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ENQUETE DU PNF SUR McKINSEY: LES MOTIFS QUI LA FONDENT… SANS JUSTIFIER SA LENTEUR – MISE À JOUR

Cette enquête porte sur d’éventuels faits de « blanchiment aggravé de fraude fiscale ».

Un rapport sénatorial avait accusé d’évasion fiscale le cabinet de conseil américain, auquel le gouvernement a fait largement appel pour des missions au cours du quinquennat.

Une lenteur inexplicable

Une de nos lectrices nous propose cet article qui détaille les indices qui conduisent à une telle enquête du parquet qui – par ailleurs – parait bien tardive et lente

MISE À JOUR DANS LA ZONE COMMENTAIRE DE LA PUBLICATION

Article

Affaire McKinsey : les raisons qui ont poussé le Parquet national financier à ouvrir une enquête préliminaire

Par Maxime Vaudano et Anne MichelPublié le 06 avril 2022 Le Monde

Après des semaines de controverses politiques, la polémique sur les cabinets de conseil prend une tournure judiciaire. Le Parquet national financier (PNF) a annoncé, mercredi 6 avril, avoir ouvert une enquête préliminaire pour « blanchiment aggravé de fraude fiscale » à l’encontre du cabinet de conseil McKinsey.

Cette enquête préliminaire, déclenchée le 31 mars, vise à faire la lumière sur la légalité du statut fiscal des filiales opérationnelles françaises de McKinsey. En marge de son travail sur le recours par l’Etat aux cabinets de conseil, une commission d’enquête du Sénat avait en effet découvert que le cabinet américain n’avait pas payé d’impôt sur les sociétés entre 2011 et 2020, alors qu’il réalise en France un chiffre d’affaires annuel de plusieurs centaines de millions d’euros (329 millions en 2020). Un miracle rendu possible par un mécanisme d’optimisation fiscale dit de « prix de transfert », classique pour les multinationales.

Si le caractère légal ou frauduleux de ces pratiques est toujours difficile à établir, la révélation de cette information dans le rapport du Sénat, le 17 mars, a immédiatement suscité une vive polémique, en raison des nombreux contrats confiés par le gouvernement à McKinsey au cours du quinquennat écoulé.Lire :  Article réservé à nos abonnés  Le cabinet de conseil McKinsey accusé d’évasion fiscale en France

« Nous avons ouvert cette enquête dans les jours qui ont suivi la publication du rapport du Sénat », déclare au Monde le procureur de la République financier, Jean-François Bohnert. L’enquête du PNF a été déclenchée après une évaluation interne du dossier, qui a consisté à mener de premiers recoupements et vérifications sur la nature des révélations du rapport sénatorial. Elle a été confiée au service d’enquêtes judiciaires des finances, la police fiscale créée en 2019 à Bercy.

« L’ouverture de cette enquête confirme la rigueur et le sérieux des travaux de la commission d’enquête, qui avait découvert les pratiques fiscales de McKinsey en réalisant des contrôles sur pièces et sur place à Bercy », se sont félicités les deux sénateurs responsables de la commission d’enquête, Arnaud Bazin (Les Républicains) et Eliane Assassi (Parti communiste).

Critiques contre Bercy

C’est en effet en récupérant à Bercy des documents relatifs à la situation fiscale des entités françaises de McKinsey, en décembre 2021, que les sénateurs ont pu établir que le cabinet américain n’avait pas payé d’impôt sur les sociétés pendant au moins une décennie. Le Monde avait révéléquelques mois plus tôt que la branche française de McKinsey opérait depuis une structure installée dans l’Etat du Delaware (Etats-Unis), le principal paradis fiscal américain pour les sociétés, caractérisé par une imposition nulle et une grande opacité financière, sans pouvoir détailler à l’époque les conséquences fiscales de ce montage.

Pointée du doigt pour sa passivité dans le dossier, l’administration fiscale a assuré avoir lancé un contrôle fiscal sur le cabinet en novembre 2021, alors que démarraient les travaux des sénateurs. Une source au sein de l’exécutif a par ailleurs affirmé au Monde que le fisc avait même commencé à s’intéresser à McKinsey avant la pandémie de Covid-19, sans toutefois adresser de demande de document ni notifier officiellement un contrôle à la multinationale.

