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CABINETS CONSEIL – SUITE : L’ÉLYSÉE RETIENT LES CONTRATS DU QUINQUENNAT PASSÉ

LA PRÉSIDENCE DE LA RÉPUBLIQUE NE MET PAS EN ŒUVRE LA DÉCISION DE L’AUTORITÉ ADMINISTRATIVE

Contrairement à la délibération de la Commission d’accès aux documents administratifs, la présidence de la République n’a pas communiqué au « Monde » la liste et le contenu des missions menées depuis 2017.

DERNIÈRE PUBLICATION ( LIENS VERS D’AUTRES PUBLICATIONS EN FIN D’ARTICLE ) :

CABINETS CONSEIL : DE NOUVELLES RÈGLES, ET RIEN NE CHANGE ? DOSSIER. https://metahodos.fr/2022/09/05/cabinets-de-conseil-pourquoi-les-nouvelles-regles-ne-changent-pas-le-probleme/

ARTICLE

Cabinets de conseil : l’Elysée tarde à rendre publics les contrats du premier quinquennat Macron

Par Maxime Vaudano LE MONDE

Depuis qu’a éclaté la polémique du recours massif aux cabinets de conseil, Emmanuel Macron et le gouvernement ne cessent de promettre la transparence. « On a l’impression qu’il y a des combines, c’est faux », avait assuré le président le 27 mars. Pourtant, de nombreuses zones d’ombre subsistent sur les liens qui unissent l’Etat aux grandes entreprises du conseil, comme McKinsey, Accenture, BCG ou Capgemini. Sollicité depuis le mois de février, l’Elysée n’a toujours pas communiqué au Monde la liste et le contenu des missions de conseil menées par ces cabinets auprès de la présidence de la République au cours du premier mandat d’Emmanuel Macron.

Face au silence opposé par le cabinet du président à ses demandes, Le Monde a saisi la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA), chargée de veiller au respect du droit des citoyens à accéder aux documents publics, consacré par la loi de 1978. Le 21 avril 2022, la CADA a émis un avis favorable à la communication par l’Elysée des documents demandés par nos journalistes, ce qui aurait permis au Monde d’analyser le travail des consultants pour la présidence de la République.

Qu’est-ce que la procédure CADA ?

Depuis la loi du 17 juillet 1978, tout citoyen bénéficie d’un droit d’accès aux documents administratifs produits par l’Etat – à moins qu’ils soient couverts par un régime de secret reconnu par la loi (secret commercial, secret-défense, secret médical, respect de la vie privée…). Il suffit pour cela d’adresser une demande à l’administration concernée qui a produit le document : ministère, agence, préfecture…

En cas de refus, ou faute de réponse au bout d’un mois, le citoyen peut déposer un recours auprès de la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA). Cet organe indépendant mène alors une investigation, en interrogeant l’institution, pour déterminer si le document est communicable, et sous quelle forme.

Si la CADA rend un avis favorable, l’institution est invitée à communiquer le document au citoyen demandeur. Mais la commission ne peut pas la contraindre à le faire.

Si l’institution refuse toujours de se conformer à la décision, le citoyen doit donc saisir le tribunal administratif pour obtenir une décision judiciaire contraignant l’institution à communiquer le document. Si certains passages du document sont couverts par le secret, l’institution est autorisée à les caviarder.

Lire aussi : Les demandes d’accès à des documents administratifs en forte hausse auprès de la CADA

« Une charge de travail disproportionnée »

Dans son avis, la CADA rappelle que les éléments relatifs aux marchés publics passés par une institution comme l’Elysée sont censés être accessibles au public – à condition d’occulter les mentions reflétant la stratégie commerciale des cabinets de conseil, susceptibles de porter atteinte au secret commercial.

La commission estime également que la présidence de la République devrait communiquer au Monde les « livrables », ces documents produits par les consultants au cours de leurs missions (présentations, diapositives, rapports, etc.), ainsi que les correspondances échangées avec les collaborateurs de la présidence pendant la durée de leur intervention – des éléments cruciaux pour comprendre la nature et la portée du rôle des consultants auprès d’institutions publiques.

Le cabinet de M. Macron avait qualifié d’abusive cette demande, faisant valoir que le caviardage des mentions commerciales sur ces documents entraînerait au sein de l’Elysée « une charge de travail disproportionnée » au regard de ses moyens, susceptible de « perturber le bon fonctionnement de ses services ». La CADA a battu cet argument en brèche, en rappelant que « le volume des documents demandés ne peut, par lui-même, justifier légalement un refus de communication », et en jugeant la demande raisonnable au regard des moyens de l’Elysée.

Sollicité avant la publication de cet article, l’Elysée est finalement sorti de son silence, en assurant que le traitement de la demande était « en cours », et que les documents seraient transmis « dans les meilleurs délais » – en justifiant ce temps d’attente par l’important travail de caviardage des documents à transmettre.

