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INVENTER UNE GOUVERNANCE ÉTHIQUE DE LA CRISE.

RESTAURER UNE ETHIQUE PUBLIQUE

Les principes éthiques ( notamment, éthique de responsabilité, de considération…) ne peuvent être absents de l’action publique, qu’il s’agisse des institutions ( exécutif, législatif, judicaire ) ou des autres acteurs majeurs ( administration, parties prenantes, presse, citoyens…; Et Metahodos évoque régulièrement cette question, en particulier lorsqu’il s’agit des pratiques de l’exécutif dans l’action et dans la communication.

Nous avons publié Emmanuel Hirsch à plusieurs reprises, et un lecteur nous signale un article qui prolonge et complète celui d’hier, même s’il est antérieur.

LOYAUTÉ ET DISCERNEMENT, VICTIMES D’UNE GOUVERNANCE PERDUE. https://metahodos.fr/2021/04/24/la-loyaute-et-le-discernement-sont-les-victimes-de-cette-gouvernance-de-la-pandemie/

Voir une autre publication évoquant Emmanuel Hirsch :

EMMANUEL HIRSCH : « COVID, LA LOGIQUE ADMINISTRATIVE A BROYÉ DES EXISTENCES ». https://metahodos.fr/2021/03/24/emmanuel-hirsch-covid-la-logique-administrative-a-broye-des-existences/

ARTICLE

INVENTER UNE GOUVERNANCE ÉTHIQUE DE CETTE CRISE SOCIÉTALE

Emmanuel Hirsch 30 NOVEMBRE 2020 

Plutôt que de prescrire un cadre restrictif, parfois inconsidéré, à nos libertés individuelles en y consacrant une obsession administrative inconvenante, trop souvent inappropriée voire dérisoire, n’était-il pas de bonne gouvernance  que de considérer notre communauté nationale digne d’être associée aux choix qui déterminent sa destinée ?

Les temps de la stupéfaction et de l’impréparation qui ont peut-être justifié un état d’urgence, ne peuvent pas perdurer et nous soumettre plus longtemps à des arbitrages dont la société est exclue. Nous savons ce que le gouvernement a fait de nos « essentiels » au moment même où ils nous étaient les plus indispensables, ne serait-ce que pour préserver des repères dans nos existences bouleversées.

Notre « France apprenante » a su comprendre que les annonces sentencieuses et les prescriptions circonstanciées, trop souvent improvisées et décalées d’une intelligence de l’humain et de ce qu’il éprouve, ne déterminent pas une stratégie et ne fixent pas un cap à la volonté d’agir.

Nous avons bénéficié d’une pédagogie de la responsabilité partagée à travers l’exemplarité de nombre d’initiatives de terrain. En quoi ce savoir pratique, cette expertise indispensable ont-ils été pris en considération dans un processus décisionnel dont on ignore les cheminements et plus encore à quels fondamentaux il se réfère ?

Plutôt que de prescrire un cadre restrictif, parfois inconsidéré, à nos libertés individuelles en y consacrant une obsession administrative inconvenante, trop souvent inappropriée voire dérisoire, n’était-il pas de bonne gouvernance  que de considérer notre communauté nationale digne d’être associée aux choix qui déterminent sa destinée ?

Si les règles de distanciation sont recevables en termes de santé publique, elles s’avèrent incompatibles avec l’exercice d’une responsabilité publique respectueuse de l’esprit et des formes de la vie démocratique. Au-delà d’une défiance à l’égard des légitimités et des expertises qui s’est accentuée ces derniers mois, la critique plus inquiétante encore porte sur ce que le pouvoir a fait de notre démocratie. Au mieux elle a été confinée, au pire elle nous est confisquée sans la perspective d’une ouverture qui serait enfin consentie. Doit-on se résoudre à observer le mépris témoigné à notre représentation nationale assignée à valider in extremis des textes de lois qu’elle n’a pu discuter sur le fond ?

