
Le ministre de l’éducation nationale a commenté,
mercredi sur LCI, la suspension temporaire par Sciences Po Grenoble d’un professeur, Klaus Kinzler, pour des « propos diffamatoires ».
Article
Professeur suspendu à l’IEP Grenoble : « une erreur formelle », regrette Jean-Michel Blanquer
Une décision qui n’en finit pas de faire réagir. Trois jours après la suspension temporaire d’un professeur, Klaus Kinzler, pour « propos diffamatoires » par la direction de Sciences Po Grenoble, le ministre de l’éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, a qualifié cette décision d’« erreur formelle », mercredi 22 décembre sur LCI. « La priorité n’est pas de sanctionner ce monsieur », a-t-il regretté.
Dans plusieurs interviews accordées début décembre au site de l’hebdomadaire Marianne, au quotidien L’Opinion et à la chaîne CNews, M. Kinzler décrivait l’IEP comme un institut de « rééducation politique », accusant un « noyau dur » de collègues, adeptes selon lui des théories « woke », d’endoctriner les étudiants, et la direction de l’IEP de laisser faire.
Écouter aussi C’est quoi exactement, le « wokisme » ?
En réaction, la direction a suspendu le professeur pour quatre mois, à cause de ces propos, qu’elle juge « diffamatoires ». Si la directrice de l’IEP, Sabine Saurugger, affirme que les « enseignants sont libres de s’exprimer », elle estime dans une interview au Monde qu’il est de son « devoir d’intervenir lorsque la réputation de l’institution est prise pour cible, lorsque j’entends parler d’“un camp de rééducation politique” et lorsqu’on attaque personnellement le personnel de l’établissement ». « Dans ce cadre, je joue mon rôle d’employeur face à un membre du personnel », assène-t-elle. De son côté, l’intéressé a répondu au Monde : « J’ai été estomaqué par cette décision. La directrice m’a interdit de parler à la presse, mais je revendique le droit de m’exprimer. »
A la suite de cette décision, le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes, Laurent Wauquiez (Les Républicains) avait fait savoir sur Twitter qu’il suspendrait les financements régionaux (environ 100 000 euros par an hors investissements sur projets) à l’IEP – dont le budget est de 5 millions d’euros. Il comptait dénoncer notamment la « longue dérive idéologique et communautariste », qui vient de « franchir un nouveau cap » avec la suspension de l’enseignant. Selon lui, « une minorité a confisqué le débat » au sein de l’établissement, « sans que la direction prenne la mesure de cette dérive préoccupante ». En réponse, Mme Saurugger a regretté « la lecture erronée »de M. Wauquiez. « Sciences Po Grenoble n’est pas un établissement rongé par le “wokisme”ou la “cancel culture”, tel qu’on veut bien le décrire », a-t-elle fait savoir. « Je pense qu’il faut, bien entendu, réagir », a de son côté estimé M. Blanquer, avant toutefois d’ajouter que « ce n’est pas toujours des mesures spectaculaires qu’il faut prendre ».
Accusation d’« islamophobie »
Depuis la fin de 2020, Sciences Po Grenoble connaît en effet un climat de tension. Tout a commencé quand M. Kinzler et une collègue historienne avaient échangé des courriels véhéments à propos d’une journée de débats, intitulée « Racisme, antisémitisme et islamophobie », dans lesquels ils contestaient cette dernière formulation et critiquaient l’islam.
Le 4 mars, le professeur avait été, ainsi qu’un autre enseignant, la cible d’affichettes l’accusant d’« islamophobie », placardées par des étudiants à l’entrée de l’école et relayées sur les réseaux sociaux par des syndicats. A l’époque, la direction avait condamné « très clairement » ces affiches, tout en estimant que la façon dont M. Kinzler parlait de l’islam était « extrêmement problématique ». A la fin novembre, seize des dix-sept étudiants incriminés ont été relaxés lors d’une procédure disciplinaire menée par l’université Clermont-Auvergne.
Sur LCI, mercredi, le ministre de l’éducation a de nouveau mis en cause le « wokisme » après ce dernier épisode : « C’est de l’idéologie à la place de la science », a-t-il dit. « J’entends la directrice de Science Po (Sabine Saurugger) dire que sa maison n’est pas infestée par le “wokisme” et que ce qu’elle veut, c’est de la sérénité ; on a envie d’être d’accord avec ces deux points », a-t-il dit. Le ministre a toutefois recommandé de ne pas confondre « victimes »et « coupables » dans cette affaire. Lui-même considère que les coupables sont « ceux qui ont fait des tags » visant le professeur et que ceux-ci ne pouvaient ignorer qu’ils provoquaient « des menaces de mort sur quelqu’un ». Face à cette situation, la ministre de l’enseignement supérieur, Frédérique Vidal, a demandé à l’inspection générale de « renforcer son suivi » et au rectorat de « rester en contact avec la directrice pour accompagner l’établissement ».
8 réponses »