
Boris Cyrulnik, neuropsychiatre, a abordé – pour France 3 il y a quelques jours – les conséquences psychologiques et politiques de la crise du coronavirus sur les populations.
Rappelons qu’il est spécialiste de la résilience: En psychologie, cette notion désigne la capacité d’un individu à surmonter les moments douloureux de l’existence et à se développer, en dépit de l’adversité.
ENTRETIEN
Covid : 5 questions à Boris Cyrulnik pour comprendre les conséquences psychologiques de la crise sanitaire
le 04/10/2020 France 3
- Nous parlons beaucoup des conséquences sanitaires et économiques du coronavirus, mais peu du risque psychologique, quels sont les risques pour les individus ?
Le confinement qui est une protection physique est une agression psychique. Il y a une très grande inégalité des réactions.
Ceux qui, avant le confinement, avaient acquis des facteurs de protection : l’aptitude à la parole, une famille stable, un diplôme, ceux-là vont sortir du confinement apaisés, parfois même améliorés par le confinement.
À l’inverse, ceux qui avant le confinement avaient acquis des facteurs de vulnérabilité : famille instable, faible accès au langage, petit diplôme donc petit salaire, donc petit logement, ceux-là vont vivre le confinement comme un trauma et vont sortir du confinement aggravés.
- Donc cela a accru les inégalités sociales ?
- On voit monter une très grande méfiance de la population vis-à-vis des gouvernements, des stratégies mises en place : les chiffres sont contestés, les tensions s’exacerbent, comment sort-on de cette situation de tension ?
Exactement. C’est-à-dire que l’inégalité sociale était déjà grande avant, puisqu’on vit dans une société étonnamment clivée. Cette inégalité sociale est aggravée par le confinement. Dans toutes les épidémies, dans toutes les périodes de guerre, le gouvernement est très critiqué. On ne croit plus. C’est embêtant parce que quand on ne croit plus ceux qu’on a élus, on se soumet à des gourous.
On voit apparaître des sectes, on voit apparaître des idées invraisemblables, complotistes actuellement. Mais c’est ce qui se passe dans toutes les guerres ou dans toutes les situations de précarité sociale.
- Donc cette crise sanitaire et économique pourrait avoir des conséquences politiques très graves ?
Absolument. Après une crise comme une pandémie ou après une guerre il y a schématiquement trois solutions : ou bien, on remet en place ce qui fonctionnait avant, c’est-à-dire l’hyper consommation, l’hyper mobilité, responsables de l’épidémie, et dans trois ans il y aura un nouveau virus.
La deuxième solution, c’est quand on est désemparé, après des périodes de KO social, presque toujours arrive un sauveur qui dit : « Moi, je sais où est la vérité, votez pour moi, je vais vous sauver. » On voit qu’actuellement dans tous les pays en KO social, beaucoup de dictateurs sont actuellement démocratiquement élus.
La troisième solution, c’est que ça nous contraint à faire un changement culturel : changer nos voyages, changer les rapports humains… Dans ce cas-là, on voit que très souvent, après une épidémie on voit une amélioration sociale.
- Vous êtes le spécialiste de la résilience, quelles sont les clefs pour sortir de cette crise de façon un peu moins sombre que ce que vous venez de nous décrire ?
Il aurait fallu commencer dès la naissance (rires). C’est-à-dire que l’on sait maintenant que notre président, m’a nommé président d’une commission pour les 1.000 premiers jours, et on sait maintenant que c’est le socle qui renforce un bébé.
Si ces 1.000 premiers jours sont réussis, ce n’est pas gagné pour la vie, mais au moins il est bien parti. S’il y a des blessures à ce moment-là, ce n’est pas perdu pour la vie, mais il faudra les compenser et là, c’est le processus de résilience.
Plus l’enfant est petit, plus la résilience est facile, mais plus les traumas sont faciles aussi. Ça veut dire que l’on peut apprendre à un bébé le plaisir de parler, le plaisir de rencontrer et dans ce cas-là, on lui donne des facteurs de protection.
Excellent et nécessaire court article, Thierry. Il est par ailleurs très réservé et prudent : il n’aborde pas la question du mensonge des élites et les conséquences parfois violentes de ce quelque chose souvent vécu comme une trahison.Bien cordialement,Jean-Marc
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