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La démocratie, ça se défend
PAUL GÉRARD Rédacteur en chef de L’ECHO 24 02 22
L’invasion de l’Ukraine par l’armée russe doit sonner comme la fin des heures naïves pour l’Europe démocratique.
La tension montait depuis des semaines, à mesure que Vladimir Poutine haussait le ton, basculant dans une rhétorique de plus en plus violente, conviant les mots les plus fous pour qualifier l’Ukraine, se répandant en désinformations sans limites.
Et puis un matin, ce jeudi matin, réveil brutal. Le risque de guerre s’est matérialisé. L’Ukraine est envahie. Des chars déboulent, des missiles fusent, des bombes explosent, l’incertitude et la peur se répandent, des vies se perdent. C’est la guerre. En Europe. Vertige.
Les aspirations impérialistes de Vladimir Poutine s’expriment sans filtre. Il ne menace pas d’agir, il agit. Il ne rêve pas de grandeur russe, il la déroule en suivant une logique conquérante dont on se demande si elle connaît la moindre limite. Pour mieux faire grandir l’influence russe, il en agrandit le territoire. Quand il n’annexe pas, il envahit.
Les appels à la désescalade, les avertissements, mises en garde, résolutions, condamnations, sanctions… tout ça, Poutine s’en moque comme de sa première chemise. Le tsar de Moscou envoie valdinguer la panoplie diplomatique occidentale, avec froideur et dédain. On l’entend d’ici: cause toujours, montez sur vos grands chevaux si cela vous chante, moi je taille ma route.Comme il paraît dépassé, naïf et inefficace, ce logiciel géopolitique-là.
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Face au leader autocrate, face à la montée en puissance des régimes autocratiques dans le monde (on notera la « compréhension » de la Chine envers la Russie), l’Occident en général et l’Europe en particulier ne font plus vraiment le poids avec leurs postures prudentes, nuancées, patientes. Comme il paraît dépassé, naïf et inefficace, ce logiciel géopolitique-là, développé à la suite de la fin de la Guerre froide.
Le grand frère américain n’est plus le patron du monde, du moins plus le seul. Coincée entre les grands décomplexés, l’Europe démocratique perd du terrain, au propre comme au figuré. Elle parle, elle parle, mais on l’écoute de moins en moins. Si ses dirigeants ont jamais cru à l’expansion naturelle de la démocratie, nous avons tous sous les yeux la preuve ultime qu’il n’en est rien.
Que ce soit au travers de l’Otan ou de ses instances propres, l’Europe doit, elle aussi, en finir avec ses complexes. Elle doit prendre ses responsabilités, s’organiser, s’équiper et cesser de compter sur la chance ou sur les autres. On ne parle pas ici de repli sur soi. On parle de réalisme. C’est la fin des heures naïves. La démocratie, ça se défend.