qu’ils bannissaient hier. Le préfet Frédéric Péchenard, vice-président LR de l’Île-de-France le dit, la mort dans l’âme : « Les collectifs nous renvoient l’image de la déliquescence de l’État. » État que la justice sanctionne aujourd’hui… ce qui doit bien amuser les voyous.


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