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NE PAS DESESPERER DE LA DEMOCRATIE. Dominique Moïsi

DES « HOMMES FORTS » QUI PEUVENT VACILLER

De la Russie aux USA en passant par l’Inde et la Chine, l’heure semble à la régression démocratique. Pourtant, 2022 pourrait aussi voir plusieurs « hommes forts » vaciller : en Hongrie, au Brésil ou aux Philippines.

IL N’EST PAS TEMPS DE SE RESIGNER

Pour Dominique Moïsi, Géopolitologue, conseiller spécial de l’Institut français des relations internationales, il n’est pas temps de se résigner.

Article

Ne désespérons pas de la démocratie

Ouest-France   Dominique MOISI. Publié le 17/01/2022 

Pour Poutine et Xi Jinping, l’Histoire récente est la démonstration de la supériorité du modèle autoritaire sur le modèle démocratique.nullPUBLICITÉnullnull

Le pays qui a constitué le modèle, le rempart, sinon le moteur de la démocratie pendant des décennies, les États-Unis, ainsi que la première démocratie au monde sur le plan démographique, l’Inde, sont tous deux en crise. L’Amérique est menacée par la polarisation absolue de sa société : pour certains républicains, le Parti démocrate constitue une menace plus grave que la Russie. L’Inde, quant à elle, est confrontée à l’intolérance grandissante du nationalisme religieux. Et au cours de l’année 2021, la démocratie a encore reculé dans des pays aussi divers que la Tunisie, le Soudan et Myanmar.

Le monde semble être entré dans un cycle de récession, sinon de régression démocratique globale. Au lendemain de la chute du Mur de Berlin, Francis Fukuyama parlait de La Fin de l’histoire. La démocratie l’avait emporté. Aujourd’hui, le philosophe américain d’origine japonaise revient sur les évènements du 6 janvier 2021 et « la prise du Capitole » par les partisans de Donald Trump. Pour la première fois depuis la fin de la guerre civile américaine, un camp refuse de reconnaître la défaite de son candidat. Il y aura un avant et un après cette tentative de putsch ratée, écrit-il.

L’attaque sur le Congrès marque un déclin significatif du pouvoir et de l’influence globale des États-Unis dans le monde. L’agressivité accrue de la Russie à l’encontre de l’Ukraine et, à un degré moindre, de la Chine à l’égard de Taïwan sont, pour partie au moins, la conséquence directe de ce qui s’est passé à Washington le 6 janvier 2021. « La démocratie américaine est gravement malade, l’Europe est inexistante, c’est le moment d’avancer nos pions », pense-t-on à Moscou et à Beijing.

Raison et modération

Mais la crise de la démocratie est-elle vraiment ce phénomène global et irréversible qui réjouit les Russes et les Chinois, les poussant à prendre des risques, peut-être inconsidérés ?

La réalité est beaucoup plus complexe. Ainsi en 2022, trois dirigeants, tenants de la « démocratie illibérale », pourraient tout simplement perdre le pouvoir. Viktor Orban en Hongrie, Jair Bolsonaro au Brésil et Rodrigo Duterte aux Philippines. À cette liste, il conviendrait peut-être d’ajouter – mais les élections n’auront lieu qu’en 2023 – Recep Tayyip Erdogan en Turquie. La fragilité des « hommes forts » en Hongrie, au Brésil, aux Philippines et en Turquie devrait nous conduire à avoir plus d’espoir dans l’avenir de la démocratie.

Notre mélange de pessimisme et de fatalisme est d’autant moins justifié qu’au sein des grands pays de l’Union européenne, la démocratie pourrait sortir renforcée des processus électoraux en cours. Il suffirait pour cela que la France suive le modèle allemand. De l’autre côté du Rhin, la raison et la modération l’ont emporté. En sera-t-il de même en France ? L’élection présidentielle sera suivie avec la plus grande attention. Son résultat apparaîtra comme la confirmation de la résilience, ou de la fragilité, du modèle démocratique.

On ne saurait confondre la crise de la démocratie américaine – qui a des conséquences géopolitiques profondes sur l’équilibre du monde – avec la fin annoncée du modèle démocratique. La démocratie, quelles que soient ses faiblesses, multiples et bien réelles, est infiniment plus résiliente que ne le pensent les despotes russe et chinois ou les tenants de la démocratie illibérale. L’Amérique n’est pas (n’est plus ?) l’inéluctable futur des démocraties dans le monde.

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