Le ministre de l’économie et des finances, Bruno Le Maire, a assuré le 30 mars que« McKinsey paiera tous les impôts qu’il doit à la France rubis sur l’ongle », et que le gouvernement n’avait « pas de leçons à recevoir en matière de lutte contre l’optimisation fiscale ». Selon nos informations, les services fiscaux n’ont, à ce stade, saisi la justice d’aucune infraction impliquant McKinsey et mènent leurs investigations en parallèle du service d’enquêtes judiciaires des finances.Lire aussi :  McKinsey et Macron : le vrai et le faux sur la polémique

De son côté, le président de la République, Emmanuel Macron, s’est dit « choqué » des pratiques fiscales de McKinsey, tout en suggérant qu’elles n’avaient rien d’illégal. « Personne ne fait payer l’impôt à des entreprises comme celle-ci, car ce ne sont pas les règles », a-t-il déclaré le 23 mars sur M6, en soulignant que cela s’inscrivait dans le cadre d’« une bataille internationale » qu’il a lui-même menée en Europe, afin de contraindre les entreprises à payer « un impôt minimal ». Une référence au projet de taxation internationale pour les plus grandes entreprises, conçu comme une arme contre les paradis fiscaux et les stratégies de dumping.

McKinsey a quant à lui affirmé « respecter les règles fiscales françaises », sans pour autant contester les informations du Sénat. Pour se défendre, le cabinet américain a dit avoir payé « 422 millions d’euros d’impôts et de charges sociales », en entretenant la confusion entre l’impôt sur les sociétés et les cotisations sociales versées sur les rémunérations de ses salariés. Dans un communiqué publié mercredi, McKinsey a déclaré que, « s’il [était] sollicité », il se « [tiendrait] à la disposition des administrations et autorités compétentes ». « Chaque fois que le cabinet a fait l’objet de demandes d’informations de la part des autorités publiques, il a évidemment toujours répondu et pleinement collaboré, y compris sur les questions techniques de fiscalité. Cela a été le cas lors des précédents contrôles fiscaux des différentes entités de McKinsey en France », a ajouté la société.

Plus de 1 milliard d’euros en 2021

Cette « affaire McKinsey », largement exploitée par les adversaires d’Emmanuel Macron, s’est imposée en quelques semaines comme un sérieux boulet dans la campagne express du candidat à l’élection présidentielle.

Le chef de l’Etat a en effet entretenu des liens de proximité avec plusieurs dirigeants du cabinet, dont certains ont participé à titre personnel à sa campagne en 2017. Parmi eux, le responsable du pôle service public du cabinet, Karim Tadjeddine, est dans la tourmente depuis son audition devant la commission sénatoriale, le 18 janvier : il avait affirmé sous serment que McKinsey était bien assujetti à l’impôt sur les sociétés – ce qui a conduit le Sénat à saisir le 25 mars la justice pour soupçons de faux témoignage.Lire l’enquête :  McKinsey : le gouvernement se défend contre les nouvelles attaques des rivaux d’Emmanuel Macron

Au-delà du volet fiscal, la controverse déclenchée par le rapport sénatorial porte sur l’ampleur du recours de l’Etat aux cabinets de conseil, évalué à plus de 1 milliard d’euros pour la seule année 2021, en hausse nette sous le quinquennat Macron. Un « phénomène tentaculaire » qui fait, selon les sénateurs, courir le risque que des consultants privés prennent progressivement le pas sur les fonctionnaires de l’administration.

Si McKinsey représente moins de 2 % des dépenses totales engagées par l’Etat pour des prestations de conseil, « la Firme », ainsi qu’elle est surnommée, est intervenue en appui du gouvernement sur plusieurs chantiers importants du quinquennat, comme la gestion de la campagne de vaccination contre le Covid-19, la préparation de la réforme des retraites ou l’organisation des rencontres Tech for Good, qui ont vu défiler les patrons du numérique à l’Elysée. D’après l’enquête du Monde, McKinsey a été missionné sur au moins 43 prestations entre 2018 et 2021. A ce stade, aucune investigation judiciaire n’est engagée pour examiner la façon dont ce cabinet ou d’autres ont pu peser sur les décisions publiques au cours des dernières années.

En réponse à la polémique, la ministre de la transformation et de la fonction publiques, Amélie de Montchalin, a assuré, le 30 mars, qu’« aucun cabinet de conseil n’a décidé d’aucune réforme, et [que] la décision revient toujours à l’Etat ». « Nous ne nous sommes pas dessaisis de nos responsabilités », a-t-elle dit. La pratique est, selon elle, « répandue », « habituelle » et « utile » dans la « majorité des cas ». Le gouvernement s’est engagé à réduire de 15 % les dépenses de conseil en 2022 et à publier désormais chaque année la liste complète des prestations commandées par l’Etat.

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