Mystère sur les contrats de conseil de l’Elysée

Dans un rapport publié en février, une commission d’enquête sénatoriale a mis en lumière le recours « tentaculaire » de l’Etat aux cabinets de conseil, en chiffrant à plus d’un milliard d’euros les contrats passés par le gouvernement en 2021. Cette commission a rendu publique une liste de près d’un millier de missions de conseil réalisées par plusieurs dizaines de cabinets auprès des principaux ministères pendant le quinquennat précédent, mais l’Elysée ne figurait pas dans le périmètre examiné par les sénateurs.

Lire notre enquête : Les cabinets de conseil, une machine installée au cœur de l’Etat

On ignore donc toujours le nombre et la nature des missions menées par des cabinets de conseil auprès de la présidence de la République au cours du premier mandat de M. Macron. Seules quatre d’entre elles sont connues à ce jour, grâce à des révélations de la presse ou du Sénat.

Les missions des cabinets de conseil pour l’Elysée connues à ce jour (2017-2022)

  • L’appui de Capgemini à la réorganisation du service courrier de l’Elysée, révélée par Mediapart, dont on ignore le coût ;
  • la contribution pro bono (bénévole) de McKinsey à l’organisation des sommets Tech for Good, qui ont vu défiler des grands patrons du numérique à l’Elysée ;
  • l’appui pro bono de Roland Berger à l’initiative Scale-up Europe, une vaste consultation de personnalités européennes de la tech lancée par Emmanuel Macron ;
  • la participation pro bono de BCG à l’organisation des sommets Choose France, un rendez-vous d’entrepreneurs rassemblés à Versailles pour vanter l’attractivité de la France.

Lire : Interventions invisibles et statut flou : le mélange des genres des consultants privés qui conseillent le gouvernement

Une transparence cosmétique

L’Elysée n’est pas la seule institution à traîner des pieds pour faire la transparence sur son recours aux consultants. La quasi-totalité des ministères sollicités par Le Monde n’ont pas encore transmis les documents liés aux missions de conseil dont ils ont bénéficié au cours du quinquennat 2017-2022, malgré des demandes remontant à février, et une série d’avis favorables rendus par la CADA en mai et juin 2022. Si certains réclament du temps pour procéder au travail d’occultation des mentions couvertes par le secret commercial, d’autres opposent le silence aux multiples sollicitations du Monde.

Pour « en finir avec l’opacité des prestations de conseil », les deux sénateurs qui ont dirigé la commission d’enquête, Eliane Assassi (Parti communiste) et Arnaud Bazin (Les Républicains), ont proposé en juin une loi visant à contraindre l’Etat à publier chaque année la liste des missions confiées à des cabinets privés. Le gouvernement n’a pour l’instant pas rebondi sur la proposition, se contentant de quelques évolutions cosmétiques sur les règles applicables à une fraction de ces missions, couvertes par le nouvel accord-cadre négocié par la direction interministérielle de la transformation publique. « Depuis la fin de la commission d’enquête, c’est le retour à l’opacité, s’agace une source sénatoriale. Malgré les annonces du gouvernement, nous n’avons aucune visibilité sur les contrats en cours, leur montant ou encore leurs résultats. »

Lire aussi : Recours aux cabinets de conseil : le Sénat dénonce l’« inaction » du gouvernement et propose une réforme

RELIRE CERTAINES DES PUBLICATIONS DE METAHODOS – LES ENTRETIENS DE LA MÉTHODE

AFFAIRE MC KINSEY / AFFAIRES DE L’ETAT – suitehttps://metahodos.fr/2022/03/23/affaire-mc-kinsey-suite/

Cabinets conseils et Action Publique. Excès de pouvoir ? https://metahodos.fr/2021/10/13/cabinets-conseils-et-action-publique-exces-de-pouvoir/

Affaire McKinsey : Une enquête ouverte – en catimini – le 31 mars pour blanchiment aggravé de fraude fiscale par le PNFhttps://metahodos.fr/2022/04/06/affaire-mckinsey-une-enquete-ouverte-en-catimini-le-31-mars-pour-blanchiment-aggrave-de-fraude-fiscale-par-le-pnf/

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AFFAIRE MC KINSEY : L’EXTERNALISATION À DES CABINETS DE CONSEILS, UN ENJEU CONSTITUTIONNEL ? https://wordpress.com/post/metahodos.fr/36637

« McKINSEY : NOUS, MAGISTRATS, TROUVONS ANORMAL QUE LE PARQUET NE DÉCLENCHE PAS D’ENQUÊTE » https://metahodos.fr/2022/04/05/mckinsey-nous-magistrats-trouvons-anormal-que-le-parquet-ne-declenche-pas-denquete/

AFFAIRE McKINSEY : L’EXÉCUTIF REFUSE – DEUX SEMAINES APRÈS – LES CRITIQUES, ET OPPOSE LA TRANSPARENCE  https://metahodos.fr/2022/03/30/sur-laffaire-mckinsey-une-conference-de-presse-du-gouvernement-pour-deminer/

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