Le mode de gestion solitaire, dans le secret d’un Conseil de défense et de sécurité ainsi que d’autres instances à l’écart de l’espace public, est l’expression d’une position incompatible avec les principes affirmés pour une gestion démocratique d’une crise sanitaire sur un long terme. Depuis 2004, dans l’ensemble des plans préparatoires à une crise sanitaire, l’acceptabilité des mesures est conditionnée par la concertation, la loyauté, l’explication dans le cadre d’une information transparente. Responsabiliser la société, l’impliquer dans l’exigence de pratiques sociales adaptées aux défis d’une pandémie, c’est l’associer à la réflexion délibérative qui doit être instaurée en amont de la décision politique, et tout autant la reconnaître dans sa dignité, ses droits et ses compétences. Au-delà de quelques propos incantatoires, il est déplorable que telle n’ait pas été jusqu’à présent la préoccupation de nos responsables politiques.

Plus tard, des instances légitimes évalueront, en prenant le recul nécessaire, ce qu’aura permis effectivement de préserver une politique dont je comprends à quels défis inédits elle est aujourd’hui encore confrontée. De même, nous pourrons analyser les logiques qui ont prévalu dans des procédures aboutissant à des mesures imparfaitement préparées et si souvent disproportionnées au regard des objectifs visés. La défiance des autorités publique est telle à l’égard de la société, qu’elles se sont estimées autorisées à exercer sur son quotidien un contrôle démesuré, ce qui laissera des traces indélébiles car la confiance se mérite. Il faut en être digne.

Il y a désormais urgence à réinvestir le champ de nos responsabilités, en affirmant nos droits dans l’approche des réalités immédiates de cette crise sociétale, et dans l’arbitrage des choix difficiles qu’elles justifient.

L’urgence politique se situe dans la capacité d’arbitrer des choix politiques qui nous engagent et dont nous assumerons collectivement la responsabilité. Ne pas l’admettre serait prendre un risque que notre démocratie ne surmonterait pas.

Les priorités de la concertation publique ne me semblent pas devoir être limitées aux conditions d’accessibilité d’un vaccin ou à la détermination des règles d’isolement imposées aux personnes contaminées. Il y a nécessité à convenir, dans un esprit de responsabilité, de solidarité, de dialogue et d’ouverture des risques que nous sommes prêts à assumer afin d’éviter que notre société ne sombre dans une forme d’impuissance, d’errance et de renoncement dont on pressent le caractère délétère.

Notre expérience de ces mois, notre compréhension des conséquences humaines, sociales et économiques de décisions nécessaires dans un contexte contraint, doivent nous engager à reprendre l’initiative et à débattre de ce qui nous semble essentiel. Notre tâche est de repenser et de reconstruire ensemble un projet de société. Y compris s’il s’agit de hiérarchiser les risques justifiés, acceptables, ceux que l’on est prêts à assumer, quel qu’en soit le coût.

L’enjeu est de mesurer, en y consacrant une expertise partagée, ce qui nous est indispensable et ce à quoi, provisoirement, nous serions prêts à renoncer si nous n’avions pas la possibilité de décider autrement.

Examiner en conscience ce qui nous est le plus important, les inconditionnels auxquels nous ne pouvons pas renoncer faute de quoi nous y abandonnerions nos fondamentaux, constitue à la fois un engagement moral et un acte politique.

Pour ce qui me concerne, je situerai d’emblée au niveau le plus élevé de mes inconditionnels le souci exigeant d’une sollicitude à l’égard des plus vulnérables. Car en quelques mois nos fragilités se sont révélées au cœur des enjeux les plus pressants de la vie en société. Elles se sont accentuées, investissant les territoires insoupçonnés des précarité de vie, de conditions sociales, de conditions d’âge, de dépendances, au point de nous donner à penser qu’il n’y aura pas d’après sans estimer que nos devoirs doivent tout d’abord s’exercer en termes de justesse morale, de justice sociale, de bienveillance et de lucidité.

L’urgence politique se situe dans la capacité d’arbitrer des choix politiques qui nous engagent et dont nous assumerons collectivement la responsabilité. Ne pas l’admettre serait prendre un risque que notre démocratie ne surmonterait pas.

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